article
Départementales : pourquoi des femmes aux parcours atypiques se lancent
Par Laura Campisano • Publié le 02/06/21
La campagne officielle est bel et bien lancée, les premières affiches collées : la course aux départementales a démarré. Parmi les candidats, de nombreuses figures déjà connues de la sphère politique locale, certains se présentant à leur propre succession, d’autres briguant un mandat de conseiller départemental pour la première fois. Mais la particularité de cette élection est l’émergence de candidatures atypiques, de femmes aux parcours souvent éloignés de la chose politique, aux multiples potentialités et décidant de les mettre au service de la communauté. Nous en avons rencontré quatre, venues d’horizons différents. Leur vision, leurs aspirations détonnent et pourraient bien bousculer les codes, si elles venaient à être élues.
Parfois, les campagnes se suivent et se ressemblent, tout comme les candidats. Souvent issus du sérail, déjà connus pour avoir occupé des mandats ici et là… La surprise est rarement au rendez-vous au moment de renouveler le personnel politique. Tout semble se dérouler selon une tradition bien huilée, sans débordements. D’autres fois, des binômes se forment contre l’avis des formations politiques, ou mieux, font émerger de nouvelles personnalités : des femmes, parité oblige, mais pas n’importe lesquelles.
Championne, cheffes d’entreprise, issues du milieu associatif, mais hors logique de partis
Ce n’est sans doute pas le fruit du hasard si elles ont été approchées pour constituer des binômes en vue d’élections aussi importantes pour la politique locale. Chacune a sa particularité, mais toutes ont un point commun : la vision, le regard tourné vers l’avenir, la voix du changement, même. Mères, épouses, maman solo, citoyennes, sportives, endurantes, combatives. Ce ne sont pas des vains mots.
Onze fois championne du monde de ski de vitesse, avec à son actif cinq records de vitesse et huit fois championne de France, voilà un palmarès qui en impose. Karine Dubouchet-Revol est née à Aix-les-Bains, s’y est entraînée, y a fait ses premiers pas politiques et aime profondément sa ville. Mais si Renaud Beretti lui a proposé de composer un binôme en vue des départementales sur le canton d’Aix 2, c’est autant pour le mental que pour la détermination dont elle a fait preuve, jusqu’en Finlande, pour décrocher un titre vice-championne du monde à 46 ans en mars 2017. « C’est un binôme explosif, il n’y a aucune rivalité », nous explique-t-elle, « on se complète, avec complicité et c’est très important. Pour moi c’est une fierté, une grande fierté, il apporte la proximité avec les gens et moi, l’énergie positive, les idées différentes, un souffle nouveau. »
Adjointe aux sports depuis mars 2020, celle qui est devenue coach et professeure de fitness avoue n’avoir jamais pensé à la politique avant. Alors le département… « C’est un gros challenge, avec des événements à venir très importants, comme la coupe du monde de rugby en 2023 ou le fait que la Savoie soit terre de Jeux en 2024 », reprend-elle, « cette candidature est l’accomplissement de tout ce que j’ai fait avant au niveau sportif. Je vais apprendre, avec des gens qui connaissent déjà pour avoir fait un mandat, à moi de le marquer de mon empreinte. C’est comme la préparation physique, on travaille en partant des objectifs qu’on se fixe. »
« Je ne lâche jamais sur un dossier, je vais jusqu’au bout »
Pas de politique, pour Karine Dubouchet-Revol, mais plutôt l’envie de mettre ses connaissances et son expérience au service des habitants « J’amène ce que je sais faire », ajoute la nouvelle adjointe aux sports, « mon dynamisme, mon énergie, et faire bouger petit à petit. Je n’ai pas envie de changer ma façon de voir les choses, c’est cela qui va évoluer », souligne-t-elle. « Je ne lâche jamais sur un dossier, je vais jusqu’au bout. Et si après 11 titres de championne du monde et la Légion d’honneur je n’ai pas changé, pourquoi je changerais maintenant ? » La ténacité et l’authenticité, des points communs qu’elle partage avec Angélique Guilland, elle aussi coach depuis quelques années maintenant à « Place aux Possibles », structure qu’elle a créée tout comme son métier, celui de possibiliste. Sur l’affiche, elle compose un binôme avec Frédéric Bret, conseiller départemental sortant sur le canton de La Ravoire. Sur les réseaux sociaux, sa campagne fait mouche, non seulement par son décalage mais aussi par son sens de la pédagogie. Car pour cette ancienne cheffe d’entreprise, qui a gravi les échelons à force de travail et de convictions, rien n’est plus important