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Municipales 2020 : scrutin maintenu, précautions sanitaires et rappel du « devoir » de vote dans les communes à une seule liste

Par Jérôme Bois • Publié le 09/03/20

Avec une alerte sur le point de passer en stade 3 en France, le « Covid-19 », autrement connu sous le nom de « coronavirus », la question du report du scrutin électoral s’est posée, au Ministère de l’Intérieur, en Préfecture, mais aussi et surtout dans les mairies, qui organisent de manière pratique, les élections. La porte-parole du gouvernement a néanmoins écarté cette probabilité qui aurait nécessité de prendre une loi spécifique. Toutefois, les mairies ont dû prendre des mesures pour assurer la sécurité dans les bureaux de vote, éviter la désaffection des assesseurs et rappeler, même dans les communes à liste unique, l’importance du « devoir de voter ». 

Mis à jour le 10.03.2020

Crédit photo AMF 

Maintien du scrutin électoral 

Si certains maires l’ont réclamé, le scrutin électoral est pour l’heure maintenu et il ne pourrait plus en être autrement sur le fondement de « la force majeure », liée à une situation de santé publique comme le prévoit l’article L 3131-1 du Code de Santé Publique, car décaler les élections au long terme, sur l’ensemble du territoire national supposerait voter un décret ministériel spécifique. « Si le report de l’intégralité des scrutins avait dû être décidé, il aurait fallu l’anticiper, notamment pour prolonger le mandat des élus en place », analyse Thibault Guigue, chargé d’enseignement en sociologie politique à l’Université de Savoie, « localement, il peut être décidé d’un report court d’une semaine ou plus mais un report long apparaît à présent inenvisageable. » La campagne, qui se termine avant le premier tour le vendredi 13 mars au soir, les comptes de campagne dans les communes de plus de 9 000 habitants, tout cela aurait donc dû être reporté, si tel avait été le choix du Ministère de l’Intérieur.

Le code de la santé publique dispose, en outre, qu’en cas « de menace sanitaire grave appelant des mesures d’urgence, notamment en cas de menace d’épidémie, le ministre chargé de la santé peut, par arrêté motivé, prescrire dans l’intérêt de la santé publique toute mesure proportionnée aux risques courus et appropriée aux circonstances de temps et de lieu afin de prévenir et de limiter les conséquences des menaces possibles sur la santé de la population. Le ministre peut habiliter le représentant de l’Etat territorialement compétent à prendre toutes les mesures d’application de ces dispositions, y compris des mesures individuelles. »  Pour l’heure, la situation sanitaire, localement en Savoie, ne semble pas correspondre à cet état d’urgence sanitaire, et aucun report local n’a été décidé.

Mesures spécifiques prises en amont dans quelques mairies pour assurer la sécurité sanitaire des bureaux de vote et désormais décidées par le Ministère



A la Préfecture de Savoie, il nous a été assuré que les maires seraient accompagnés pour que le scrutin se déroule dans les meilleures conditions possibles. Une réunion entre les associations des maires et les Ministres de la Santé et de l’Intérieur a eu lieu afin de déterminer quelles mesures devront être prises – si nécessaire et utile au cas par cas – dans les bureaux de vote. « Tout est étudié pour que la vie démocratique se poursuive », nous indiquent les services préfectoraux, « un rappel des » gestes barrière « sera bien entendu indiqué dans chaque bureau de vote. Il convient également de rappeler pour les personnes qui souhaiteraient voter mais n’oseraient pas se déplacer, ou ne le pourraient pas eu égard à leur état de santé fragile, qu’il est toujours possible d’utiliser une procuration, jusqu’à 48 heures avant le vote. »  Les informations émanant du Ministère de l’Intérieur, nous sont parvenues le 10 mars 2020 précisant que « dans le cas où un maire se trouverait dans l’incapacité ou refuserait de constituer des bureaux de vote dans sa commune, les préfets sont en droit de se substituer à eux, après mise en demeure, pour désigner des délégués chargés de superviser les opérations de vote. » 

