« Encore une fois, j’ai eu honte de leur attitude ». « La minorité est restée droite dans ses bottes, comme depuis le début du mandat ». « Ils s’en sont pris à l’homme. » Florilège de propos entendus çà et là, en marge de la séance du conseil municipal du 2 mars. La dernière. Pas la plus belle ni la plus calme. Séance durant laquelle le fauteuil de Frédéric Bret a chancelé, sous la vigueur des attaques qu’il a lui-même qualifiées « d’hallucinantes ».
Pour la petite histoire et pour commencer par la fin, sachez que le compte administratif et le budget 2020 ont été approuvés. Avec une infime majorité. Aussi incroyable que cela puisse paraître, la validation du budget 2020 n’était pas acquise. 11 voix se sont élevées contre. Le contenu de la séance a été, lui, autrement plus animé qu’à l’ordinaire, encore que La Ravoire brille trop souvent par ses salves mitraillées, ces temps-ci. Entrer dans le détail des griefs risquerait d’être trop sinueux comme ça l’a été pour une partie du public venu en nombre (principalement des sympathisants des trois camps en lice pour les municipales). Un embrouillamini de considérations procédurières et financières prompt à perdre le plus endurci des comptables en chemin.
« Je vote contre pour dégager ma responsabilité »
Ainsi, c’est à travers le vote du compte administratif que les choses sérieuses ont commencé. Viviane Coquillaux, de la minorité, dénonçait l’absence de commission aux finances, préalable à cette séance, c’est Jean-Louis Lanfant, toujours adjoint aux finances, qui se chargeait de répondre. Au lance-flammes et au cours d’un échange qui, curieusement, semblait viser à influencer la décision de la minorité sur le vote. « J’ai été personnellement mis en cause pour ne pas avoir organisé de commission, j’avais pourtant préparé les documents budgétaires, j’ai signé la convocation à cette commission le 24 février mais j’estimais loyal de ne pas l’animer ». Compte tenu des fameuses dissensions internes, l’adjoint ayant fini par rejoindre les rangs des « dissidents »*. « Le maire avait tous les documents, il lui appartenait de convoquer tout le monde. Il a répondu que c’est moi qui n’ai pas voulu ». « Le 24 février pour aujourd’hui, le délai était trop court, je trouvais grotesque de faire une commission sur l’approbation du compte administratif en si peu de temps » , s’est justifié Frédéric Bret. Puis, la discussion s’est envolée à des hauteurs inespérées : « Je voterai contre ce compte administratif, il est insincère, il manque volontairement des recettes concernant l’occupation du domaine public par les commerces autour de la place de Hôtel-de-Ville. De tels agissements représentent un délit » , avançait-il entre autres arguments. Jean-Louis Lanfant poursuivit : « En tant qu’élu, je me vois dans l’obligation de voter contre pour dégager ma responsabilité. En 45 ans d’engagements dans les services comptables de mon pays, jamais je n’avais été confronté à de pareils agissements ».
« Qu’on vienne me chercher »
Le maire salua alors, ironiquement, le courage « de ne pas l’avoir dit avant » , d’être resté « adjoint aux finances » , « droit dans ses bottes » et d’avoir « cautionné » les agissements incriminés. « Ces attaques sont hallucinantes, vous aviez tout validé ». Frédéric Bret a expliqué avoir délibérément soutenu ces commerces, en difficulté durant la phase de travaux de la place de l’Hôtel-de-Ville, afin de privilégier la vitalité commerciale de la commune. « C’est une forme d’illégalité, si vous voulez, c’est de la cohérence, surtout, j’ai un principe de réalité d’animation commerciale. Qu’on vienne me chercher là-dessus. S’il faut de nouveau aider des commerçants sur la place publique, je le referai. Pour moi, c’est un bon message à envoyer aux commerçants ». Enfin, « je veux bien être accusé de tout mais on n’a rien caché. » « Est-ce que ce compte administratif comprend toutes les recettes » , insista Jean-Louis Lanfant ? « Non ! J’ai dit au maire que nous n’étions pas dans la légalité. Malgré tout, je me suis exécuté pour ne pas lui faire un enfant dans le dos à ce moment-là » , une conclusion qui n’a pas manqué de faire éclater de rire le public… « Je ne veux donc pas prendre part à la réalité de ce compte administratif ». La minorité en fit de même et avec 11 pour et 11 contre, le compte fut validé d’extrême justesse, le contre n’étant pas majoritaire, en cas d’égalité.
