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Chambéry : feu de paille ou vraie prise de conscience écologiste ?

Par Laura Campisano • Publié le 31/05/19

Les élections européennes ont fait beaucoup de bruit dans la Cité des Ducs : une droite qui se retrouve acculée avec de très petits scores, un Rassemblement national plutôt bien placé, LREM qui caracole… et cette autre vraie surprise, que peu avaient vu venir : le vote écolo. Avec près de 21% des voix sur Chambéry, on se pose légitimement cette question en vue des municipales : s’agit-il d’un feu de paille, ou y a-t-il une vraie prise de conscience écologiste ?

 

Manifestation du 24 mai 2019 à Chambéry – 700 étudiants et lycéens étaient mobilisés – Photo Nadine Court

On a pu le constater partout en France et en Europe, EELV a su convaincre. Mais à Chambéry, personne n’avait compté cette liste, parmi les 34 qui s’étaient présentées et donnaient le tournis même aux plus consciencieux des citoyens. Bonne surprise ? Pour le climat, sans doute, bien qu’on se soit néanmoins posé avant le scrutin, quelques questions au sujet de tout ce papier gaspillé.  Et les premiers ravis sont les représentants du parti vert, Henri Dupassieux en tête. A l’arrivée très tardive des résultats définitifs, c’est sans triomphalisme mais avec un certain baume au cœur qu’ils ont fait le constat d’un score particulièrement élevé dans les urnes chambériennes, s’expliquant principalement parce que « Europe Ecologie les Verts a contribué à faire de l’urgence écologique et sociale, un thème central de la campagne » et que « le fait que cette urgence devait être une priorité pour la prochaine mandature a également convaincu ». Au terme d’une campagne assez discrète, il est notable en effet que le parti le plus crédible ait été EELV et pour cause. Si les résultats donnent raison à ce constat, qu’en est-il vraiment chez les électeurs ? Ont-ils comme le pensent les cadres locaux d’EELV « préféré faire confiance au mouvement vert historique, qui a démontré depuis plusieurs décennies la détermination et l’engagement de ses élus pour mener les combats qui touchent de près les populations […] de manière générale, le » pouvoir de vivre « face aux conservatismes et politiques libérales coalisées au sein de l’UE » ?

De nombreuses actions menées en amont des suffrages

Place du Palais de Justice , le 24 mai 2019 Crédit: N.Court

Discrète était la campagne et quasi inaperçues sont passées les dizaines d’actions marquantes en faveur du climat, de l’écologie et de la défense de l’environnement, à Chambéry pourtant, place du Palais-de-Justice, Place de l’Hôtel-de-Ville, soit dans des lieux forts, symboliquement. Les yeux rivés depuis novembre sur les gilets jaunes, est-ce l’unique raison qui a poussé les politiques à ne pas voir ce qu’ils avaient pourtant sous leurs fenêtres ? Rétrospectivement, on se souviendra de la journée mondiale du 15 septembre 2018, le « World Clean Up Day », qui a poussé des familles, jeunes et moins jeunes, des étudiants, des cadres, à se mélanger des rives du Lac du Bourget aux pieds des « 4 sans culs », pour ramasser les déchets, comme dans 130 pays du monde.
Autres faits marquants, l’arrivée du collectif « Nous voulons des coquelicots » en Savoie et à Chambéry, place de l’Hôtel-de-Ville, certains vendredis, la création du collectif « Il est encore temps », en amont de la marche pour le climat du 26 janvier où 3 000 personnes ont sillonné les rues de la vieille ville et du centre chambérien.
Une autre manifestation, les 15 et 16 mars, a de nouveau mobilisé les citoyens, 1300 lycéens et étudiants se greffant au mouvement, avant la manifestation du 24 mai 2019, soit deux jours avant le scrutin européen, où 700 jeunes se sont dressés comme un seul homme derrière la bannière de « Youth for Climate », à l’appel de la jeune suédoise Greta Thunberg et 300 cyclistes ont suivi dans une « vélorution »encadrés par l’association Roue Libre. A bien y réfléchir, ça ressemble à un mouvement qui grandit, cette jeunesse mobilisée. « En fait c’est vraiment l’appel de Greta qui m’a fait réagir », détaille Jean-Raphaël Vinay, 21 ans, étudiant à Bourget-du-Lac, qui a créé la page « youth for climate Chambéry ». « Je viens des Hautes-Alpes et j’ai été sensible à ce que subissent les glaciers, via les réseaux sociaux aussi. On a fait pas mal d’actions ces derniers temps, depuis le début de l’année notamment, ce qui a sans doute contribué au vote écologiste aux élections. Dans notre petit groupe, on est une vingtaine, on est sensible à ce qui se passe, on a envie d’agir. On va poursuivre à la rentrée vu que là ce sont les vacances, mais l’urgence est réelle, donc on ne lâchera pas. » 
Déterminés, mais sans ambition politique. Jean-Raphaël n’avait pas particulièrement pensé aux élections en créant la page et en mobilisant les troupes « on fait ça pour le climat avant toute chose, pas particulièrement pour les scrutins, mais en y réfléchissant, y a moyen qu’on se montre davantage, à compter de septembre. » Cette mère de lycéens, présente lors de la matinée de nettoyage des jeunes du lycée Monge est confiante: « la mobilisation des jeunes, j’y crois… Ils étaient moins nombreux que le 15 mars, mais ce n’est pas par désintérêt plutôt parce que le bac approche. C’était beau de les voir, motivés et pas du tout dégoûtés de ramasser les déchets des autres. » 
Apprentissage de la citoyenneté ?

« Ils sont à côté de la plaque, on va droit dans le mur »

Cleanwalk du Lycée Monge à Chambéry- Crédit N. Court

Pour ce membre actif de l’association « Les Amis de la Terre en Savoie », le fait que les élus locaux n’aient pas vu arriver les voix écologistes démontre leur décalage avec la réalité des Chambériens. « Ils sont à côté de la plaque, on va droit dans le mur », constate-t-il, « pour moi c’est vraiment un vote d’adhésion, qui relie écologistes militants, électeurs réguliers et jeunes entre 18 et 25 ans, plus sensibles à l’écologie que dans d’autres partis traditionnels, LREM y compris, ainsi que des électeurs moins jeunes qui ont pris conscience de l’urgence climatique. »
Retombées directes des actions menées par les assos, dont il fait lui-même partie ? Le jeune homme en est certain, et croit en leur pérennité « je pense que les marches, grèves et autres manifestations comme le » World Clean Up day « ou le village des alternatives, ne sont pas près de s’arrêter: les parents veulent un monde vivable pour leurs enfants et petits-enfants, et les jeunes aussi, car ils seront les premiers impactés lourdement dans 30/40 ans. »  Et c’est le cas dès la rentrée, puisque la journée mondiale du nettoyage de la planète est déjà fixée au 21 septembre. De là à maintenir le souffle de la mobilisation pour les prochaines échéances électorales, certains responsables politiques pourraient peut-être en douter… Notre interlocuteur sourit, « tout laisse à penser que cette tendance verte sera confirmée aux municipales, contrairement à de précédents scrutins ». Une chose est sûre, ces 21% vont laisser une trace. Reste à savoir si son développement sera durable, aussi, et si les élus chambériens des autres partis prendront la mesure de ce « péril vert », à temps.

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