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Savoie : à travers ses feuilles imprimées, il souhaite faire connaître la culture Yawanawa

Par Jérôme Bois • Publié le 11/09/19

Originale, méconnue mais ancestrale, la technique « chlororphyll print » fait parler les plantes et la lumière et c’est elle que Benoît Fournier vient d’exposer à Genève, à travers une série de portraits d’indigènes d’Amazonie. Parcours étonnant que celui de ce jeune homme de 38 ans, installé au Brésil depuis 2006 après avoir vécu sur les deux Savoie.
Parti au Brésil pour poursuivre ses études de management international, spécialisé dans l’Amérique Latine, Benoît se prend de passion pour la photo, en apprend les contours, de façon autodidacte, multiplie les techniques et expose, désormais, depuis le début des années 2010. Un virage à 180 pour ce fils de journaliste, né dans le Sud mais ayant passé une grosse partie de son enfance sur les deux Savoie, entre Annemasse, Annecy et Chambéry.

Impressions sans encre

A Rio de Janeiro, Benoît se mêle aux habitants d’une favela, y enseigne la photo et crée avec eux des appareils sténopés. « Un projet perso », confie-t-il, pas tout à fait en lien avec ses études. D’ailleurs, lorsque lui parvient entre les mains la technique de l’impression chlorophylle, il s’y penche avec une attention toute particulière. « C’est un Japonais qui me l’a apprise, ils sont quelques-uns à enseigner cette technique en Amérique du Sud, en Asie mais pas en Europe ». Cette technique consiste à imprimer une transparence en dégradé de gris que l’on pose sur une feuille, exposée sous un soleil total. « Sur les parties noires, la lumière ne passe pas mais sur les parties transparentes, la chlorophylle disparaît ». Sans encre, la feuille ne fait que réagir à l’exposition à la lumière, certaines « fonctionnant » mieux que d’autres. « J’ai voulu faire ce travail d’impression de visages d’indigènes sur feuilles pour montrer leur rapport à la nature que nous n’avons plus, nous, Occidentaux » , explique Benoît.
2017, il entame ce travail avec une tribu d’Amazonie, à la lisière du Pérou, les Yawanawa. « C’est un principe très ancien, il reste très peu aujourd’hui de personnes pouvant enseigner cet art » , soutient-il. Mais lui peut « sans problème ». Depuis près de trois ans, Benoît a pu cibler les meilleurs supports pour imprimer ses photos et il peut se permettre de les exposer, comme il l’a fait à l’Espace L de Genève, du 4 au 8 septembre.

Une culture à faire connaître

Ce peuple indigène, Benoît l’a rencontré par l’entremise d’une femme chamane : « On a réfléchi à un partenariat* » , matérialisé par la construction d’une maison des arts et des savoirs de la forêt afin d’enseigner la culture Yawanawa, menacée par l’exploitation du caoutchouc et l’évangélisation. « Il y a 20 ans, leur culture avait totalement disparu avec la disparition des chamanes ». Depuis une dizaine d’années, notamment via cette femme chamane, « Ushashu, la première de cette tribu » , et grâce au retour de l’instruction de leur culture et de leurs traditions, le peuple revit. Et Benoît s’efforce de faire connaître leur histoire.
Installé au Brésil, il assiste à la montée au pouvoir du populiste Jair Bolsonaro, « aux politiques très destructrices pour l’environnement et l’éducation. Une bonne moitié de la population a voté pour lui bien que beaucoup soient opposés à lui ».
D’une façon générale, bien que les Yawanawa soient installés sur un territoire protégé depuis 1983, dans l’état de l’Acre, au nord ouest du pays, peu impactés par les récents incendies, l’arrivée de Bolsonaro représente un réel danger pour les minorités, qu’elles soient indigènes, homosexuelles ou noires, ils ne feront pas exception. C’est de fait un travail salutaire effectué par Benoît et ses impressions chlorophylles, en plus d’une oeuvre originale et tellement méconnue.

* Le réseau des savoirs de la forêt est une initiative de l’association Naturerights pour accompagner, valoriser et soutenir des initiatives autochtones orientées vers la valorisation de l’identité culturelle et la transmission de savoirs.

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