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Les opinions du Petit Reporter : l’antidote

Par Laura Campisano • Publié le 23/03/20

Comme il semble loin, à présent, le temps de la discorde, des petites phrases et des manœuvres… Alors que le pays retient ce qui lui reste de souffle, entre deux applaudissements aux fenêtres et des challenges pour garder en santé et sécurité ses enfants, conjoints et animaux de compagnie, tout ce à quoi nous avons assisté ces derniers mois, durant la campagne, dans la vie politique locale, les polémiques pour des bonbons et des petites guerres d’ego, semble loin.
Les adversaires d’hier sont redevenus les responsables gestionnaires en ces temps de crise, salués et remerciés par le plus grand nombre. Rangées au placard les rivalités, les collectivités locales ont retrouvé (si tant est qu’elles l’aient un jour perdue) leur utilité publique : la sécurité et la santé de tous. Les relais, les solutions, les gardes, les moyens techniques sont mobilisés. Enfin des ponts sont construits, enfin des ententes sont menées, en temps de « guerre », une trêve est apparue sur notre territoire comme globalement partout en France. Nous vous le disions, dès dimanche dernier, au Petit Reporter, nous avons choisi le positif, l’entraide, l’angle solidaire, de poursuivre nos investigations et de montrer aussi, par l’exemple, que tout le monde peut poser son bouclier et son armure politique pour donner des coups de main dans les quartiers, comme à Chambéry-le-Haut. Que les artistes locaux, qui ont tout perdu financièrement, n’ont en revanche rien perdu de leur talent et l’offrent aux internautes, à l’heure où ils ne savent pas s’ils pourront honorer leur facture internet. Les restaurateurs, les traiteurs, qui passent en vente à emporter, les pizzas pour les soignants, les élus qui prêtent main forte, les concerts improvisés… Tout cela, c’est exactement le contraire des coups bas, des mensonges, des manœuvres et des ego.
Certes, çà et là, nous voyons encore, les critiques cyniques et les théories du complot les plus viles, tenter de subsister. Elles cachent mal la peur, de tous, l’effroi, le désarroi, qui poussent nombre d’entre nous à s’ériger tantôt en éminents épidémiologistes tantôt en spécialistes politiques. Elles cachent mal l’impatience d’arriver au bout de ces jours complexes car nul n’en connaît bien l’issue. Tous se sentent pris au piège dans un blockbuster hollywoodien, un film catastrophe où tout le monde finit par tuer son voisin pour un mot de trop, une réaction idiote de trop, un footing de trop, une insulte de trop à l’égard des forces de l’ordre qui contrôlent nos allées et venues. Bien sûr, c’est dur d’être privé de liberté, bien sûr c’est dur le suspens : personne n’a dit que ce serait facile, cela nous contraint à réaliser que ces choses que l’on croyait acquises – la liberté et la vie – sont précieuses car elles ne sont pas illimitées. Elles ne tiennent qu’à trois mots : restons chez nous.
Alors, la crise sanitaire n’est pas finie, elle charrie oui, son flot de tristesse et de déchirements, elle met en lumière le pire et le meilleur de l’homme, elle obnubile et fait turbiner les cerveaux. Mais à la fin, au bout du compte, car cela ne durera pas éternellement, il est évident que nous devrons tous repenser nos vies autrement. Politiquement, culturellement, économiquement, humainement et journalistiquement. Il y aura des lendemains, il y aura des surlendemains et même des jours après. Nul ne pourra faire comme si rien ne s’était passé, nul ne pourra oublier, il faudra forcément se réadapter.
Aujourd’hui, nous sommes toujours là, sur le pont, à chercher comment informer intelligemment, toujours avec les mêmes outils, la même réactivité et la même méthode : la pédagogie. Sans rédaction physique, nous poursuivons pourtant notre veille, nos reportages, nos recherches, continuons à mettre à jour nos réseaux sociaux et ne faiblissons pas. Petite équipe, grande motivation. Pourtant, nous aussi, comme tous, sommes confinés. Les reportages se font par téléphone, les gens sont plus ou moins joignables, plus ou moins disponibles. Mais les papiers continuent de sortir. Parce que nous sommes avant tout des témoins de notre époque, non zélés, juste conscients du rôle que nous, journalistes, devons jouer dans cette période exceptionnelle. Le Petit Reporter, qui fêtera sans doute son premier anniversaire confiné, sera là, encore, demain. Nous le disons depuis nos premières publications, nous ne sommes concurrents de personne, nous sommes tous complémentaires. Nous sommes fiers du chemin parcouru, de voir tant de lecteurs et lectrices nous rejoindre, des retours que nous recevons. Plus que jamais, il est clair qu’il y a de la place pour tout le monde, plus que jamais l’ego ne doit plus nous gouverner : faisons émerger l’humain, c’est l’antidote.

L.C.

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