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Municipales 2020 : dépenses de campagne et remboursement, le déséquilibre démocratique

Par Laura Campisano • Publié le 18/02/20

Tracts, professions de foi, réunions publiques: tout cela a un coût pour les candidats, et ces dépenses, pour certaines obligatoires n’enclenchent pas automatiquement des remboursements publics…principalement dans les communes de moins de 1000 habitants, largement majoritaires en France. Nous avons voulu savoir comment les candidats parvenaient à financer leur campagne, ce qui pose question sur l’exercice même de la démocratie.
« C’est très normé », nous souffle un directeur de campagne, dans une commune savoyarde de plus de 9 000 habitants « Il y a des seuils à ne pas dépasser, calculés en fonction du nombre d’habitants, souvent c’est le candidat qui fait l’avance de frais. » Souvent, même presque toujours dans la grande majorité des communes, c’est-à-dire celles de moins de 5 000 habitants, plus encore dans les « petites » de moins de 1 000.

Crédit photo Eric Bobrie

Système D et dons de colistiers

A Pugny-Chatenod, 991 habitants, Valérie Thuillier peut compter sur la bonne volonté de ses colistiers pour mettre la main à la poche, et sur son réseau pour tenir bon sans avancer de trésorerie dispendieuse. Car, y compris pour les dépenses obligatoires, telles que l’impression de bulletins de vote, de professions de foi et d’affichage, comme sa commune est inférieure à 1 000 habitants, elle n’a droit à aucun remboursement de frais de propagande, y compris si elle atteint 5% des suffrages. Une situation que la candidate trouve anormale, et ce n’est pas la seule. « Je trouve ça hallucinant, même si je préfère qu’on se débrouille par nous-mêmes sans solliciter les gens, que nos frais de campagne ne soient pas pris en charge, surtout les frais obligatoires ! »  détaille la candidate. « Je ne veux pas mettre non plus mes colistiers en difficulté, chacun participe de manière équitable, ce qu’il faudra rajouter, j’y penserai. » Deux réunions publiques, cinq rendez-vous pour aller à la rencontre des habitants, c’est sûr qu’elle ne peut pas faire beaucoup plus en matière de communication et ce même si des bonnes volontés se mettent spontanément à sa disposition. Bien loin des moyens usités dans des communes plus importantes, où les réunions affluent, les tracts s’envolent et le budget communication sera de toutes façons remboursé, compte de campagne oblige. « Ce n’est pas parce que nous sommes dans une petite commune que nous devons faire campagne de manière artisanale », reprend-elle, « pour que les gens nous fassent confiance, il faut aussi que cela ait l’air professionnel ! Avec de vraies photos pro, pas faites au portable, des réunions qui tiennent la route. Mais ce système n’est pas égalitaire, au détriment des petites communes. » 
A Barberaz, commune plus importante de près de 5 000 habitants, même constat pour le candidat Arthur Boix-Neveu. « C’est inacceptable pour l’expression démocratique », soulève-t-il, « on nous parle de la démocratisation en permanence, mais dans les communes moyennes, et dans les plus petites, nous voyons que sont avantagés les candidats qui ont des moyens ! Ce n’est pas le cas sur ma commune, et la mairie met à notre disposition gratuitement la salle pour nos réunions, mais dans d’autres, ce n’est pas du tout évident. » Les dons sont possibles, hors personnes morales, et ce sont aussi les colistiers qui mettront la main au portefeuille. « C’est une vraie difficulté pour la démocratie, parce qu’on ne sait jamais vraiment, combien va nous coûter une campagne, s’il y aura un tour ou deux, c’est un problème. » reprend le candidat. 
Mais même lorsque le remboursement par la Préfecture est prévu, dans les communes de plus de 1 000 habitants, la loi prévoit que les listes doivent respecter un certain nombre de conditions, et que les sommes remboursées sont établies en fonction de tarifs d’impression et d’affichage fixés par arrêté. Le Ministère de l’Intérieur encadre en effet parfaitement ces remboursements, en application de l’article 18 de la loi du 7 juillet 1977 « Pour donner droit à remboursement, les déclarations et bulletins de vote doivent être imprimés sur du papier de qualité écologique, répondant à au moins l’un des deux critères suivants: papier contenant au moins 50% de fibres recyclées au sens de la norme ISO 14021 ou équivalent, papier bénéficiant d’une certification internationale de gestion durable des forêts délivrée par les systèmes FSC, PEFC ou équivalent. »  
De plus, le remboursement des frais d’impression ou de reproduction et d’affichage (la propagande, NDLR) ne concerne qu’ « un nombre de circulaires égal au nombre d’électeurs, majoré de 5%, un nombre de bulletins de vote égal au double du nombre d’électeurs majoré de 10%, deux affiches identiques grand format d’un format maximal de 594 mm x 841 mm par panneau d’affichage ou emplacement réservé à l’affichage électoral et deux affiches petit format par panneau d’affichage ou emplacement réservé à l’affichage électoral d’un format maximal de 297 mm x 420 mm pour annoncer soit explicitement soit en renvoyant à la consultation d’un site internet dont l’adresse sera parfaitement lisible, la tenue des réunions électorales. » Mais cela implique le financement préalable par les candidats des frais d’impression. « Nous avons été confrontés au problème à la dernière campagne municipale, où les remboursements ne sont intervenus que plusieurs mois après le scrutin, des fois six à huit mois après », souligne un directeur de campagne, « avant les imprimeurs acceptaient d’attendre le remboursement, mais maintenant ils veulent être payés directement, ce qui peut s’entendre, mais sous-entend l’avance de l’intégralité des frais pour les candidats. »  

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