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Jardins secrets et extraordinaires… en pays de Savoie
Par Laura Campisano • Publié le 01/06/19
« C’est un jardin extraordinaire… » Charles Trenet l’a rêvé, Alain et Nicole Moumen l’ont fait : il y a 40 ans, à Vaulx, ils ont débuté le chantier de leur vie, en réalisant avec leur imagination, leur capacité infinie de croire au merveilleux et surtout, leurs talents créatifs, un endroit exceptionnel. Il y a 25 ans, ils ont décidé d’ouvrir au public les portes de leur jardin secret.
Nul doute que leurs origines ont joué dans la création de cet univers, niché au cœur de la campagne savoyarde, à quelques encablures d’Aix-les-Bains. Alain, né en Tunisie, éducateur de formation et de métier et Nicole, née à Rabah au Maroc, étudiante en psychologie à Grenoble, se rencontrent en Haute-Savoie, dont la famille de Nicole est originaire, il y a plus de 40 ans. Ensemble, ils décident de retaper une vieille bâtisse, perdue dans les champs à Vaulx. De l’herbe à perte de vue. On comprend mieux alors la richesse des plantations de ces jardins pas comme les autres. Le terrain est fertile, non seulement celui de la culture terrestre.
Leur imagination, leur culture générale, leur œil aiguisé et leur intuition, en voilà un terrain de jeu idéal pour deux grands enfants, comme ils sont décrits par leur petite-fille, Melina, qui nous permet de nous perdre dans les dédales de ces jardins fous. D’abord, ils créent un nid, pour y faire pousser leurs trois plus belles plantes : Myriam, Leila et Sonia. Ensuite, ils créent un atelier, pour travailler le bois et vendre leurs meubles peints. Enfin, ils créent cet oasis incroyable, luxuriant, dépaysant et déconnecté du monde extérieur : les Jardins secrets ouvrent leurs portes au public en 1994. « Rien n’était prémédité, ils n’avaient pas du tout l’intention d’ouvrir leur jardin à l’extérieur au départ », commente Mélina, « nous sommes toujours chez eux ici, ils ne cherchent pas à suivre des modes, ils créent selon leurs propres envies, leurs influences, de leurs souvenirs d’enfance au Maghreb, aux voyages qu’ils ont fait, tout est à leur image. » Authentique, donc.
Microcosme, écosystème et matériaux naturels sur 7 000m²
On ne sait pas où poser ses yeux en premier dans ces univers qui semblent diamétralement éloignés mais qui s’harmonisent de manière presque magique. Un riad marocain, une boqueria espagnole, une chambre autrichienne, un jardin qui reprend les codes des cloîtres, un salon réservé aux anges, un jardin d’apothicaire avec des plantes médicinales. Tout a été choisi avec soin pour faire de ces 7000 m2, un lieu à part, un lieu à soi. Au milieu des plantes, des glycines, des renoncules et des myosotis, un marronnier centenaire. De l’eau, que l’on entend telle une musique, entre deux chants d’oiseaux qui se répondent, veillant sur les lézards, les papillons et les insectes.
Des ruches aussi, avec cette prolifération de senteurs et de couleurs, de nature luxuriante qui émeuvent et font remonter chez le visiteur une joie venue de l’enfance. Du bois, beaucoup de bois, taillé, ciselé, orné, peint, par Alain et Nicole. Du cuivre et du mortier de chaux, du verre, et trente fontaines en circuit fermé qui s’auto-alimentent pour ne rien gaspiller. Des fontaines, parlons-en. Certaines d’entre elles portent le prénom des petits-enfants du couple. D’une tendresse infinie pour leur famille et chaque fleur et plante de leurs jardins oniriques, ils sont poètes, l’une avec les mots et la botanique, l’autre avec le bois et les matières nobles.
Tout ceci sans engrais chimique, et en parfait respect de la biodiversité. Respect. « Nicole respecte les cycles de la nature. Elle n’a planté ici que des plantes qui pouvaient s’adapter au climat savoyard, ou bien a aménagé des lieux particuliers pour les plantes plus exotiques. On retrouve donc des agrumes, bienheureux d’être au soleil et protégés l’hiver, en automne, elle utilise les feuilles mortes du marronnier pour tapisser les allées des jardins et permettre aux sols de se régénérer, sourit Melina, tout est naturel, ils laissent la nature prendre le dessus, s’épanouir. Aujourd’hui, il y a plus d’insectes, d’oiseaux, de papillons, un nouveau microcosme est apparu. »
Une histoire de famille de 25 ans
Elles ont mis à la pâte en premier, les filles du couple d’artistes. Telles des petites fées elles ont créé les calades, qui ornent les allées : de petits cailloux disposés sur du ciment frais. Pour les remercier de leur investissement, une piscine sera creusée par Alain dans l’extension, dont elles vont poser chaque petit carreau de mosaïque. Passionnés, amoureux, cultivés. Chaque membre de la famille a son souvenir, son anecdote, sa part de rêve dans ce décor enchanteur. C’est ce que raconte Melina et sa cousine lors de balades gourmandes et contées, où elles dévoilent leur vision de ce lieu qui a servi de terrain de jeu à leur propre imagination.
On ne sait pas où regarder en premier donc, et on voudrait aussi tout savoir. Mais de nombreux détails nous échappent à la première visite, tant le lieu évolue, sans cesse. Entre deux jardins, on aperçoit un nouveau chantier. Melina sourit: « on a décidé de laisser ce chantier apparent, pour qu’on se rende compte que tout évolue toujours », nous explique-t-elle alors que nous traversons une des créations les plus récentes : « ce jardin-là, l’isle joyeuse, est le dernier né est c’est une référence à l’oeuvre éponyme de Debussy. On aime montrer qu’à partir de ce qui semble le chaos, on peut construire quelque chose de beau. » Elle-même le confesse, en 26 ans, il y a encore des choses qu’elle découvre, tant son grand-père fonctionne au coup de cœur et décide un matin, d’ajouter un coq sur un massif de fleurs ou une statue sur une fontaine. D’abord une association, au sein duquel la famille vient donner de son temps, les Jardins Secrets deviennent une SARL dirigée par Myriam, la fille cadette d’Alain et Nicole qui emploie trois salariés.
Chaque année, des visiteurs viennent du monde entier, flâner entre les parterres de fleurs, s’enivrer de thé à la menthe et de beignets maisons, déjeuner ou bruncher entre avril et octobre. L’an dernier, ils étaient 37000 à se perdre dans leurs rêveries alors que ces lieux secrets étaient classés Jardin Remarquable par le Ministère de la Culture. Chaque année, la petite équipe redonne vie à cet espace pour le plaisir des visiteurs. Quand les portes se ferment au public, le 1561 de la route de Lagnat redevient la maison des grands-parents, du couple festif et joyeusement tendre qui occupe ces lieux. On ne vous dira pas tout, non. Il va vous falloir traverser la campagne, alléchés par ces quelques mots et poussés par la curiosité, avant de vous laisser porter par l’univers de deux rêveurs qui n’ont rien fait comme tout le monde. Cap’ ?
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