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Chambéry : pourquoi des associations s’apprêtent à bloquer l’aéroport Chambéry Savoie-Mont-Blanc

Par Laura Campisano • Publié le 14/02/20

Plus gros weekend d’affluence touristique à l’aéroport Chambéry Savoie Mont-Blanc ces 15 et 16 février. Près de 4 000 voyageurs, principalement britanniques sont attendus en Savoie pour une semaine de sports d’hiver, principale activité de cet aéroport en haute saison. L’occasion idéale pour les associations de défense de l’environnement de faire entendre leurs inquiétudes relatives à la pollution du territoire savoyard : dimanche 16 février, ils seront « tousse en piste ».
Une journée importante se prépare en Savoie, ce dimanche 16 février à l’aéroport de Chambéry. D’une part, un afflux de touristes, pour venir profiter de la neige en stations, de l’autre, pour une opération d’envergure organisée par Attac, Amis de la terre en Savoie et Extinction Rebellion, cette dernière connue pour ses actions coups de poing et assez visibles du grand public. La Préfecture, prévenue, a pour le moment indiqué jeudi 13 février n’avoir reçu aucune déclaration de manifestation, mais assure « que la liberté d’aller et venir, tout comme la liberté de manifester seront préservées, tout en assurant la protection et la sécurité des biens et des personnes. ». 

Photo Aéroport Chambéry 

« Il est temps de passer des paroles aux actes »


Côté associations, alors que cette journée d’action est prévue de longue date sur les réseaux sociaux et que 66 personnes ont déjà indiqué vouloir y participer, le programme n’est pas encore clairement défini, et ne sera probablement connu que vendredi 14 février dans la journée. La détermination, quant à elle est claire.  « Notre objectif est non violent et pacifique, mais nous souhaitons mettre en avant la problématique liée au transport aérien de cet aéroport dont l’activité ne concerne qu’une toute petite partie de la population et coûte extrêmement cher aux Savoyards », déplore Brigitte Finas, pour l’association ATTAC, « quand on constate le taux de pollution lié aux transports l’hiver, on peut relever que ce taux est lié en partie au trafic aérien, en augmentation de 5% depuis quelques années, et ce en dépit des accords de Paris. » Alors que le chef de l’Etat, à quelques kilomètres de là, se désolait de l’état de la mer de glace à Chamonix, les associations le clament, « les images parlent d’elles-mêmes, il n’y a plus de neige cette année, c’est toute une réflexion qu’il faut prendre en compte, il faut revoir les objectifs! » reprend Brigitte Finas. 

Illustration de l’événement Facebook « Tousse en piste »
Pour les Amis de la terre en Savoie, « l’objectif est simple, atteignable mais pas évident, nous voulons démontrer qu’il est temps de passer des paroles aux actes en matière de transport, nous ne voulons pas que le transport aérien soit en progression mais en régression, parce qu’il n’est pas nécessaire ni utile à la vie de tous les jours », souligne Patrick Bastien, ancien président de l’association,  « ça ne touche pas les personnes les plus pauvres qui par exemple ont besoin de leur voiture pour travailler, mais les couches les plus aisées, qui pourraient très bien prendre le train ! Il y a des TGV de partout en France, l’avion n’est pas taxé comme les autres moyens de transport, ce n’est pas normal ! »  En effet, depuis 1944 et la convention internationale de Chicago, le kérosène est exempté de taxe, dans le but à l’époque de favoriser les échanges après guerre. Mais depuis 2018, une étude suédoise commandée par la Commission européenne, remise au ministère des transports français, préconise un rétropédalage sur ce point : objectif, cette fois, réduire les émissions de gaz à effet de serre, que provoque le trafic aérien, en taxant le kérosène à 0.33 centime par litre. En raison de la rapidité du réchauffement climatique, il semble en effet surprenant que ce carburant ne soit pas taxé, comme l’est celui utilisé par les automobilistes, quand bien même la pollution du trafic aérien ne représente « que » 5% de la pollution de l’air. Cela contribuerait à diminuer de 10% les émissions de dioxyde de carbone à l’échelle de l’Union européenne. Pour l’heure, seule la Suède a concrétisé cette recommandation en appliquant une « taxe climat » sur ses billets d’avion, ce qui a déjà fait reculer la fréquentation des vols de 5%. Quelques pistes de réflexion qui font partie des revendications des trois associations Chambériennes pour expliquer leur mouvement du 16 février. 