Rassurez-vous, ce n’est pas fini. Il manquait encore le vote du budget. Et les points d’achoppement ont volé. Le Roc Noir, notamment. 1,8 million d’euros a été inscrit au budget soit le prix de vente du terrain à Chambéry Grand-Lac économie. Un point dur qu’Alexandre Gennaro, conseiller municipal et ex-adjoint, a sévèrement pointé du doigt. « Ce qui me dérange, c’est que vous assumiez cette illégalité et qu’en plus, nous ayons assisté à un véritable déni de démocratie. Pour vendre le terrain du Roc Noir à CGE, il faut une délibération du conseil, et alors, on inscrit la recette au budget. Aujourd’hui, seul le maire décide, sans le conseil municipal. Comment voter la sincérité d’un budget dans ces conditions ? Cette recette est-elle sûre ? La mairie a-t-elle délibéré ? Y’a-t-il aujourd’hui un acte authentique de vente ? Existe-il un compromis de vente ? » Une nouvelle fois acculé, le maire mit l’accent sur la nécessité, au détriment du formalisme. « La question est de savoir si le Roc Noir doit être fait ou non et grâce à ce budget, nous allons dire comment nous allons le faire. Le Roc Noir a été cassé par la CDAC**, on peut le refaire. Quand une partie de votre majorité passe son temps à vous savonner la planche depuis deux ans, le risque est de vouloir se replier sur soi. Après, si vous souhaitez continuer en mode tribunal… Je vous rappelle que si l’équipe en place dès le mois avril ne souhaite pas honorer cette délibération, elle le pourra. »
Robert Gardette, de la minorité, refusa de « voter un budget dont une recette n’a pas été préalablement validée en conseil ». Que se passerait-il si l’équipe suivante se retrouvait avec un trou d’1,8 million d’euros« , interrogea-t-il ? Puis vint le tour de Marc Chauvin, dont le cinquième mandat prendra fin dans quelques jours, et lui aussi, aujourd’hui, opposé au maire : » C’est juste aberrant de présenter un budget de liste électorale, cessez de parler de vos listes respectives !«
Clap de fin
Le camp Gennaro se figeait dans ses positions, pas question de desserrer l’étau, alors que le vote se faisait attendre : « On ne respecte pas nos engagements, à savoir le maintien du budget des temps périscolaires, la création des trois terrains de sport, la hausse des budgets du social, aux associations et petite-enfance, la création d’aires de jeux… Nous sommes là pour exprimer notre avis, nous ne sommes pas des moutons. J’assume la ZAC Valmar, le parking Silo… Nous avons construit plus de 1 000 logements mais rien n’a été fait sur la politique sociale ! » « Ce budget » , renchérit Viviane Coquillaux, « colle à votre projet pour le prochain mandat ». « Ce budget n’est pas sérieux » , tonna Jean-Louis Lanfant… « Je vois que chacun y va de sa liste de courses… » ironisa le maire, agacé. Le budget sera néanmoins adopté, à 13 contre 11. Alors, Frédéric Bret put conclure les débats avant de souhaiter à tous une fin de campagne plus apaisée qu’elle ne l’a été. Car elle se sera, jusqu’au bout et c’est un exploit, invitée dans l’enceinte, normalement sacralisée, du conseil.
Coup de sifflet final sur un mandat haché, éreintant, où rien n’aura été épargné tant à l’équipe majoritaire aujourd’hui en lambeaux, qu’aux services et aux personnes. « Au moins » , souriait Yannick Boireaud, de la liste « Ecoexistons à La Ravoire », « la minorité est restée jusqu’au bout droite dans ses bottes ». A la fin, la parole s’est libérée, parfois en off, parfois non, dans une atmosphère plus légère autour d’un verre. Seulement, certains avaient encore en travers de la gorge les méthodes employées : « Je ne suis pas un jeune poulet en politique, mais je ne pensais pas que la bassesse pourrait être aussi exacerbée » , s’est ainsi exprimé Philippe Mantello, sur les réseaux sociaux. « Un triste spectacle, une fin de règne » , postait une habitante, présente ce soir-là.L’équipe Bret était, quant à elle, unie pour dire que « c’est bien l’homme qui a été attaqué, ce soir ».
