Fondateur de la Comédie des Alpes, metteur en scène, chanteur, compositeur, musicien, comédien… On ne compte plus les cordes à l’arc de ce Savoyard de 34 ans. Mais le temps semble venu pour Thomas Caruso Aragona, du moins sur la scène musicale, de (re)sortir de l’ombre avec un projet solo. Quant au théâtre, le public savoyard applaudit des deux mains chacune de ses compositions. Quel est son secret ?
Thomas Caruso Aragona, ce n’est pas juste un « garçon sensible », comme voudrait nous le faire croire le titre de son dernier morceau. Derrière des morceaux et des albums très connus, dont dernièrement ceux de Joyce Jonathan, Jenifer, Claudio Capeo, entre autres, la plume de Thomas glisse habilement entre les mots. Si devant la façade de la cathédrale Saint-François-de-Sales, assis à la terrasse d’un café chambérien, on croirait retrouver un ami de toujours, ne nous y trompons pas : c’est bien ce qu’il est mais en réalité augmentée : il sait pratiquement tout faire, à part sculpter ou peindre et encore, sans doute n’a-t-il jamais essayé. Son retour sur la scène musicale, il l’a poli et lustré, comme un bijou ou un meuble en bois brut, façonné de ses mains des morceaux et des clips léchés et réalisés « maison ». Il est comme ça Thomas, c’est un artiste, même si ce mot fait frissonner ceux qui le sont sans trop y croire.
La Comédie des Alpes, sa porte d’entrée en Savoie
Rembobinons un peu : il n’y a pas si longtemps nous découvrions son projet, sa première pièce produite avec sa compagnie « La Comédie des Alpes », créée avec son grand ami de toujours Loïc Quéguiner, la fameuse : « Crétins des Alpes », alors qu’elle était en filage pour les professionnels Savoyards. Pas si longtemps c’était en mai 2021, et quel chemin depuis « vindieu ! » Non seulement celle-ci a été plébiscitée par le public dans toute la Savoie et au-delà de nos frontières, mais en plus, Thomas Caruso Aragona n’a pas posé son stylo, loin de là. Derrière « Crétins des Alpes » est née la petite sœur, « Le Malade malgré lui », qui se joue à guichet fermé, et « Cluster » qui sort le 10 décembre sur scène… On comprend mieux ainsi, la première phrase qu’il prononce en prenant place sur la petite terrasse gelée place Métropole « Je suis très fatigué, très débordé mais heureux ». Heureux, on le croit, car Thomas est un bosseur, un perfectionniste sans doute, mais surtout quelqu’un qui aime profondément les gens et ça, le public le sent. « Les retours sont extraordinaires s’enthousiasme-t-il alors que » Le Malade malgré lui » se joue encore à guichet fermé, cette pièce, j’ai mis dix ans à l’écrire, chaque mot est pesé parce que – si on fait un ratio – il m’a pris deux jours. C’est de la dentelle. Je suis extrêmement fier car c’est le projet le plus solide que j’aie fait de ma vie. «. Un solide hommage à Molière, aux Monty Python, et surtout un projet collectif comme il les aime. « C’est ce qui est intéressant, tout seul, ça n’a aucun intérêt, plaide-t-il, dans la Comédie des Alpes, ce qui m’anime, c’est que je le fais avec un de mes meilleurs amis et on trace déjà notre chemin. » Car en plus des planches, il a durant 66 émissions, investi les ondes de France Bleu Pays de Savoie, entre « le coup de gueule des Crétins des Alpes » et « les vacances de Jacky », toujours avec son compère Loïc. Collectif, avant tout.
