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Chambéry : « Avec « Extinction Rébellion », on veut montrer qu’on est là et mettre la pression »
Par Laura Campisano • Publié le 11/10/19
On les a découverts un matin de juin sur le chantier du parking Ravet à Chambéry. Des rebelles d’un nouveau genre, qui avaient escaladé une grue pour y accrocher une banderole « Laisse béton », et y déposer un vélo, symbole des modes de déplacements doux. Depuis, d’autres actions directes d’Extinction Rebellion* ont eu lieu, mais avec une particularité : las des marches et des pétitions, ils préfèrent passer à l’action, sans violence et sans chef de file. Rencontre avec Damien, un de ses membres chambériens.
Quand « Extinction Rébellion » (XR) s’est-il implanté à Chambéry ?
Presque en même temps que l’arrivée du mouvement en France. La déclaration officielle de désobéissance civile de XR en France a eu lieu le 23 mars 2019 et nous nous sommes réunis pour la première fois début avril, à Chambéry.
Pourquoi avoir choisi Chambéry ?
Je vis ici à titre personnel, et les sujets d’actions ne manquent pas. Au départ on était quelques-uns, on s’est rencontrés, pour discuter du collectif et on a rapidement été suffisamment pour monter un groupe. Aujourd’hui on est un noyau de 30 personnes au sein du collectif, mais nos sympathisants tournent autour d’une grosse centaine de personnes. Dans la région il y a également un groupe à Annecy et à Grenoble.
Quel est le profil des gens qui vous rejoignent ?
A Chambéry, c’est assez varié. Il y a autant de retraités que de jeunes trentenaires, préoccupés par les situations environnementales et l’avenir. A Annecy, il y a une grosse représentation de jeunes, beaucoup plus qu’à Chambéry, où on a de plus en plus d’Aixois, on se dit même qu’à terme il pourrait y avoir un groupe sur Aix, dans l’avenir.
Et vous, c’est quoi votre profil, Damien ?
J’ai 35 ans et je suis chef de projet dans l’ingénierie, j’habite à Chambéry.
Vous n’avez pas de leader mais néanmoins, pour que les actions fonctionnent, il faut quand même un minimum d’organisation. Comment faites-vous ?
Au début, les gens nous contactaient par bouche à oreille, venaient avec des copains. Puis, après l’action du parking Ravet, et le salon des alternatives à Aix-les-Bains, de plus en plus de monde est venu à notre rencontre. Maintenant on a un mail, les gens peuvent nous contacter plus simplement et suivent nos actions. On a des groupes de travail, sur des sujets précis, comme ça a été le cas sur le parking Ravet et la déclaration d’urgence climatique, on organise aussi des réunions plénières, où on accueille les nouveaux, on parle des actions à venir etc. Et là, en ce moment, on s’est « délocalisés » à Paris, pour une semaine d’actions, et on en rendra compte à la prochaine assemblée.
Justement à propos du chantier du parking Ravet, c’est ce qui vous a fait « connaître ». Quel était le but de cette action du 25 juin ?
On ne s’attendait pas à ce que ça fasse plier la mairie sur le projet de construction en déployant une banderole. Mais on voulait que le débat soit ouvert, qu’on fasse passer un message et que les gens aient la possibilité d’avoir une concertation (lire notre article du 26 juin)
Mais vous risquez des poursuites, pour ce type d’initiatives, non ? **
A ma connaissance, aucun de nous n’a fait l’objet ni de plainte, ni de garde à vue. Nos actions à Chambéry, Annecy et ailleurs se passent sans rien faire d’illégal, sans heurt. On veut juste passer à l’action, les marches dans la rue et les pétitions c’est bien, mais on voit bien qu’à moins d’être vraiment beaucoup, ça ne change pas la donne. On prône la désobéissance civile et la non-violence. Le but est de créer un rapport de force pour faire changer la donne.
Vous n’étiez d’ailleurs pas seuls, lors de cette action sur le quai Ravet…
C’est juste, il y a de plus en plus de collectifs citoyens qui s’organisent parallèlement à notre collectif, comme c’était le cas à Ravet. Nous on leur apporte notre force militante, et on veille à ce qu’il n’y ait pas d’actes illégaux.
Vous avez également co-signé la lettre, adressée aux maires de Chambéry et Aix-les-Bains ainsi que Grand Lac et Grand Chambéry, quant à la déclaration d’urgence climatique. Les engagements qui ont suivi de Renaud Beretti et Michel Dantin sont allés dans votre sens, non ?
C’est encourageant oui, mais encore faut-il que ça se traduise en actes, l’objectif aussi c’est de mettre la pression en cette période électorale sur les futurs candidats et maires, de les engager à se positionner. Il y a énormément d’enjeux, sur la biodiversité, l’ensemble du vivant. On n’est pas des marginaux, vu la situation actuelle.
Vous avez donc l’intention de vous inviter dans la campagne ?
A titre personnel, mes engagements politiques m’ont amené par le passé à militer et à participer. Mais aujourd’hui, je suis passé à autre chose. « Extinction Rébellion » n’a pas l’intention de se positionner pour tel ou tel candidat aux municipales, ni à Chambéry, ni ailleurs. Mais on va poursuivre nos actions, là où elles seront nécessaires.
Vous avez déjà des pistes, on imagine ?
Oui, les sujets sont très nombreux sur le bassin chambérien, et il y en a tous les jours des nouveaux. Rien que les chantiers de montagne qui bousillent la montagne, les stations de skis qui démontent l’écosystème, ou bien le plan local d’urbanisme intercommunal (PLUi) qui va contraindre le seul maraîcher bio du bassin de quitter ses parcelles, au risque de devoir tout recommencer sur un terrain qui ne sera plus en agriculture biologique. Et il y a aussi l’aéroport, forcément, l’avion n’est pas un moyen de déplacement d’avenir…
Qu’est-ce qui vous différencie d’autres collectifs comme Greenpeace ou Youth for climate ?
On est beaucoup plus décentralisés que Greenpeace déjà, XR n’est pas une organisation hiérarchisée avec des décisions qui se prennent à Paris et qui descendent jusqu’à nous. Ce qui explique l’engouement pour notre action c’est non seulement la réalité, cette crise écologique et climatique, la surconsommation, l’émission de gaz à effet de serre, surtout chez nous en Savoie mais aussi notre mode d’action, directe. On bloque des chantiers, des ponts, pour que notre message passe et qu’on soit entendus. On veut montrer qu’on est là, qu’on ne reste pas les bras croisés dans cette crise.
* Extinction Rebellion est né en octobre 2018 au Royaume-Uni avant de s’étendre un peu partout dans le monde, dont la France en mars 2019. Il se présente comme un mouvement « de désobéissance civile en lutte contre l’effondrement écologique et le réchauffement climatique » avec dix principes fondateurs dont la non-violence, l’absence de discours moralisateurs et culpabilisants, en espérant défier le pouvoir.
** le 7 octobre dernier, l’ancienne ministre de l’écologie Ségolène Royal a affirmé à l’antenne de France Inter qu’il fallait « réprimer très rapidement XR » , soutenant qu’il y a « une instrumentalisation de l’écologie par ces groupes violents, parce que c’est une dégradation de l’image de l’écologie ». Depuis le début des blocages parisiens, il n’y a pour l’heure aucune arrestation. Les membres de XR sont par ailleurs prêts à ne pas opposer de résistance, selon leurs déclarations, et ce sans accord avec la Préfecture de police de Paris.
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