article

Jean-Philippe Fages, président du MoDEM Savoie : « Les coups bas, nous y ferons face »

Par Jérôme Bois • Publié le 17/10/19

Le président du mouvement départemental du MoDEM, Jean-Philippe Fages*, s’est confié alors que les tractations et les rumeurs vont bon train, durant cette campagne municipale. Il écarte la création d’une alliance politique derrière Christian Saint-André, chef de file désigné du MoDEM en juillet, et promet que ce sont les militants qui choisiront leur candidat, sur Chambéry et ailleurs. Enfin, il évoque ses méthodes, sa vision de la politique, au sens noble du terme. 
Lundi 16 septembre, une réunion s’est tenue entre les représentants départementaux du MoDEM, de l’UDI, d’En Marche et du parti radical : comment s’est-elle passée ? Pas mal. Il existe une cohérence centriste en Savoie, mais nous n’avons pas scellé le rassemblement, type République Ensemble, nous n’avons pas souhaité y adhérer. Nous resterons tous indépendants et unis.
Pourtant, lorsque nous l’avons rencontré, Christian Saint-André nous avait dit être soutenu par cette République Ensemble**… C’est un mouvement construit par En Marche mais il n’y a pas eu d’adhésion formelle***.
Mais n’êtes-vous pas tous tombés d’accord sur le candidat à suivre ? Nous n’avons pas abordé les candidatures, seulement travaillé ensemble. Nous n’avons pas arrêté de nom, que ce soit sur Chambéry, Albertville ou Aix-les-Bains…
Christian Saint-André prétend pourtant avoir le soutien d’En Marche Savoie et du MoDEM…
Encore faut-il savoir de quel MoDEM nous parlons ! Nous avons un principe, emprunté à l’église, la subsidiarité ; nous fonctionnons au niveau local, tout se joue au local et seulement au besoin, nous faisons appel à l’échelon supérieur. Durant les Universités d’été (du 27 au 29 septembre à Guidel, dans le Morbihan, NDLR), tout le monde a rappelé que ce sont les locaux qui décident, nous ne sommes pas dans une antichambre parlementaire.
Ce choix n’a donc pas déjà été fait ? Sur Chambéry, notamment ? Non, Christian Saint-André a été nommé chef de file par le parti sans appartenir au MoDEM. Nos militants choisiront, ils sont attachés à leurs valeurs. Je suis à la tête du mouvement départemental depuis deux ans, en portant les valeurs originelles de 2007, celles de François Bayrou : justice, liberté, respect de l’autre… tout ce qui conduit vers le local. Je suis issu de la société civile, j’incarne ces valeurs originelles avec des anciens et des plus jeunes, bien que peu soient sous la quarantaine.
Mais pourquoi alors désigner des chefs de file s’ils ne sont pas sûrs d’être confortés par le local? Je vous laisse vous interroger, je ne comprends pas non plus. Il est vrai que nous subissons des pressions au national.
D’un député, par exemple ? (silence) J’apprends ce monde politique, je ne veux pas me laisser submerger par des combines. François Bayrou était en rupture avec le jeu des partis, en 2007, rupture dont s’est inspiré Emmanuel Macron en 2017. Nos partenaires d’En Marche vous le diraient aussi bien, nous étions novateurs.
Mais de quel type de pressions parlez-vous ? On peut imaginer qu’on cherche à nous faire choisir notre candidat. Encore une fois, ce sera à nos militants de choisir.

« On peut mieux faire, avec un maire plus présent, par exemple »

Le choix formulé en juillet par MoDEM est-il celui de Patrick Mignola ? Christian Saint-André s’est semble-t-il assuré de son soutien mais s’est également montré surpris par des propos plus sibyllins tenus chez nos confrères du Dauphiné Libéré… On peut le penser. L’ancienne politique est encore très présente, quelques fois, elle se joue comme un billard à plusieurs bandes : peut-être que derrière un soutien, on ne veut pas réellement d’une personne. Nous nous efforçons d’ignorer ces feux de paille. Nous voulons que nos militants puissent se prononcer librement et soutiennent une façon de travailler. On ne joue pas à ce billard à trois bandes.
Comment allez-vous vous y prendre ? Notre choix se fera plus tard, en janvier, quand toutes les cartes seront posées sur la table. En… (il cherche ses mots) bassinant nos électeurs avec ces atermoiements, on nuit au débat démocratique alors que nous appelons les gens à travailler et à co-construire. Il faut que la société pénètre ce monde politique pour que les affaires publiques soient gérées de façon professionnelle.
Il se dit que Patrick Mignola, président du groupe MoDEM à l’assemblée, a souhaité vous prendre la place, ici, en Savoie… J’en reviens au principe de subsidiarité, je suis élu pour trois ans, mon conseil départemental également, les personnes se sont prononcées de manière massive, j’ai été élu à l’unanimité et mon conseil aussi. Tant qu’on est un parti faible, personne ne veut de nous ; aujourd’hui, voilà que nous attirons les convoitises. Il y aura des élections dans un an. Les coups bas, nous y ferons face. Forcément, quand on est en opposition, on ne se fait pas que des amis. Je sens une union autour de nous mais quand vient la perturbation, c’est blessant. 
Vous avez découvert ce milieu il y a deux ans ? C’est un milieu que j’ai découvert, oui, je n’ai jamais fait de politique auparavant. La politique doit se nourrir de cette expérience du civil, de ce nouveau regard. Dans mon conseil départemental, j’ai un agriculteur, un retraité, un enseignant, une personne issue du monde associatif, un employé de mairie…
Vouloir rassembler de tous côtés est le leitmotiv de tous les candidats ou hommes politiques.Comment savoir si ce n’est pas une posture ? Il faut gratter. Qui entre ? A quelle place ? Quelle réflexion est menée ? Un conseil municipal ne peut plus fonctionner comme avant et cette diversité le nourrira. Les citoyens le vivent au sein des entreprises.
Thierry Repentin nous a expliqué « entendre la colère des Chambériens ». L’entendez-vous également ? La colère ou le désagrément ? On peut mieux faire, c’est sûr, avec un maire plus présent, par exemple, comme je l’ai entendu. On peut reprocher un manque de concertation, un fonctionnement alors que j’y suis attaché. Les gens du conseil départemental me font remonter des idées : les élus doivent être mobiles, permuter entre vie professionnelle et mandat et pas pour plusieurs mandats. C’est une chose à clarifier. Travailler différemment, c’est aussi co-construire, trouver un projet commun.
Pourtant, être élu, c’est savoir trancher ; les électeurs ont besoin de se ranger derrière un leader, non ? Déjà, ce n’est pas contradictoire, on écoute, on partage, on a la feuille de route. Le conseil municipal peut être agile.
Mais à vouloir tout co-construire, les décisions risquent de mettre du temps pour arriver… Il existe pourtant des moyens modernes pour y parvenir, internet, les réunions publiques, les représentants de quartier… Nous pourrions même remettre une police de quartier et nous pouvons le développer à l’échelle d’un quartier, d’une ville, d’une agglomération.