que de « faire bouger les lignes » et pour y parvenir, si la politique est un outil, alors, elle s’y attelle. Cheffe de projet à l’université Savoie-Mont-Blanc, vice-présidente du Centre des jeunes dirigeants d’entreprise (CJD), ancienne conseillère municipale à La Ravoire, en plus de l’association qu’elle préside, Angélique Guilland est multicarte et mène tout de front, sans rien faire à moitié. « De retour en Savoie après l’avoir quitté pendant 15 ans, j’ai monté une boîte de service à la personne », expose-t-elle, « j’ai tout fait, jusqu’à avoir 1 000 clients et 17 salariés, tout en étant très investie dans les écoles, depuis que mes filles étaient petites C‘est comme ça que j’ai été détectée par Patrick Mignola à La Ravoire. J’ai été flattée dans mon orgueil, et j’ai voulu faire bouger les choses, j’étais pleine d’idéaux… et je suis arrivée à 300 à l’heure sans casque, je me suis pris le mur institutionnel. » Mais si la tentation de fuir l’entre-soi politicien est forte, la jeune femme décide de « ne pas quitter le navire mais de rester pour changer les choses. » Rien d’étonnant donc, qu’elle se lance dans la course aux départementales : ce n’est pas le titre qui compte, c’est ce qu’il est possible d’en faire. « J’ai compris qu’avec mes petits bras musclés, j’allais devoir m’adapter et me satisfaire de petits pas, alors je persévère. Je n’ai pas d’ambition politique, mon objectif est de changer les choses, de dépoussiérer. J’ouvre les voies, en mode éclaireur. »
Dynamisme et volonté de croire en un monde meilleur
Un dynamisme qu’elle partage aussi avec Linda Profit, qui a notamment dirigé la Jeune chambre économique en Savoie. Candidate sur le canton d’Aix 1 avec Jean-Claude Croze, cette cheffe, d’entreprise infatigable a, comme ses co-candidates, un profil tout à fait atypique. Le collectif, voilà une valeur qu’elles ont en commun, et pour laquelle Linda Profit s’engage. En 2007, elle crée avec son mari une SARL familiale pour permettre à son père, plâtrier et peintre, de finir sa carrière, après 31 ans de service dans son entreprise précédente. De 2007 à 2017, jusqu’à ce qu’il prenne sa retraite, Linda et son mari Laurent ont tout géré ensemble, et n’ont jamais cessé de vouloir propulser des jeunes. « Il faut faire confiance en cette jeunesse, il y a un manque de confiance alors qu’elle a tant de choses à faire, à apporter, quelles que soient nos origines. C’est la richesse de la Jeune chambre économique, c’est une école de la citoyenneté », explique celle qui l’a présidée au niveau national en 2020, « cela m’a permis de devenir la meilleure version de moi-même. Y être affiliée fait sens, car cela permet d’œuvrer dans une même direction, de croire en un monde meilleur, j’ai envie d’y croire, pour mes enfants. » Alors, Linda se lance dans des expériences avec ses trois filles, son mari et chacun leur sac à dos ; ainsi, ils se sont attaqués à des voyages… à pieds de 238 et 136 kms, par exemple. Quand sa fille de 12 ans émet le souhait d’aller étudier à l’étranger, Linda met tout en place pour lui permettre de réaliser cette ambition avec l’association « En famille International ». « Il se passe des tas de choses sur notre territoire », souligne-t-elle, « nos politiques ne se tournent pas assez vers les changements positifs des citoyens. Les gens ne font pas les choses pour le diffuser tandis que les politiques voudraient tout ramener à eux. C’est une question de positionnement, de choix. On a besoin de mixité. Il y a une proximité à recréer, une agilité politique, une modernisation à prévoir. C’est dommage d’avancer sur des sujets sans concertation. » Un point commun supplémentaire avec Angélique Guilland, pour qui les jeunes sont l’avenir « Avec des profils comme le mien et celui de Linda et Jean-Claude (Croze NDLR) à plusieurs on sera plus forts pour initier un changement », explique cette dernière, « les agents n’en peuvent plus, les gens ne vont plus voter. L’intelligence collective, ce n’est pas un gros mot. La transparence, c’est ça que les gens veulent, on est là pour les administrés, pour les écouter nous proposer des choses, et faire notre possible pour les mettre en place. » « Nous ne sommes pas mieux que les autres », abonde Linda Profit, « j’ai un grand respect pour les rôles de maires et d’élus, je respecte cet engagement. Avec les différents maires locaux j’ai eu des échanges de grande qualité, quel que soit le parti politique, quand je présidais la JCE. Le département a son rôle, et tous les projets qui ont du sens doivent être déployés et essaimés. On leur dit » on va vous donner les moyens de déployer vos projets «.
