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Le TGV de 5h32 entre Annecy et Paris sera-t-il vraiment supprimé ?

Par Jérôme Bois • Publié le 03/10/19

Nouveau coup de semonce dans la desserte ferroviaire entre les 2 Savoie et Paris, déjà fortement amputée au cours des dernières années, alors que la SNCF envisagerait la suppression du premier TGV partant d’Annecy et passant par Aix-les-Bains et Chambéry. A y regarder de plus près, il semble que ce train soit décalé d’une heure à compter du 15 décembre 2019, rejoignant la capitale à 10h12… Rebondissement de ce 2 octobre, l’intervention de Jean-Luc Rigaut a permis de gagner une semaine, le temps de réfléchir, côté SNCF, sur ce décalage d’horaire. Alors, suppression ou non ? Qu’en est-il vraiment ?
Ce n’est pas la première fois que la SNCF s’attaque à cette liaison ferroviaire. En remontant le fil, on découvre que plus d’un horaire de train a été supprimé, non sans une volonté farouche des acteurs économiques et sociaux savoyards et haut-savoyards de défendre leur trafic ferroviaire. Rien qu’en 2018, quatre liaisons entre Chambéry et Paris avaient déjà été supprimées : de 8h25 et 18h25 au départ de Chambéry et de 10h41 et de 16h45 au départ de Paris, d’après les syndicats.

Un décalage expérimental d’horaire plutôt qu’une suppression de train selon la SNCF


Contacté, le service mobilité de la SNCF ne parle pas de suppression mais de décalage d’horaire, insistant sur le fait qu’il existera toujours cinq dessertes entre les Savoie et Paris par jour. « Il ne s’agit pas d’une suppression, mais d’un décalage d’horaire de 5h32 à 6h32, pour une arrivée à 10h12 à Paris », explique la direction régionale de la  SNCF, « cela s’explique par un remplissage faible, (les chiffres ne nous ont pas été communiqués, NDLR), on ne peut pas circuler à vide non plus. Il s’agit d’une phase de test sur le premier semestre 2020 pour voir si cela fonctionne ». Après la diffusion dans la presse de la « suspension de cette suppression », la direction régionale nous a confirmé que la décision – décaler ou non l’horaire à 6h32 – ne serait prise que la semaine prochaine. Un délai salué par Renaud Beretti, maire d’Aix-les-Bains et Claude Giroud, maire d’Albens.
Selon nos confrères du Dauphiné Libéré, il semble que ce délai soit dû à l’intervention de Jean-Luc Rigaut, maire d’Annecy, qui a proposé de mettre en place des bus de substitution d’Annecy jusque Lyon Saint-Exupéry, Mais depuis Chambéry et Aix-les-Bains, comment faire pour arriver à Paris avant 10h ? Partir la veille ? Cela va nécessiter bien plus d’organisation que nécessaire, et un surcoût évident pour les usagers et les entreprises, qui sur le territoire ont également des intérêts à Paris. 
Du côté des usagers, qui ont d’ores et déjà signé massivement la pétition en ligne (4 589 signatures à l’heure où nous publions cet article) c’est l’incompréhension et la colère qui dominent. Entre ceux qui l’utilisent pour travailler le matin et ceux qui le trouvent pratique dans leurs déplacements personnels, il y a aussi ceux qui mettent en avant  le caractère contradictoire de prôner les déplacements doux et de décaler une desserte. Sur notre page Facebook, Valérie, une usagère, s’exprime en ce sens: « C’est bien la région et l’ensemble du réseau national qui n’est plus adapté à la demande […] prôner des valeurs de développement durable et ne pas inciter aux déplacements collectifs est un non-sens » avant de poursuivre « quant au TGV du matin qui mène à Paris, je dirais que si Aix-les-Bains attirait les entreprises innovantes […], si les postes intéressants aujourd’hui concentrés à Paris se délocalisaient, notamment les grandes administrations, ce serait l’occasion d’utiliser le patrimoine architectural et les anciens hôtels pour y faire des bureaux. » 
Il semble en effet surprenant qu’à l’heure où est affichée la volonté du gouvernement de baisser son empreinte carbone, contraindre les usagers à prendre leur voiture pour se rendre à Lyon soit teinté de contradiction. La solution des bus existe bien, entre Chambéry et Lyon, mais elle ne résout pas le problème des retards et des contraintes. Alors, à l’heure où l’on cherche des solutions alternatives, et que les élus montent au créneau pour maintenir cet horaire, comment en est-on arrivé là ?

« Dans les années 90, il y avait un train toutes les 2 heures des Savoie pour Paris, y compris les trains de nuit »

Par voie de presse, le 3 octobre, Antoine Fatiga, représentant du syndicat CGT Cheminots, a découvert comme tout le monde les propositions de Jean-Luc Rigaut, maire d’Annecy, mais aussi ancien cheminot. « Un car ? On marche sur la tête là non ? Dans les années 90, il y avait un train toutes les deux heures pour Paris, il y avait des trains de nuit », rappelle-t-il, « le premier partait à 6h01, je m’en souviens parfaitement. Et de plus en plus il a été décalé dans le temps, jusqu’à aujourd’hui, où si la décision est maintenue c’est la mort des dessertes savoyardes pour Paris. » Personne n’est dupe, côté syndicats, et d’ailleurs la SNCF ne s’en cache pas, c’est une question de rentabilité. 
Mais peut-être aussi de concurrence… Avec la réforme pour un nouveau pacte ferroviaire promulguée le 27 juin 2018, ouvrant à la concurrence les lignes du réseau national, on peut raisonnablement penser qu’il y a de tels enjeux là-dessous…Un autre opérateur, étranger, au hasard italien, ne pourrait-il pas venir se positionner sur ce créneau horaire? A l’heure où nous écrivons ces lignes, ce n’est pas de la science-fiction pour tout le monde. « En supprimant cet horaire ou en le » décalant « d’une heure, la SNCF fait le lit de la concurrence », reprend Antoine Fatiga, « est-ce une volonté gouvernementale? Pourquoi nos députés qui s’insurgent contre la suppression de cet horaire ne l’ont pas fait valoir au gouvernement? » On se tourne vers Patrick Mignola, qui a adressé un courrier au président de la SNCF, en lui demandant « de bien vouloir étudier avec bienveillance le rétablissement de cet horaire, et les recours concernant les suppressions vers nos territoires. », mais aussi vers les sénateurs de la Haute-Savoie, comme Sylviane Noel et Cyril Pellevat, qui ont respectivement interpellé la ministre Elisabeth Borne, inquiets « pour le déclassement des villes d’Annecy, Chambéry et Aix-les-Bains, qui seront désormais moins accessibles comparativement à d’autres villes de France, mais aussi, en raison du recours à la voiture au détriment du train, en dépit de la volonté affichée du gouvernement. »
Après 30 ans d’aller-retours entre la Savoie et Paris, les élus locaux connaissent l’importance de cette liaison dans la vie de leurs administrés. Reste à savoir ce que la SNCF a derrière la tête avec cette nouvelle expérimentation. A cette heure, il n’y a aucune certitude, ni dans le sens de la suppression de l’horaire de 5h32, décalé à 6h32 au départ d’Annecy, ni dans la mise en place d’alternatives. Il reste, pour l’heure, toujours cinq trains par jour pour Paris au départ des deux Savoie. Jusqu’à quand ? 

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