article

Annecy : Frédérique Lardet risque-t-elle d’être inquiétée pour « usurpation de titre » ?

Par Jérôme Bois • Publié le 25/02/20

Quiconque habite Annecy et les communes récemment fusionnées a pu – ou est en passe de – recevoir le programme de 28 pages de la candidate Frédérique Lardet, par ailleurs députée de Haute-Savoie. Et il sera difficile de ne pas réagir à la mention « maire d’Annecy » figurant au bas de la première de couverture, précédée de la griffe de la candidate. Intrigant, mais surtout de nature à induire l’électeur peu informé en erreur. La députée se défend toutefois de toute infraction.
L’affaire fait causer, finalement, dans le paysage roucoulant de la cité dite lacustre. Le bon air et les belles eaux du lac s’accommodent malheureusement fort peu de la politique du vice et des intrigues et l’exemple qui nous occupe présentement risque d’obscurcir cette relative quiétude. 

Usurpation de titre ?

Frédérique Lardet, maire d’Annecy« , inscrite dans une police d’écriture différente, en gras, laissant planer un doute certain dans la tête de l’électeur peu averti. » C’est sûr« , insiste un internaute, » c’est une façon certaine de tromper l’électorat« .
députée de Haute-Savoie, candidate du centre-droit, à la mairie d’Annecy, est donc sur les starting blocks, opposée à de rigoureux adversaires (Jean-Luc Rigaut, le maire et président du Grand Annecy, Denis Duperthuy, François Astorg, Naci Yildirim et Vincent Lecaillon). Son programme, fascicule de 28 pages fraîchement posté dans les boîtes aux lettres, présente une annotation qui risque fort de la gêner aux entournures. Sous la signature de la candidate figure la mention » Ce qui aurait pu n’être qu’un sujet à moqueries, à en juger par les premiers commentaires distillés çà et là sur les réseaux sociaux, s’avère être devenu affaire d’État depuis que Denis Duperthuy a manifesté, via son blog et l’article intitulé « Usurpation de fonction » , son souhait de voir la chose réglée en justice. Il appuie son propos en évoquant les deux articles du code pénal qui, selon lui sanctionnent ce type d’infraction, les articles 433-12* et 433-13**. « Signer ainsi est une infraction pénale punissable de 15 000 euros d’amendes par l’article 433-12 et 433-13 du code pénal » , écrit-il. « Cette infraction est aggravée par le fait que le maire est un officier de police judiciaire, détenteur de l’autorité policière. Enfin cette amende peut être majorée par le fait que nul n’est sensé ignorer la loi, surtout les députés qui la font ». Contacté, ce dernier nous explique vouloir attendre « à présent la réaction de la mairie et du maire qui est le plus apte à agir » (lire ci-après). Convaincu de sa victoire, il exclut cependant toute idée de recours… pour l’instant. « Nous allons la battre largement sur le fond des arguments donc un recours ne sera pas nécessaire » , conclut-il. Rappelons néanmoins qu’un juge de l’élection pourra être amené à statuer, à l’issue seulement des deux tours de scrutin si un recours est déposé au préalable par un ou plusieurs candidats.

« J’assume pleinement »


Toujours est-il que Frédérique Lardet, elle, s’est défendue de toute intention malvenue : « Mes adversaires cherchent toujours un moyen de m’attaquer, ils viennent là de trouver quelque chose, je les ennuie, visiblement, ils ne souhaitaient déjà pas que je me présente » , explique la députée. Sur les faits, elle botte en touche : « Si vous regardez bien l’affiche de campagne de Rachida Dati***, y figure la même mention. Emmanuel Macron en avait fait de même sur son affiche de la campagne présidentielle ».

La candidate LR à la mairie de Paris est également maire du 7e arrondissement.
Très juste mais une nuance s’impose, l’association « signature + mention » susceptible d’introduire la confusion. Ce qui n’est pas le cas des deux exemples précités, sur lesquels on notera par ailleurs que la police d’écriture est la même entre le nom et la mention. « C’est mon slogan » , se défend la candidate, « comme le » moi président « de François Hollande, c’est pleinement assumé. Si mes adversaires veulent déposer plainte contre moi, qu’ils n’oublient pas de faire de même avec Rachida Dati et le président de la République ».

Une action effectuée par la municipalité auprès du procureur


Un avocat spécialisé en droit administratif a, à la vue des différentes affiches, souligné le caractère litigieux de la chose : « Je ne suis pas sûr que cela altère la sincérité du scrutin mais c’est en effet assez douteux comme style. Au pénal, cela se tente, mais c’est en effet litigieux ». Le code électoral va un peu plus loin : il prévoit une infraction spécifique lorsque des suffrages ont pu être détournés par des fausses nouvelles ou des calomnies. Le candidat victime de ces propos peut former un recours en annulation de l’élection (cf, capture d’écran).

Du côté de la permanence de Jean-Luc Rigaut, on affirme avoir été inondé par les remontées de « plusieurs centaines d’habitants ». Les sympathisants se sont montrés à la fois « surpris et choqués » par ce qu’ils appellent « une authentique usurpation de titre ». Une action a été effectuée par la municipalité auprès du procureur : s’agit-il d’une plainte ou d’un simple signalement ? La mairie n’a pu être plus précise. Elle tient à relativiser la portée d’une telle action, son impact sur l’élection.
Reste à savoir si chaque candidat s’en tiendra à une posture attentiste, chacun se prévalant d’une victoire totale, le 22 mars au soir.

L’une des affiches de campagne d’Emmanuel Macron, en 2017.
Est puni de trois ans d’emprisonnement et de 45 000 euros d’amende le fait, par toute personne agissant sans titre, de s’immiscer dans l’exercice d’une fonction publique en accomplissant l’un des actes réservés au titulaire de cette fonction.

** Est puni d’un an d’emprisonnement et de 15 000 euros d’amende le fait par toute personne :  – d’exercer une activité dans des conditions de nature à créer dans l’esprit du public une confusion avec l’exercice d’une fonction publique ou d’une activité réservée aux officiers publics ou ministériels – d’user de documents ou d’écrits présentant, avec des actes judiciaires ou extrajudiciaires ou avec des documents administratifs, une ressemblance de nature à provoquer une méprise dans l’esprit du public.

*** Madame Rachida Dati est maire du 7e arrondissement de Paris.

Tous les commentaires

0 commentaire

Commenter