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Les opinions du Petit Reporter : crise de foi

Par Jérôme Bois • Publié le 06/01/20

Bonne année, meilleurs vœux… et la santé surtout… Vous y avez tous eu droit, vous-mêmes vous êtes-vous hasardés à lancer vos bons vœux à la cantonade, à charge pour les heureux receveurs de les accepter avec moult effets de manche ou de les ignorer avec vigueur. Tout était réuni pour faire de ces fêtes un cru rare, d’exception mais pas au sens premier du terme. L’absence quasi totale de neige sur nos plaines est une partie (infime) de l’explication. Les grèves et la tension sociale, paroxysmique, en sont l’essentiel. Où était passé l’esprit de Noël ? Quelque part entre la ligne E du RER parisien et le quai C de la gare SNCF de Bellegarde-sur-Valserine… 
Et puis, l’année nouvelle est arrivée, dans un assourdissant vacarme : un bruit de bottes suivi d’une canonnade. Imaginez que le principal hashtag, sur Twitter, dès le 2 janvier, était #troisièmeguerremondiale (ou #WWIII), suite à l’assassinat d’un « archiduc » iranien par les forces américaines. Rien que ça ! Une guerre mondiale. A quoi prétendre de plus gros et de plus anxiogène, au moment de conquérir la fève ? Assaisonnez ensuite ce mets des plus copieux d’un zest de pédocriminalité avec la (re)découverte des errances sexuelles d’un prédateur adoubé des milieux littéraires autorisés (dont vous ne faites, pour la plupart, pas partie). Quoi de mieux, en guise de dessert, qu’un gigantesque incendie en Australie, largement (et souvent n’importe comment) diffusé sur les réseaux sociaux, histoire d’assommer davantage le dépressif citoyen qui sommeille en nous tous ? Champagne, donc ! Avec du gros sel…
C’est pourquoi, fin décembre, nous nous sommes lancés, au Petit Reporter, dans une opération gonflée d’une dégoulinante naïveté (sots que nous sommes) autant que d’une puérile bienveillance. Une opération qui consistait à nous faire parvenir vos plus belles actions, vos souhaits, vos histoires positives destinées à donner encore un peu de sens à l’esprit de Noël, esprit, à l’heure où nous écrivons ces lignes, bien élimé tel un vieux jean trop porté. Deux semaines après le lancement de cette modeste entreprise… zéro retour. Rien. Nib. Nada. Peau de balle. 
Déçus ? Non, même pas. Un échec ? A peine. Juste terrifiés, à vrai dire, par une idée toute simple, inscrite en chacun de nous, il vaut mieux désormais colporter du malheur et de l’anxiogène plutôt qu’un peu de béatitude et de simplicité. Pourquoi ? Au hasard, pour afficher une bonté toute virtuelle (donc factice), pour susciter l’émotion immédiate, pour afficher notre peine plutôt que de la vivre. Pour nous rappeler, si besoin en était, que rien ne va en ce bas monde et qu’il est ainsi urgent de partager reportages approximatifs, photo-montages bidons et sites douteux, sous peine de se voir enseveli sous 10 tonnes de merde pour les 15 prochaines années (quoi de pire que d’être « affiché » en public sur son mur Facebook ?). 
Rien ne va, certes, et rien n’irait vraiment mieux en partageant bonnes nouvelles et joie de vivre de temps en temps. Mais nous souririons juste un peu plus.
Et ça, ce serait déjà énorme.

JB

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