article

De Fluminimaggiore à Chambéry, Ilde Pinna fait pétiller le boulevard de la Colonne, chaque jeudi

Par Laura Campisano • Publié le 22/05/19

Tout commence dans un sourire. Et c’est le genre de sourire qu’on n’oublie pas. Chaque jeudi, boulevard de la Colonne juste à côté de la fontaine des Éléphants, on la voit de loin, l’estafette gourmande rose d’Ilde Pinna. Ensuite viennent les parfums d’agrumes et de focaccia. Et on se dit tout.

Ilde Pinna c’est une « poupée russe », une de ces aventurières qui n’ont pas peur de se lancer. Chambérienne, elle n’a pas toujours revêtu un tablier brodé à son nom. D’abord disquaire il y a 20 ans, puis DJ, quand l’estafette démarre, elle signe un retour aux sources pour la jeune Sarde. « Ma mère a toujours fait des liqueurs, depuis petite j’ai connu ces parfums, ces senteurs. Et puis, on est huit enfants, on ramenait des bouteilles de crème de citron quand on partait en vacances chez elle en Sardaigne…mais ça ne faisait jamais long feu en France, un succès fou! Et on devait attendre les vacances suivantes pour en ramener de nouveau »sourit-elle. Il y a comme une sorte de tradition qui se perpétue, dans les bouteilles de verre floquées à ses initiales. Et on retrouve toute la générosité de Fluminimaggiore dans son limoncello, qui a n’en point douter, n’a aucun concurrent local. « Je vais chercher mes citrons dans le village de mes grands-parents. Ce n’est pourtant pas une terre d’agrumes au départ mais tout le monde a un citronnier là-bas. Mon activité, ce que je fais ici avec l’estafette, le limoncello, c’est un peu de mon histoire, de mes origines, que je raconte. » se remémore Ilde.

Des rencontres déterminantes et des citrons dans la valise

Ilde Pinna au comptoir de l’Estafette Gourmande, chaque jeudi, Boulevard de la Colonne

Sa rencontre avec Olivier Marmet va être déterminante, avant de nouer un partenariat, et de lui permettre de créer son limoncello dans les locaux de la société Ibex, l’entrepreneur l’encourage, la motive, et de « perché no » à « andiamo », il y a eu ces premiers voyages en Sardaigne, entre 2016 et 2017, pour faire la première récolte de citrons. « J’avais embarqué des citrons dans ma valise de 23 kg. Tout se passait bien, je l’ai vu arriver sur le tapis roulant puis s’ouvrir et tous les citrons se sont éparpillés sous les yeux écarquillés des autres passagers à l’aéroport de Genève, se rappelle Ilde en souriant, » un enfant s’est approché, heureux comme jamais, ses parents lui disaient de me rendre les citrons, mais il était tellement content, que je lui ai laissé en prendre. « Une anecdote qui suspend le temps, quand tout le monde court dans les couloirs aériens entre deux transferts. Et si la période n’était pas simple à vivre pour elle puisqu’elle était confrontée à la perte de son père, ces petits événements ressemblent à s’y méprendre à des signes, qui donnent envie d’avancer. Après quelques autres transports de citrons en valise, Ilde a pu compter sur un transporteur Chambérien pour assurer le transit. Maintenant, quand elle va en Sardaigne en début de récolte, elle ne ramène que les écorces,  » mais il y a toujours un bagage prévu, au cas où. « Elle sait donc tout faire, et réussit, malgré la fatigue, malgré les hauts et les bas, et les tempêtes: ça marche.