« Est-on prêt à changer de méthode ? »

Nous avons lancé un sondage, sur le bassin aixois d’abord, puis chambérien sur les thématiques qui sont jugés comme prioritaires par les électeurs. Y’en a-t-il qui vous semblent essentielles ? Tout est transversal. La sécurité est liée à la circulation, aux incivilités qu’elle suppose, à la cohabitation entre les différentes formes de transports, au cadre de vie, aussi : pouvez-vous vous balader sans subir l’agressivité d’autrui…
Le cadre de vie venait après, dans nos suggestions. De même que la circulation. La mobilité est liée à l’urbanisation, c’est un problème global, qui dépasse les frontières de l’agglomération. Toutes les thématiques peuvent être approchées de manière transversale. Nous devons faire éclater les silos. C’est faire preuve d’agilité.
Et de pédagogie, du coup, aussi, auprès des électeurs… Voilà, oui, il en faut, un bon pédagogue fait passer son message. Or les politiques ne sont plus des pédagogues. Nous avons les moyens de discuter, de visu, via le numérique, nous pouvons créer des budgets participatifs…
Peut-on demander aux gens de tout co-construire ? C’est une méthode, les gens sont attachés à une figure mais cette figure doit incarner une méthode. Ce n’est que de l’habillage, sinon. Surtout si derrière, elle est entourée de personnes nouvelles. Est-on prêt à changer de méthode et à incarner une nouvelle société ?
Tout citoyen qui s’engage à ce désir, du reste, dans l’Antiquité, le citoyen était celui qui prenait sa part dans la vie politique de la cité. Voilà. Je fais partie du mouvement associatif, c’est un ciment, les pouvoirs publics le savent, on n’attaque pas le monde associatif, c’est un brassage culturel, social. Si quelqu’un parvient à s’entourer du monde professionnel et social, il sera alors représentatif. Les jeunes qui entrent en politique à 24 ans, qui s’y nourrissent et parviennent à des plus hauts postes, que peuvent-ils apporter ? L’esprit centriste, c’est dire que tout n’est pas blanc, tout n’est pas noir. « In medio stat virtus » **, notre devise, signifie « le juste milieu ».
Pourriez-vous entrer en politique ou suivre un leader ? Pas suivre mais apporter une contribution si elle est jugée intéressante. Si je me sens bien, j’accepterai. Je ne suis pas candidat. C’est un engagement, de faire de la politique. Je suis revenu de Suisse pour vivre ma vie familiale, le moment est venu d’apporter mes compétences et me mettre au service de l’autre, la première vertu d’un homme politique. 
* Âgé de 49 ans, Jean-Philippe Fages vit à Chambéry depuis près de 20 ans. Président élu du MoDEM Savoie, en 2017, il travaille aujourd’hui pour l’Université de Savoie, où il a mis en place le principe de la validation des acquis de l’expérience (VAE) qu’il a, ensuite, exporté vers la Suisse durant 7 ans. ** A lire, la double interview de Christian Saint-André, sur le Petit Reporter : 
https://lepetitreporterdu73.blogspot.com/2019/09/christian-saint-andre-je-ne-me.html 
et https://lepetitreporterdu73.blogspot.com/2019/09/christian-saint-andre-etre-en-tete-au.html
*** A lire l’interview d’Esman Ergul, référent En Marche Savoie, sur le Petit Reporter :
https://lepetitreporterdu73.blogspot.com/2019/09/municipales-2020-en-savoie-pourquoi-en.html
**** Locution latine signifiant littéralement maxime en latin signifiant « la vertu se tient au milieu ».

Tous les commentaires

0 commentaire

Commenter