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Aix-les-Bains : pourquoi le soutien du Rassemblement national embarrasse tant Christian Derenty

Par Jérôme Bois • Publié le 13/02/20

Christian Derenty, dont c’est la première campagne électorale, mesure aujourd’hui ce qui l’éloigne, pour l’heure, des cadors de la discipline. En recevant coup sur coup le soutien de Debout la France et du Rassemblement national, on lui prédisait un avenir bien moins confidentiel qu’il n’y paraît. Mais tout ne s’est pas passé comme prévu.
Vendredi 7 février, Debout la France et Christian Derenty, candidat à la mairie d’Aix-les-Bains (lire notre article du 22 décembre), ont officialisé leur partenariat. Rien d’étonnant compte tenu des liens* qui unissent la tête de liste de « Unis pour Aix-les-Bains » et Debout la France dont Vincent Thomazo est le secrétaire départemental. « Vincent a respecté l’idée de départ » , explique Derenty, à savoir un simple soutien à une liste ouverte, apolitique. « Nous sommes partis sur une liste citoyenne, ce qui a fait consensus au sein du groupe. Notre campagne s’adresse à tous les Aixois, pas à d’éventuels encartés. Et si des partis devaient nous soutenir, ils devaient le faire de leur propre chef ». Le candidat n’avait donc appelé personne, il le certifie.

Un appel à faire barrage à En Marche qui pose problème

Et voici que lundi 10 en soirée, un communiqué (lire ci-dessous) nous parvint : émanant du Rassemblement national, il précisait que le parti affiche désormais son soutien à Christian Derenty. « Ce communiqué a été écrit de telle façon que ce que je comprends, c’est que ce soutien est affiché par rapport à leur guerre contre En Marche et les Républicains » , soutient-il. Le texte ne dit pas autre chose : « Nous avons observé comme beaucoup la division de façade entre Marina Ferrari et Renaud Beretti. De façade car l’un et l’autre auront l’ombre de LREM et d’Emmanuel Macron avec eux. Pour l’une, directement investie par le parti, pour l’autre, accompagné par des soutiens dont celui de la députée, Typhanie Degois. Quand le vieux monde se met en marche… » Puis, plus loin, Brice Bernard, à l’origine du communiqué, insiste : « En tant que délégué départemental de Savoie, j’appelle ainsi à l’union de tous les Aixois, électeurs de Marine Le Pen et de Jordan Bardella aux dernières élections, à rejoindre la liste de Christian Derenty dès à présent pour que LREM ne gagne pas la ville d’Aix-les-Bains et pour élire un maire qui sera à votre écoute et à votre service ». Ce dernier passage a passablement courroucé le candidat : « Les enjeux politiques des municipales ne sont pas les enjeux nationaux, il y a un amalgame, nous voulons en sortir. Les thèses et la politique du RN ne sont pas nos idées ». Avant de souligner qu’avec Debout la France, les choses fonctionnent pourtant depuis le début, « cet attelage-là, je l’assume complètement ».

« Ce soutien du RN est embarrassant »

Que craint-il au juste ? Un peu d’opportunisme de la part du parti de Marine Le Pen. « Si les électeurs du RN veulent voter pour moi en tant qu’électeurs aixois, ok, pas de problème. Seulement, la démarche du parti est purement politique, ils visent En Marche, on ne veut pas être otage de cette dualité. Clairement, un soutien comme celui-ci est embarrassant ». « Le RN a effectivement tendance à tirer la couverture à lui » , renchérit Vincent Thomazo, « alors que la campagne devait être hors partis ». Pour le secrétaire départemental de Debout la France, le soutien de son parti entérinait le caractère divers droite du mouvement initié par Derenty. « Si l’on met un parti en avant, ça limite l’audience du candidat. Le soutien du RN est trop envahissant ».  Avec Brice Bernard, délégué départemental du RN, les contacts remontaient dans un premier temps à l’été 2019, « je n’en ai plus depuis un certain temps » , avance Christian Derenty. « On aurait pu en discuter avant, de ce communiqué, nous ne voulons pas être au cœur d’un combat politique qui ne nous appartient pas. Dans ma liste, je ne suis pas sûr que tout le monde souhaite être assimilé au RN » , ajoute-il, amer. Même si figure sur la liste « Unis pour Aix-les-Bains » , Jeannine Benzonelli, candidate aux élections départementales de 2015 sur le canton d’Annemasse… pour le Front national. « En fait, il aurait peut-être fallu que l’on annonce, dès le départ, qu’on ne s’ouvrirait pas aux extrêmes » , tranche-t-il. « Ça peut, certes, nous apporter du monde, ça nous en enlève aussi ».

Le Rassemblement national se dit surpris


Forcément, de tels propos ne sont pas restés sans réaction, du côté du principal concerné, Brice Bernard. Il relativise néanmoins : « Christian Derenty est arrivé tardivement vers nous mais il a toujours été convenu qu’il se lance avec nous. J’ai attendu que Debout la France annonce officiellement son soutien pour annoncer le mien ». L’intérêt est double pour lui et le RN : placer un candidat dans la deuxième ville du département** et élaborer une alliance avec Debout la France au local, la première du genre en Savoie pour le Rassemblement national. Une alliance que ne partage pourtant pas Vincent Thomazo : « Ce n’est pas une alliance, ça a été décidé au national, les choses sont claires. Ils se sont rapprochés de nous, nous avons décliné. Le conseil national y tenait ».
Malgré tout, Brice Bernard précise que le soutien à « Unis pour Aix-les-Bains » s’est obtenu sans conditions. En d’autres termes, Derenty est libre de mener campagne comme bon lui semble. « Je positionne simplement le parti et 25% d’électeurs derrière lui » , appuie Bernard, « tout en lui offrant la latitude nécessaire pour élaborer son programme ». Il laisse entendre que cette tension n’est que l’oeuvre de l’inexpérience. « Ça me surprend. Ceci dit, à mon avis, l’attitude de Christian Derenty tient davantage au fait qu’il s’agit de sa première campagne. Quoi qu’il arrive, il n’y aura aucune interférence, s’il a besoin de nous, nous l’aiderons ».  Dans le courant de la semaine prochaine, le candidat annoncera s’il maintient sa candidature ou non, après en avoir débattu avec son équipe. Le risque est aujourd’hui grand de le voir abandonner.

Christian Derenty (3e en partant de la gauche), à Colombey en novembre 2019, avec Nicolas Dupont-Aignan et Vincent Thomazo (3e et 2e en partant de la droite).

* Encarté à Debout la France jusqu’en 2019, Christian Derenty n’a pas renouvelé son adhésion afin de mener sa campagne hors partis. Le 9 novembre dernier, le candidat s’était rendu à Colombey-les-Deux-Eglises sur la tombe du général De Gaulle. Il accompagnait Nicolas Dupont-Aignan et Vincent Thomazo.
** Le RN soutien également Tanguy Burnet-Merlin, sur Saint-Nicolas-la-Chappelle et a investi Marie Dauchy sur Saint-Jean-de-Maurienne.

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