 « Des moyens sont mis en oeuvre en faveur de l’environnement » à l’aéroport

Devant les revendications des associations « qui sont compréhensibles potentiellement »  Mathilde Cachart, responsable de la communication de l’aéroport Chambéry Savoie, avance plusieurs arguments. D’une part, les efforts mis en oeuvre par Vinci Airport – qui gère le fonctionnement du site, propriété du département – en faveur de l’environnement, qui ont permis l’obtention de la norme ISO 14001* en novembre 2019. « Nous avons réduit la consommation électrique en dotant l’ensemble de l’aérogare de lampes led, revalorisé les déchets, à plus de 80% en 2019, notamment », précise-t-elle. « Mais nous souhaitons également sensibiliser nos collaborateurs en utilisant des outils adaptés. Nous sommes attentifs à la biodiversité, et ce d’autant plus que nous possédons une zone Natura 2000 comprise dans l’enceinte aéroportuaire, nous pratiquons le fauchage tardif et aucun pesticide n’est utilisé pour l’entretien des bâtiments. »  Objectif de l’aéroport, diviser l’empreinte carbone de moitié d’ici 2030 ainsi que la consommation d’eau, promouvoir la biodiversité ainsi que prévoir le risque animalier. En 2018, trois ruches ont été installées sur la plateforme, dans le cadre d’un partenariat entre Vinci Airport et l’union nationale des apiculteurs français. « Bien sûr, le secteur doit investir et innover, communiquer davantage sur les recherches et le développement effectués pour améliorer les performances environnementales, mais beaucoup de choses sont déjà faites », souligne Mathilde Cachart. 
Mais d’autre part, l’autre argument reste l’impact économique de l’activité de l’aéroport. Avec 200 000 passagers de décembre à avril, 33 vols le samedi et 15 le dimanche, Chambéry accueille parfois jusqu’à 15 000 personnes sur le weekend, en raison de la proximité de l’aéroport avec les stations de ski. Et c’est bien ce que reprochent les associations. « Dans dix ans, il n’y aura plus de neige, cet aéroport n’aura plus lieu d’être à part pour l’aviation civile, et le service d’Etat », plaide Patrick Bastien, « il va falloir se rendre compte qu’il faut favoriser un autre type de tourisme, il faudra nécessairement passer à autre chose, les glaciers reculent, le tourisme de la neige n’a pas d’avenir en Savoie ! » 

« Il faudra faire des affaires autrement qu’en avion »

Egalement pointés du doigt, les aménagements à hauteur de 700 000 euros pour le Brexit, « assurés par le département, et la mise à disposition de l’espace pour les avions d’affaires pour des clients privés. Tout cela n’est pas très simple à démêler » concède Patrick Bastien. « Il va falloir faire des affaires autrement qu’en avion, c’est déjà possible, et ne garder que les aéroports internationaux, et surtout qu’il n’y ait jamais de subventions versées aux aéroports, même indirectement, à des groupes privés ! Ce ne sont pas des services publics, avec des vols réguliers. » Côté aéroport, on rappelle que 250 saisonniers sont formés chaque année pour renforcer l’équipe de 38 personnes en permanence sur place, et que l’activité de l’aéroport « favorise des emplois directs et indirects, les taxis, les hôtels, les restaurants. Nous entendons souvent dire que les aéroports profitent aux plus riches, ce sont des idées reçues, nous ne bénéficions pas de subventions publiques, Vinci Airport a investi 10 millions d’euros pour rénover la caserne des pompiers, rénover l’aérogare », ajoute Mathilde Cachart, « la délégation de service public entre le département et Vinci Airport s’étend jusqu’à 2029. » Parviendront-ils à s’entendre ?

Vigilants mais attristés

Reste que dimanche sera une journée complexe, « nous ne fermons pas nos portes, c’est la Préfecture qui va gérer ce genre de choses », ajoute la jeune femme, « nous serons vigilants, mais plutôt attristés de l’image que cela va donner du territoire, de la France. Nous ne minimisons pas l’importance de ces actions, cela fait avancer les choses, et permet aussi de rétablir la vérité, il faut reconnaître que pour les associations nous représentons tout ce qui les agresse, et comme elles pensent que Vinci perçoit l’argent de l’Etat, ça n’arrange rien. »  Côté manifestants, ce qui nous a été indiqué pour le moment sur le déroulement de la journée est une distribution de tracts aux passagers pour les sensibiliser sur leur action. D’autres moments plus « spectaculaires » auront sûrement lieu, mais « sans dégradations définitives » à l’instar d’autres actions menées par Extinction Rebellion, que nous ne sommes pas parvenus à joindre. « Nous avons demandé aux gens d’être disponibles entre 8 h et 20h » nous a-t-il été indiqué… à suivre.

* La norme ISO 14001 s’applique à tout organisme souhaitant mettre en oeuvre un système qui respecte l’écologie, tenu de mettre à jour sa politique environnementale afin d’améliorer sa performance à ce niveau et s’assurer de sa conformité à la règle

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