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Incident au conseil municipal de Chambéry : comment une minute de silence devant la mairie a dégénéré ?

Par Jérôme Bois • Publié le 09/07/19

Ils devaient se réunir devant l’hôtel de ville de la Cité des Ducs, lundi 8 juillet, pour observer une minute de silence en mémoire de Lakhdar, un père de famille qui vivait avec ses quatre enfants dans un squat depuis quelques mois dans le quartier Bellevue et qui au cours de son expulsion a été victime d’un arrêt cardiaque. Mais rapidement, les choses ont dégénéré, avec pertes et fracas, intervention de la police et garde à vue. Pourquoi ?

« Ils en avaient après le maire, en disant que c’était de sa faute si la personne expulsée est décédée, ils ont commencé par crier, mais ce qu’on voit sur la vidéo qui circule, ce n’est rien comparé à ce qui s’est passé, » explique un habitant, présent à la séance du conseil Municipal du 8 juillet à Chambéry. « Tout s’est passé très vite, certains manifestants ont fait pression sur une table, à laquelle était assise une élue, qui a dû être évacuée dans le bureau du maire, prise de tremblements et d’une douleur vive à la cuisse et au genou, » témoigne un autre. « Les tables ont volé, les micros cassés, des verres juchaient le sol, on n’a jamais vu ça, jamais ! précise un élu du conseil, Xavier Dullin a senti que quelque chose allait mal tourner et nous a fait sortir un par un, nous qui étions de son côté, pour nous mettre à l’abri dans le bureau du maire, » précise-t-il.

On croirait le récit d’une scène de guerre, alors qu’il semble qu’au départ, l’intention des proches du défunt était de manifester devant la mairie. Pourquoi la mairie ? « Michel Dantin est le vice-président de Cristal Habitat, c’est pourquoi il était visé apparemment. Les manifestants s’adressaient à lui directement, »  explique un autre témoin de la scène, encore sous le choc.

Qui a appelé à manifester ?

Sur les réseaux sociaux, plusieurs informations indiquent qu’il s’agit d’un appel de l’association Droit au Logement 38, qui a posté un appel au rassemblement le 5 juillet dernier. Mais d’autres sources indiquent que la Confédération nationale du logement, dont certains membres étaient présents à l’extérieur de l’hôtel de ville, avait également invité ses adhérents à manifester leur opposition aux expulsions. Au moment où ces lignes paraissent, il n’a pas été encore possible d’obtenir un commentaire de la part de ces deux associations.

En tout état de cause, une centaine de manifestants (entre 120 et 200 selon la police ou les organisateurs) étaient présents, vers 18h à renforts de banderoles, parmi lesquels étaient également représentés le NPA, la France Insoumise et d’autres acteurs de l’opposition. Alors comment la situation a-t-elle dégénéré ? Trois sommations ont été nécessaires, d’après les témoins, de la part du maire, avant qu’il ne fasse appel aux effectifs de police nationale et municipale pour évacuer les manifestants de la salle du conseil.  Deuxième cran dans l’échauffement des esprits. Et c’est là que la séance du conseil a finalement viré à la foire d’empoigne. Bilan, dans un communiqué de la préfecture, deux policiers ont été blessés en plus des dommages matériels et un manifestant placé en garde à vue. Musclé.

Quel était le but précis de cette présence au Conseil… inopinée ?

Chez nos confrères de France Bleu Pays de Savoie, Michel Dantin a indiqué que la mairie avait proposé plusieurs solutions de logement à ce père de famille, afin de s’y installer avec ses enfants et ce depuis 2017, date de son arrivée à Chambéry. Résidant dans un logement insalubre, occupant sans droit ni titre, il aurait visiblement fait l’objet de trois avis d’expulsion depuis juin. Son décès, survenu durant l’opération d’expulsion, alors qu’il avait été emmené menotté par la police, est dû à un dysfonctionnement cardiaque, selon les conclusions de l’autopsie réalisée à la demande du Parquet de Chambéry. Une enquête de l’IGPN de Lyon est toujours en cours actuellement, mais si l’émotion est vive quant à cette disparition brutale, il n’en demeure pas moins que le message des manifestants n’est pas aussi clair qu’il y paraît. Avaient-ils décidé en amont de venir au Conseil demander des comptes au Maire, sous sa casquette de vice-président ? Sous sa casquette de maire ? Certains échos indiquent qu’ils étaient là pour que « plus aucune expulsion ne se passe comme cela » , d’autres « pour réfuter les expulsions » , d’autres comme DAL 38, « parce que Lakdhar a été tué par l’irresponsabilité, la brutalité et l’acharnement des policiers, mais aussi de l’acharnement des donneurs d’ordre » selon un communiqué publié au lendemain de son décès. Encore quelques points à éclaircir, donc.  En attendant, les soutiens au maire de Chambéry se sont succédés sur les réseaux sociaux, dès que la nouvelle s’est propagée, tout comme du côté des manifestants. A l’heure actuelle, on ne sait pas encore si de part et d’autre, un jour, la communication sur ce sujet (et sur d’autres !) sera rétablie.

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