Enfance, jeunesse, sport, des thèmes forts qui pourraient faire la différence au Département
Les moyens de déployer les projets, voilà ce qui a également scellé l’engagement associatif de Sabrina Sophia Baba, suppléante du binôme porté par Gaëtan Pauchet et Claudine Bonilla sur le canton de Chambéry 1. Pressentie pour partir en tant que titulaire, cette mère de cinq enfants a préféré faire preuve de sagesse, et apprendre, sur le terrain, avant de se lancer. A 44 ans, Sabrina Baba est comptable à la ville de Chambéry, et son parcours sort tout autant de l’ordinaire que ses trois voisines d’élection. A force de ténacité, c’est en 2004 qu’elle obtient son BTS comptabilité en candidat libre avant de reprendre des cours du soir pendant deux ans, pour obtenir son diplôme supérieur de comptabilité, enceinte de son 3e enfant…Mais à cela, elle a ajouté l’engagement bénévole au sein de la Maison de l’enfance du château du Talweg, sur les Hauts de Chambéry, dont elle est présidente depuis 2007. A partir de là, Sabrina Baba multiplie les engagements dans le milieu associatif : conseil d’administration du centre social des Combes, Comité ANRU, conseil de discipline du collège Côte-Rousse, association des parents d’élèves de l’école Vert-Bois. On ne l’arrête plus « J’ai toujours œuvré pour les familles, sans faire de différence, ni de communautarisme, pour moi, la communauté, c’est Chambéry le Haut », souligne-t-elle, ,j’ai toujours aidé, que ce soit pour les dossiers d’obtention de logements, les parents… «
Fille des Hauts, elle y est née, y a grandi, a participé à la vie de son quartier et en fait de même avec ses enfants, depuis 21 ans. « Quand j’ai été contactée pour partir aux départementales, je n’ai pas répondu tout de suite quant à ce que je souhaitais faire, j’ai réfléchi. Et comme je ne connais pas encore le département, j’ai décidé de m’investir comme suppléante, pour connaître les outils. Quand je serai prête et si cela m’intéresse, que j’ai les bagages pour, j’irai. Je ferai plus quand je serai armée, je pourrais aider toutes les associations. Niveau mental, je suis forte, niveau politique, il me manque encore des choses. » Et pour Sabrina non plus, il n’est pas question de politique, « je suis dans l’humain », réplique-t-elle, « je n’ai pas de carte de parti, je n’ai pas de bord politique. Je m’engage pour les habitants du canton n°7. Il faut pouvoir avoir vécu dans le quartier pour pouvoir changer les choses. » Par ailleurs, elle qui s’est battue pour reprendre ses études, mener de front sa vie de famille, issue d’une fratrie de 6 frères et sœurs, tous cadres ou ingénieurs, Sabrina Baba rejette l’idée qu’on ne puisse pas réussir en étant issue de Chambéry-le-Haut. Tout comme Karine Dubouchet Revol, Angélique Guilland et Linda Profit, ce qu’elle revendique avant toute chose c’est « la vision : parce que je parle de ce que j’ai vécu », estime-t-elle, « je vais à la rencontre des gens, je suis toujours au courant sur place de ce qui manque. La meilleure des chances, c’est de connaître le terrain » qu’il soit sportif, éducatif, économique ou social, d’ailleurs. Alors avec cette hauteur de vue, cette façon nouvelle de voir les choses et d’appréhender la chose politique, ce dynamisme bouillonnant et cette vision singulière, ces quatre candidates, téméraires, courageuses, motivées par l’engagement et le collectif pourraient bien être à l’origine d’un vent de nouveauté au CD73 si les électeurs allaient au bout de leur envie de changement, si fortement exprimé aux dernières municipales. Sans grands discours, sans promesses, si ce n’est « de rester qui je suis » mots d’Angélique Guilland qu’auraient pu prononcer ses trois co-candidates. Fortes de leur réseau, de leurs appuis, de leurs expériences, elles ont toutes les quatre la particularité d’avoir des parcours atypiques et d’avoir envie d’en faire profiter la communauté sans ambition politique. Et s’il suffisait de le savoir pour faire la différence ? Réponse les 20 et 27 juin prochains.
Tous les commentaires
0 commentaire
Commenter