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Crise sanitaire en Italie : le Nord toujours réduit au silence, le Sud retient son souffle…

Par Laura Campisano • Publié le 29/03/20

Pays particulièrement touché par la crise sanitaire actuelle, l’Italie voisine est toujours divisée en deux. Le Nord, les rues vides lombardes, le silence assourdissant de la capitale économique, Milan, parfois interrompu par le bal des ambulances. Au Sud, où la situation sanitaire – dont la gestion n’est pas nationale mais gérée par régions – inquiète, surtout lorsqu’à l’annonce du confinement, de nombreux habitants se sont rués sur les trains pour rejoindre leur région d’origine. Nos témoins sur place, Manuela, institutrice à Milan, et Ferdinando, gérant de l’unique commerce de proximité d’un petit village de Calabre, nous dévoilent leur quotidien au temps du coronavirus. 

« Zona Greco » d’ordinaire très animée, la rue Emilio De Marchi est totalement vide -Milan
« Aujourd’hui, c’est le trente-quatrième jour de confinement. Il y a encore deux mois seulement, si on m’avait dit que j’allais me retrouver dans une situation de ce genre, il ne fait aucun doute que je n’y aurais jamais cru. La Chine me semblait loin, le coronavirus tout autant. Et pourtant, tout a été très soudain. Un vendredi midi, j’ai dit au revoir à mes collègues, à mes élèves, comme d’habitude, en leur souhaitant bon weekend et en leur donnant rendez-vous le lundi suivant. Et je me suis retrouvée sans les voir, pendant plus de deux semaines avant de les retrouver derrière un écran.  

A Nocera, en Calabre, les « fuyards » ont fait des dégâts, et la peur de manquer aussi…

Il est depuis 1996, le gérant de la seule supérette généraliste du village de Nocera Terinese, sur les hauteurs, entre les champs d’oliviers et les vignes qui surplombent la mer tyrrhénienne. Ferdinando est sur le pont, en première ligne.

Depuis le 18 mars, il a pris une décision importante: ne plus faire entrer de clients dans le commerce et préparer les commandes à l’avance, via Whatsapp. « Je suis malheureusement contraint pour garantir la bonne santé de mon équipe, celle de ma famille, de refuser l’accès au magasin » a-t-il envoyé par message à tous ses clients, soit tous les habitants du village et alentours, « les clients seront servis à l’extérieur, et devront se présenter munis d’une liste de courses, dont nous nous chargerons avant de leur remettre à la porte du magasin. » Une décision saluée à l’unanimité par ses amis, clients, et habitants qui le connaissent depuis toujours. La Calabre était relativement épargnée par le Covid-19 jusqu’au 7 mars, où des scènes de panique et de trains pris d’assaut au Nord, principalement à Milan, ont fait le tour du monde. Depuis, 494 cas ont été recensés en Calabre au 27 mars, contre 4 au début du mois. Dans le village, pour le moment, aucun cas n’est à déplorer, mais dans les communes voisines, Lamezia Terme, Gizzeria, cela a déjà commencé. A Nocera Terinese, Ferdinando n’a que très peu de répit, il a même multiplié par dix, le chiffre de la période, ce qui ne le réjouit pas, au contraire. « Mon commerce est dans la liste, avec les pharmacies, de ceux qui sont en première ligne dans cette période catastrophique. Nous sommes les seuls à être ouverts, en Italie, tout le reste est fermé. Les gens se pressent à nos portes, nous essayons de les servir tous. Il semble que la semaine décisive en Calabre est celle qui va débuter (le 30 mars NDLR) à cause de ces imbéciles, étudiants et travailleurs qui se sont enfuis quand la Lombardie a fermé ses portes. Nous ne savons pas exactement combien sont restés chez eux confinés et combien au contraire ont pu transmettre le virus dans le Sud ». 

« Je vends dix fois plus, ça n’a pas de sens, pour moi »

« Ce qui me frappe le plus, dans cette période, c’est que les gens ont peur de manquer de nourriture. Depuis le premier jour où nous avons entendu parler du coronavirus, la première chose à laquelle les gens ont pensé, a été de faire des provisions de nourriture. Je peux le comprendre, dans une grande ville métropolitaine, même si je ne pense pas qu’en 15 jours les gens mourraient de faim, il reste toujours quelque chose à manger chez soi. C’est vraiment une chose que je ne comprends pas. Ces stocks de provisions exagérés, je suis en train de vendre dix fois plus que d’habitude, ça n’a pas de sens pour moi. Les gens visiblement n’ont pas compris le vrai problème auquel nous devons faire face, je constate surtout de l’égoïsme, celui de penser à la nourriture au lieu de s’informer correctement sur la façon de se comporter pour éviter d’être touchés par le virus. L’humanité est comme ça, l’homme se trompe toujours, dans ce qu’il fait. Par chance, il y a toujours eu des gens plus éclairés pour sauver l’humanité, des scientifiques qui ont inventé des remèdes, pour nous guérir. Grâce à une poignée de personnes, nous sommes arrivés là où nous en sommes aujourd’hui. Je suis un peu critique, c’est vrai, par rapport au peuple italien, en cette période, au lieu de penser » s’ils ferment tout nous n’aurons plus rien à manger «, ils ne se disent pas qu’il y a dehors un virus qui peut tous nous tuer. » Alors que le bureau de poste vient de fermer, comme l’a indiqué le maire sur les réseaux sociaux, il reste fort à parier que la supérette continuera à concentrer l’attention des habitants confinés.


Dans le même temps, la police a été déployée, le 22 mars pour contrôler les arrivées des régions extérieures. L’équipe municipale d’Antonio Albi a mis en place le 23 mars un numéro spécial à destination des habitants revenant des régions du Nord ou de l’étranger. Les services de livraisons à domicile proposés par les pharmacies et autres petits commerçants ont également été diffusés. 1 500 masques reçus de Harbin, en Chine, afin d’équiper les habitants de la commune de Nocera Terinese, partie village et partie Marina ont été distribués les 26 et 27 mars, par les membres du conseil, aidés de volontaires, en porte à porte. Sur les réseaux sociaux, les habitants félicitent, encensent même leurs élus, postent les photos des masques obtenus, pour les sorties indispensables. Dans la province de Catanzaro, dont dépend la commune de Nocera, aucun décès n’est pour l’heure à déplorer, bien que 13 personnes soient hospitalisées et 41 en confinement domiciliaire total, comme nous l’indiquent nos confrères de LaC News24, chaîne d’informations locale. Aussi, si la situation est encore très différente du Nord au Sud, (30 703 cas et 4 178 décès pour la seule Lombardie)  les moyens de la Calabre (tout comme la Campanie, la Sicile et la Sardaigne) pour accueillir et soigner les malades n’étant pas les mêmes, la région reste bloquée entre l’espoir et la crainte de ce qui les attend dans les prochaines semaines.

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