C’est bien simple, de loin, on jurerait que rien ne lui résiste, d’autant qu’il prépare la sortie d’un nouvel EP dont il a déjà sorti deux singles, et qu’il a non seulement créé son label, joué tous les instruments, mais aussi produit et composé les titres… « J’ai un vécu artistique tempère-t-il dans un sourire, une expérience, qui donne sans doute la sensation que rien ne me résiste mais ça fait 20 ans que je suis dans la musique, en composant surtout pour les autres. On voit aujourd’hui ce qui émerge après un vrai travail de fond de 15 années. » Prudent, humble, ce garçon. Si chacun sait que « Roma non fu fatta in un giorno », il faut beaucoup de ténacité pour en être à ce stade aujourd’hui, et des baffes aussi. « J’ai essentiellement perdu dans la vie, la vie m’a mis des tartes et l’écriture, l’art, c’est tout ce qui restait, explique Thomas, sans détour, je n’ai jamais eu le choix finalement, c’est le côté artistique qui est resté. Ce que je pense c’est qu’il faut chercher la joie parce que le bonheur n’existe pas vraiment. C’est ce que je disais l’autre jour à des élèves de primaire venus assister à une de nos répétitions, quand l’un d’eux m’a demandé si ‘j’avais toujours su que je voulais faire ça’ ce que j’ai toujours su, c’est chercher ce qui me faisait plaisir. » Du plaisir, Thomas en prend autant qu’il en donne sur scène, et 2022 a été de son propre aveu « une année irréelle, colossale, ça semble inhumain » de réaliser autant en si peu de temps. Mais la Savoie sait reconnaître les talents semble-t-il, alors l’artiste a poussé tous les curseurs en même temps, le vent -enfin- dans le dos.
Et maintenant, « Musique, maestro »
Outre le développement vitesse éclair de la Comédie des Alpes qui prend toute sa place au sein de la scène chambérienne et savoyarde, Thomas Caruso Aragona a aussi des projets solo. Solo solo, c’est-à-dire qu’il ne s’embarrasse plus de personne pour créer et produire sa musique, la diffuser et lui laisser le champ libre, comme les immenses champs de lavande où il sème ses notes, dans le clip de « garçon sensible ». « J’ai décidé de tout sortir tout seul, je suis libre et fier de mes chansons, nous explique-t-il avec les yeux qui brillent, j’ai mené ce projet comme j’avais envie de le faire, je n’attends plus la validation de qui que ce soit, je fais ça pour moi, sans attente particulière. Quand on n’a pas d’attente, on est moins réceptif à tout ce qui est susceptible de nous polluer, au positif comme au négatif d’ailleurs, on ne saute plus sur toutes les occasions et on n’est pas accablé par les premières critiques. » Confiant, en la vie, en son travail, bien que se cache une certaine anxiété dans les plis de ses yeux, Thomas Caruso Aragona se nourrit de joie, celle du public, celle des artistes auxquels il écrit des chansons, cette reconnaissance nécessaire à toute production artistique. « ça rend heureux, souligne Thomas, quand on joue nos spectacles sur scène on vit des moments de fou, on apporte quelque chose aux gens, quand on donne une chanson à des artistes ils sont contents. Voilà, c’est l’histoire de ma vie, ces moments de joie nourrissants. »
Aujourd’hui toutefois, après avoir écrit et mis en scène « Par la force des roses » au centre des Congrès d’Aix-les-Bains à l’occasion d’octobre rose, après avoir rempli des salles entières avec les pièces, après avoir collaboré aux nouveaux albums pleins de pep’s de chanteuses françaises confirmées, il a décidé de lever le pied dans l’écriture pour les autres, « sauf pour les amis évidemment ». Thomas Caruso Aragona compte vraiment se consacrer à temps plein à sa carrière, à cette petite équipe qui se crée autour de lui et surtout à ses deux projets les plus importants : développer ses chansons personnelles et créer ce théâtre chambérien dont il rêve, en bonne voie de concrétisation au fond de lui, il le sent. « Ce que je souhaite pour 2023, c’est sortir mon EP et créer un théâtre à Chambéry, la Comédie des Alpes, c’est la base, explique-t-il, je souhaite que ça devienne le plan A incontournable, où l’on mange de bons produits, où l’état d’esprit est beau et créer de la joie pour tous, ceux qui travaillent et ceux qui y viendront. » Que souhaiter de mieux à un artiste que de diffuser sa joie, son art et comme le disait Jean-Jacques Goldman, changer la vie ? Devenir cet éclaireur que Léo Ferré était pour Jacques Brel et pour ses contemporains ? On se réchauffe les mains, on se dit à bientôt et on repart avec la sensation d’avoir découvert une petite partie du secret de ce garçon sensible : la joie, un « truc qui colle au cœur et au corps »...
Pour tout savoir sur la programmation de la Comédie des Alpes : lacomediedesalpes.com ou sur les réseaux sociaux
Les titres « garçon sensible » et « ce garçon » sont présents sur les plateformes de streaming et sur Youtube (liens dans l’article)
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