Une première cuvée à 240 bouteilles, la dernière culmine à 2 500

Et elle ne fait pas les choses à moitié. Titrée femme d’exception par Marc Veyrat pour sa première cuvée de limoncello, elle s’emploie à réduire un peu l’activité de l’estafette, apprend le métier avec son oncle Luigi, pour se perfectionner sur la récolte jusqu’à faire une cuvée 2018 à 2500 bouteilles. On ne l’arrête plus ! L’objectif est d’arriver à 5000 bouteilles, et on ne doute pas qu’elle y arrivera, pour aller encore plus loin, construire la suite, une boutique en ligne par exemple, trouver un local aussi, pour avoir un lieu à elle. Avec près de 40 points de vente dans les deux Savoie, y compris en station, chez les cavistes Chambériens, dans les restaurants, Ilde se fait un nom, une place même. C’est une figure de Chambéry, et tout le monde la salue, vient la voir, s’arrête à l’estafette pour se régaler d’une de ses recettes de focaccia, les jeudis des foodtrucks. Ingénieuse, elle ne gaspille rien, recycle tout, ce qui fait de sa production locale un exemple zéro déchet. Infatigable, elle potasse des livres de cocktails la nuit et crée le limoncello spritz le jour, pour être incontournable de l’apéro au digestif. Ilde Pinna est une de ces femmes qu’on aimerait écouter des heures tout en sirotant ses recettes, comme on goûterait des élixirs. Boulevard de la Colonne, sans se départir de son sourire, on n’a plus envie de partir. Et quand il le faut vraiment, on se promet de revenir, ça ressemblerait presque à des vacances, à bien y réfléchir.

Des animations et des élus, une demande pas si farfelue

Les jeudis des Foodtrucks, c’est vraiment reparti (quand il y a du soleil). Tous sont ravis d’être là, à bord de leurs foodtrucks. Ravis surtout quand il y a du soleil, quand les gens sont au rendez-vous, quand c’est animé et que tout le monde partage des tables et des chaises, dans un brouhaha et une bonne humeur communicative. Mais tous ont un regret: il manque un peu d’animation boulevard de la Colonne. Des chanteurs, des musiciens, amateurs avec des guitares et des artistes de rue. Ils en sont sûrs, ça amènerait du monde….et peut-être même des élus. « En fait on se dit que ce serait bien de les voir de temps en temps et même qu’ils encourageraient les gens à venir », sourit Pierre. Appel lancé! C’est que depuis l’inauguration, où un groupe est venu, c’est un peu trop silencieux. « C’est une excellente idée, ce boulevard de foodtrucks, il faut reconnaître que la mairie a assuré », renchérit Valérie, « mais maintenant, il faut se donner les moyens de l’exploiter jusqu’au bout, des artistes ça donnerait envie de flâner plus longtemps, de profiter du lieu… » Théo, nouvel arrivant à Chambéry, est également de cet avis. En rentrant du travail, il découvre ce boulevard fleuri de bonnes petites choses à déguster et trouve l’idée excellente, mais c’est vrai qu’un peu de musique ne gâcherait rien.

Dépendants du temps et de la communication

Il faut reconnaître qu’ils ont bonne presse, même s’ils n’ont pas tous vu les affiches dans les bus, car tous n’habitent pas le secteur. Certains clients viennent des villes alentour pour eux et sont ravis de les retrouver le jeudi. Ils finissent par se connaître, la plupart des commerçants sont là depuis le début de l’initiative municipale. Pour la grande majorité d’entre eux, ils bénéficient d’emplacements fixes dans d’autres villes. La saison a débuté avec un printemps peu encourageant, il faut bien le reconnaître. Mais au cumul, certains d’entre eux ont un peu peur que ça s’essouffle, et n’aimeraient pas que ça arrive.  Avec ses recettes végétariennes et bio, Julien fidélise sa clientèle avec sa bonne humeur. Camille vient exprès pour lui de Barberaz, pour goûter ses petits plats « en fait des foodtrucks végé, il n’y en a pas ailleurs, c’est le seul, et comme c’est bon, et qu’il est sympa, on revient. » Produits locaux en circuit court, même si faire du direct n’est pas toujours évident, Julien cultive ses recettes magiques et attend avec impatience l’installation franche du beau temps, boulevard de la Colonne.
Tout au bout du boulevard, à côté des « 4 sans cul », Ilde Pinna a aussi installé sa petite terrasse rose fuchsia et ses transats. L’emplacement est payant, au sens propre et figuré, toujours est-il qu’en dépit du fait que chacun doive amener son matériel, les produits attirent et les comptoirs, les soirs de beau temps, ne désemplissent pas.  Depuis le 11 avril et jusque fin juin, puis en septembre/octobre, de 16h à 22h, qu’il pleuve, qu’il vente ou même qu’il fasse grand beau, les foodtrucks du jeudi sont fidèles au rendez-vous. « En fait, on ramène nos tonnelles en cas de pluie, nos terrasses le reste du temps, avec de l’imagination finalement, on fait en sorte d’être gagnant » sourit Ilde.  Allez, on croise les doigts pour que les soirées s’allongent  et que les animations reviennent…elles aussi!

 

Tous les commentaires

0 commentaire

Commenter