Chacun attend désormais de voir s’abattre le juste courroux des Ravoiriens. On saura alors quels auront été les effets de deux années de dislocation, d’invectives et de petites trahisons.
* Il est présent sur la liste d’Alexandre Gennaro, « La Ravoire au coeur », aux municipales, face à Frédéric Bret, « Notre parti La Ravoire », et à Viviane Coquillaud, « Ecoexistons à La Ravoire ».
** Lire notre article du 23 octobre 2019 sur ce sujet.
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6 commentaires
Daniel
03/03/2020 à 07:34
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gerard Blanc
03/03/2020 à 07:48
Épisode croustillant et révélateur, parmi d'autres, des comportements différents des 2 groupes d'opposition. Après le vote sur le compte administratif et la surprise d'un égalité parfaite 11 contre 11, vu l'absence de nouveau du DGS (!) pour l'assister, ni le président de séance ni aucun membre de la majorité ne savaient quoi en conclure. Et c'est Viviane COQUILLAUX représentante de l'opposition "historique et constructive" qui a volé à son secours en soufflant la réponse légale validant ce vote. Sinon, c'était prolongation ou pénalties pour se départager en cette fin de triste match ! Comme sur les autres dossiers, pendant tout ce mandat, cette opposition-là, constructive, a fait preuve de responsabilité et de cohérence, sans renier ses points de vue différents sur certains dossiers. Exister c'est bien, Éco-Exister c'est mieux, non ?
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Unknown
04/03/2020 à 02:45
DL de ce jour...... Tout est dis !!!! Enfin, les masques tombent, la liste Patrick MIGNOLA est enfin au complet. D’abord son attaché parlementaire qui démissionne pour rejoindre la liste de monsieur GENNARO et maintenant une prise de position très officielle de la part de l’ancien Maire de la Ravoire.
Cela me renvoie à une petite phrase lâchée par monsieur MIGNOLA, Maire sortant, quittant son poste, lors de la passation des manettes a Frédéric BRET, Maire actuel.
Dixit monsieur MIGNOLA « J’aurais souhaité que Alexandre GENNARO prenne la suite mais Frédéric est déjà préssenti ». A ce moment-là, je me suis posé la question, Un moyen de garder la main sur la commune ??
L'acharnement des membres dissident de la majorité à dézinguer le Maire pendant ces 2 ans nous éclaire et prouve aujourd’hui la stratégie mise en place.
Toujours est-il, que les Ravoiriens ferons la part des choses, soutenir une liste ou le chef de file d’une liste locale est un Député qui soutient le ministre du travail, ancien DRH d’une multinationale et qui a , à son actif 1 000 licenciements et pour récompense a touché 4 M€ lors de son départ, un député qui prends position sur le bien-fondé du 49.3.
Je dirais simplement RDV le 15 mars !
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Unknown
04/03/2020 à 02:48
Je suis estampillé anonymous de ce fait j'assume mes propos PHILIPPE MANTELLO
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Daniel
04/03/2020 à 05:05
J'espère que les Ravoiriens ne seront pas dupes ... L'article du DL de ce jour confirme mes propos d'hier, Monsieur Mignola soutient la liste dissidente après avoir mis en avant Frederic Bret pour le Conseil Départemental et la Mairie. Peut être ne supporte t'il plus de ne pas avoir de recours local ?
Pour mémoire Patrick Mignola critique la droite mais était plus à l'aise avec l'UMP pour prendre une Vice Présidence à la Région AURA avec Laurent Wauquiez.
Petit rappel : Habitant à Aix les Bains (1ère circo), Maire de La Ravoire (3ème circo) et Député de Chambéry (4ème circo)... A ce niveau là ce n'est pas de l'opportunisme mais une girouette ... Un vrai membre du MODEM quoi !
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BP
04/03/2020 à 08:27
En attendant, la version en ligne de l'article semble avoir disparue...
https://c.ledauphine.com/actualite/2020/03/03/patrick-mignola-si-j-avais-a-voter-a-la-ravoire-je-voterais-pour-alexandre-gennaro
Et n'allez pas me dire que l'ancien Maire, actuel député MODEL-LREM ne pilote pas cette tragi-comédie en sous main pour faire tomber son ancien poulain !