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Aix-les-Bains : les lions sont lâchés

Par Jérôme Bois • Publié le 18/12/19

La présence de l’ex-première adjointe, Marina Ferrari, démissionnaire puisque candidate aux élections municipales de 2020, à cette dernière séance du conseil de l’année était sujette à caution. Et pourtant, non seulement elle n’aurait manqué cela pour rien au monde mais ce fut, pour elle, l’occasion de déclencher les hostilités, sur fond de budget. Après la rupture, nous voici en plein affrontement.

Elle n’apparaîtra plus à la droite du maire…
Si entendre la voix de Lucy Dal Palu est un moment rare, puisque, hormis lors de la lecture d’un point ou deux de l’ordre du jour, elle n’a guère eu voix au chapitre durant ce mandat – jeunesse oblige, il faut reconnaître à l’une des benjamines du conseil un aplomb que bien d’autres peuvent lui envier. Sa sortie millimétrée, après trois heures de jeu, remboursait largement le temps passé à suivre une réunion largement étirée (sur un peu plus de 4 heures) : « Je tenais simplement à dire que je regrettais le caractère déplacé des interventions qui viennent polluer cette assemblée, il me semblait, naïvement, que le rôle attendu d’un élu du conseil municipal consistait à défendre l’intérêt général des Aixois jusqu’au bout du mandat. Qu’importent les étiquettes. Mettez loin l’envahissement des ego dans cette enceinte ». Pourquoi cette poussée de fièvre aussi soudaine que véhémente ? Parce que durant plus d’une heure, le vote du budget primitif*, ne devant être qu’une formalité car le débat d’orientation budgétaire avait déjà eu lieu un mois auparavant, a permis à Marina Ferrari, ex première adjointe, en charge des finances, d’affirmer sa position d’opposante, trois semaines après son entrée sur la scène des municipales. Ce budget, elle l’a qualifié de « plus mauvais depuis que je suis en exercice, depuis 2008 ». Elle s’en explique : « Je trouve en effet que le très fort niveau d’investissement (environ 15,6 millions d’euros sur l’année 2020, bien plus que lors des exercices précédents) est une donnée assez électorale. C’est surtout irréalisable ». 

Un avertissement… napoléonien

Pour mémoire, la candidate rappelait qu’en 2015, l’investissement programmé s’élevait à 10,2 millions d’euros, il était à 9 millions en 2017, il effleure les 16 millions aujourd’hui. A quoi est-ce lié ? A des taux d’imposition inchangés depuis 2001 et à la maîtrise des charges de fonctionnement. A cela s’ajoutant une baisse infime des dotations de l’Etat (culminant à 4 164 000 euros) et l’apport du casino à travers le prélèvement sur le produit des jeux, modestement estimé à 3,5 millions d’euros. La ville s’est donc octroyée la possibilité de dépenser, ce qui n’a pas convaincu Marin Ferrari, loin s’en faut. « Dans une démarche de vérité et de responsabilité, j’ai alerté l’ensemble des élus municipaux sur des dérives budgétaires de nature à nuire à la santé financière de notre municipalité : des recettes de fonctionnement insuffisantes au remboursement de la dette de la ville et une épargne nette négative ; une explosion des dépenses de communication** (plus de 1 million d’euros en réalisé en 2019 contre 450 000 euros en moyenne dans les budgets précédents) qui entrave d’autres secteurs plus prioritaires pour la qualité de vie des Aixois » , disait-elle en substance. En gros, « on dépense sans compter sur certains postes » …

Marina Ferrari a vertement critiqué le budget primitif 2020.
Avant de conclure par une glaçante parabole historique : « La période des 100 jours*** ne doit pas être sans évoquer, pour certains, le débarquement de Napoléon en Provence après sa fuite de l’Île d’Elbe, conclue par la défaite de Waterloo… Est-ce de mauvais augure, l’avenir nous le dira ». 

« Je suis consterné… »

Thibaut Guigue, adjoint délégué aux services de proximité à la population, aux ressources humaines et à la modernisation des services, fut le premier à réagir : « Je vous avoue mon étonnement et me vient une question : lors de la dernière séance, vous n’étiez pas présente, vous aviez laissé un pouvoir, ce pouvoir qui a voté le budget simplifié. A quoi bon, alors, se rendre compte de toutes ces dérives budgétaires lors du dernier conseil municipal ? Si effectivement la ville court à sa faillite, comme vous le prétendez en venant faire le spectacle ici-même, je vois deux possibilités : ou bien vous avez laissé l’équipe courir à cette faillite ou vous faites de la politique politicienne ». Puis Dominique Dord prit part au débat : « Nous ne sommes pas en danger, c’est très facile de l’affirmer dans ce contexte électoral. Nous en sommes à 31 millions d’euros de dettes, j’avais dit, en 2014, que je souhaitais atteindre les 32 millions à la fin de ce mandat. Qui d’autre que nous a pu réaliser ce travail en 15 ans ? » « Je ne vous ai pas entendu dire qu’atteindre ces niveaux d’investissement était irréalisable, lors de notre dernière réunion d’arbitrages budgétaires » , conclut Marie-Pierre Montoro, désormais adjointe aux finances****.

Soutenu par sa majorité, le maire a sèchement répondu à la néo candidate.
Ambiance… Loin de se dégonfler, Marina Ferrari se défendit : « Cela fait plusieurs mois que j’expose mes inquiétudes sur certaines dépenses, cela fait plusieurs mois que je n’étais plus écoutée ». En fin de débat, ce fut donc au tour du maire, Renaud Beretti, de prendre la parole, avec un sens aigu du propos, un brin d’ironie, un zest d’agacement : « Je suis consterné, je comprends que l’on soit aux abois, quand on a tout voté, par pure démagogie électorale. Je tiens à vous dire que certaines personnes ne connaîtront jamais Austerlitz. C’est une polémique facile et mensongère ». Le budget, validé évidemment, n’aura pas, pour la première fois « depuis 11 ans » , été approuvé par la néo candidate, dont on se souviendra que c’est elle, finalement, qui aura lancé les hostilités, préparant le terrain à un Austerlitz, pour les uns, un Waterloo, pour les autres…
*Le budget primitif constitue le premier acte obligatoire ducycle budgétaire annuel de la collectivité. Il doit être voté avant le 15 avrilde l’année à laquelle il se rapporte et transmis au représentant de l’Etatdans les 15 jours qui suivent son approbation. Il fait suite à débat d’orientation budgétaire et peut être, en cours d’exercice, soumis à diverses modifications (par le vote de décisions modificatives ou de budgets supplémentaires).
** A l’occasion de sa conférence de presse de candidature (à lire ici), Marina Ferrari avait souligné, non sans malice, qu’à « la communication, elle préférait l’action ». Une pique à l’endroit d’un maire très prompt à user de communication pour « faire savoir ce que nous faisons » , ainsi qu’il s’en est défendu.
*** La période des 100 jours fait ici référence au courrier adressé par 22 membres de la majorité aixoise pour signifier leur soutien à Renaud Beretti (lire notre article du 10 décembre), courrier intitulé « l’appel des 100 jours ». 
**** En début de séance a été validée la suppression d’un poste d’adjoint (l’exécutif passant alors de 9 à 8 membres) suite à la démission de Marina Ferrari de son poste de première adjointe. C’est Georges Buisson qui, dans l’ordre protocolaire, devient premier adjoint. A Marie-Pierre Montoro, les finances. La candidate, elle, a pris place près des minorités.

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