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Gaspillage de papier, nombre de listes, vote électronique… Les couacs des élections européennes
Par Jérôme Bois • Publié le 16/05/19
Désolant constat ; l’élection européenne du 26 mai, avec 34 listes en lice est aussi celle de la surconsommation de docs de campagne. La quantité de papier utilisée durant cette campagne où culminent pas moins de 34 listes interroge alors que l’écologie est au centre des préoccupations. Un couac parmi tant d’autres, durant cette eurocampagne.
« Je suis outrée, scandalisée par les tonnes de papier gaspillées pour les élections, ça me perturbe beaucoup, on n’est pas du tout écologique sur l’utilisation du papier ». Un maire annonce la couleur, celle de Jacob-Bellecombette. Brigitte Bochaton ne cache pas son exaspération face aux vieilles méthodes. Elle n’est pas la seule.
Le vote électronique, l’alternative contestée
Il faut dire que cette élection n’en est pas à sa première incartade : l’obligation d’avoir, pour chaque commune, un panneau par candidat a déjà semé le trouble dans beaucoup de villages (lire notre article ici). « Ça pose en tout cas une vraie question » , pour Jean-Benoît Cerino, premier secrétaire fédéral du PS en Savoie, « une question démocratique et éthique » sachant que toutes les listes n’auront pas leurs bulletins à disposition, faute de moyens. Là revient le fantôme du vote via internet. «Est-ce que beaucoup de petits partis communiquent par digital ? Je n’en suis pas sûre, pourtant, cela suggère moins de déplacements, ce serait plus simple. Mais tant que le vote électronique ne sera pas imposé, on va continuer à gaspiller » , s’indigne Christelle Favetta-Sieyes, inscrite sur la liste UDI conduite par Jean-Christophe Lagarde. « Certains pays se sont déjà mis au vote électronique » , ajoute Brice Bernard, délégué départemental du Rassemblement national, « car la multiplication des listes implique celle du papier ». En effet, au Brésil, en Suisse, au Canada ou aux Pays Bas, le vote électronique a été testé. Et à chaque fois, abandonné. L’Estonie a néanmoins pérennisé la mesure.
Seulement, Brice Bernard s’interroge encore sur son intérêt : « Si tous les partis mettaient leurs bulletins en ligne, personne n’irait voter. Le tract reste un bon vecteur d’approche, l’affiche aussi, même si rien ne vaut le porte à porte ». L’approche militante qu’utilise depuis toujours le parti d’extrême droite.
Pour le premier secrétaire du PS, « l’enveloppe, c’est la certitude que l’électeur sera en contact avec un document. Internet, ce n’est pas naturel à tous. Et vous savez bien qu’un grand pourcentage d’e-mails passe à la trappe ». Et Jean-Benoît Cerino de suggérer « le volontariat, pour entrer en phase d’expérimentation. Un peu comme les impôts en ligne. Car le modèle papier a sans doute vécu ».
150 millions de feuilles !
En interrogeant l’un des imprimeurs engagés sur cette campagne, les imprimeries Morault, nous parvenons à obtenir un chiffre assez édifiant : 150 millions de feuilles seront imprimées ! Un chiffre délirant. « Nous sommes un exécutant, le Ministère de l’Intérieur nous envoie un mémento avec les obligations techniques, le grammage du papier, le type de papier etc, nous n’avons rien à dire, nous devons juste exécuter la commande » , explique Grégoire Morault.
Heureusement, dans toute cette démesure, une bonne nouvelle : cette année, le papier utilisé est recyclé. Un moindre mal. Encore faut-il savoir ce qu’il va advenir de tout ce papier une fois utilisé. Fabrice Pannekoucke, président de l’association des maires de Savoie, et maire de Moûtiers avoue réutiliser « les bulletins comme brouillon pendant des mois, même des années ». Une habitude. Lui se dit très favorable au vote électronique. « Même si la fracture digitale existe, il faut vraiment y songer » , souffle-t-il. Robert Clerc, maire de Grésy-sur-Aix, se contente de « mettre les papiers dans les bacs réservés au recyclage des papiers » , tout simplement.
« 34 listes, c’est trop »
Sur ce point, le Parlement européen est clair, les élections, le déroulement du scrutin et le devenir des bulletins relèvent de la responsabilité de chaque état membre. Quant au ministère de l’Intérieur, il précise qu’il revient à chaque maire de s’occuper du dernier point. Il faudra être imaginatif…
Il appartiendra ensuite aux instances européennes de s’interroger sur le nombre de listes susceptibles de se présenter à cette élection, car pour tous, « 34, c’est trop » , c’est même « un truc de fou » , pour Christelle Favetta-Sieyes, ce qui a abouti à « une campagne inefficace et inaudible, focalisée sur des problématiques nationales ». En 1999, scrutin comparable à circonscription unique, on en dénombrait 20. « Ça fait réfléchir sur l’aspect du droit constitutionnel, peut-être que le seuil de 3% pour voir sa campagne remboursée est trop bas » , note Jean-Benoît Cerino. Brice Bernard évoque le domaine financier : « Je me pose la question du financement de certaines de ces listes. Un investissement total de 800 000 euros pour faire campagne suppose que les petites listes sont soutenues. Mais comment et par qui ? »
Relativisons, la France n’est pas la plus mal lotie ; tenez, en Allemagne, elles étaient 59 pour 41 validées…
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