Concernant l’aménagement des bureaux de votes à proprement parler, ils doivent être conçus de manière à éviter les situations de promiscuité prolongée, […]l’électeur devra pouvoir être maintenu à une distance suffisante de chaque personne dans les bureaux de vote, 1 mètre environ. « L’affiche des bons comportements émanant de Santé Publique France devra en outre être présente dans chaque bureau de vote, et un point d’eau devra être prévu, afin de se laver les mains à proximité ou a défaut mettre à disposition du gel hydro-alcoolique. » précise le communiqué de presse du Ministère. « une signalétique devra être mise en place dans chaque bureau de vote vers le point le plus proche pour se laver les mains » et préconise un « nettoyage particulièrement attentif des bureaux de vote avant et après chaque tour de scrutin, avec la recommandation d’utiliser des solutions nettoyantes à base d’eau de Javel. »
En attendant d’obtenir des indications précises par le Ministère, dans certaines mairies, les services s’étaient déjà mises au travail. « Au niveau de la sécurité sanitaire des bureaux de vote, les services techniques sont à pied d’oeuvre », nous a indiqué un élu du bassin Aixois, « des gels hydroalcooliques, des gants sont prévus pour les assesseurs, la désinfection régulière des isoloirs, des masques si nécessaires, les habitants peuvent nous faire confiance, nous ferons ce qu’il faut. » Car d’autres difficultés guettent en effet l’organisation de scrutins : la désaffection des assesseurs, bénévoles, souvent agents communaux, face au risque de contamination. « Il faut parfois les convaincre », nous confie un élu, « et nous aurons besoin de main d’oeuvre, pour chacun des tours, non seulement pour tenir les bureaux mais aussi pour les dépouillements, ce qui pose le plus de problèmes aux agents, et nous le comprenons parfaitement. »  Ainsi, si de part et d’autre de l’urne se trouvent des appréhensions compréhensibles, le département est encore au moment de la parution de cet article, l’un des moins impactés de l’hexagone, et les mesures qui seront prises seront des mesures de prévention et de précautions élémentaires.

Dans le chef-lieu du département voisin, à Annecy, un communiqué de presse a précisé que des personnes dédiées au nettoyage et à la désinfection des bureaux de vote seront présentes tout au long de la journée, et a également détaillé les dispositifs mis en place pour éviter tout risque de propagation. (cf photo ci-dessus)

Dans son communiqué, le Ministre de l’Intérieur Christophe Castaner, a tenu à indiquer, à propos de l’organisation proprement dite des opérations de vote « que le port de gants chirurgicaux n’est pas de nature à limiter la propagation du Covid19 et qu’il peut gêner le bon déroulement des opérations électorales, notamment du dépouillement , qu’il est nécessaire pour les responsables des bureaux de vote comme pour les électeurs de se laver très régulièrement les mains, ce qui reste le meilleur moyen de prévenir la propagation du Covid19, et recommande également dans les mairies utilisant les machines à voter » de laver les machines toutes les demi-heures « . Enfin, comme le proposait la Mairie d’Annecy  » il est recommandé aux électeurs de ramener leur propre stylo d’encre bleue ou noire indélébile pour émarger «

Outre l’épidémie, le risque d’abstention dans les communes à liste unique : les maires rappellent l’importance du « devoir » de vote


Bien entendu, la première des préoccupations n’est pas le nombre de voix dans l’urne mais la santé des habitants. Pour autant, et compte tenu de la situation savoyarde actuelle, la question de l’abstention se pose, particulièrement dans le contexte actuel, dans les communes où plusieurs listes s’affrontent.

La situation est encore différente dans les communes où une seule liste est en lice pour la mairie.  Réunis au Tremblay en conférence de presse, une semaine avant le premier tour, une quinzaine de maires du bassin chambérien ont souhaité rappeler que « rien n’était joué d’avance, et que ce n’est pas parce qu’il n’y a qu’une seule liste qu’il ne faut pas se déplacer ou faire voter pour les candidats. » Luc Berthoud, maire sortant de La Motte-Servolex et candidat à sa succession, n’a pas fait « semblant de faire campagne: nous avons sorti un programme, une profession de foi, nous avons organisé les élections et permis à chacun de déposer une liste s’il le souhaitait mais rien n’est venu. Ce n’est pas pour autant qu’il n’y a pas de démocratie, les gens sont appelés à exercer leur droit de vote, qu’il soit blanc ou en faveur de la seule liste, l’important c’est de venir voter ! » a-t-il tenu à rappeler. Il en est de même pour Florian Maître, candidat « adoubé » par l’emblématique maire de Grésy-sur-Aix, Robert Clerc, : « J’ai commencé la campagne beaucoup plus tôt que dans les autres communes, déposé mes tracts et programmes en boîte bien en avance, ainsi, si quelqu’un voulait se porter candidat, il avait toutes les informations me concernant à disposition. Mais personne ne s’est déclaré. » 

Cela a été le cas aussi pour Ruffieux, commune de moins de 1 000 habitants, ni liste ni candidat individuel face au maire sortant,  (comme la loi le permet, NDLR) et une liste qui n’a pas été facile à monter « Il s’agit de trouver des gens qui ont envie de venir, avec lesquels le courant passe car six ans c’est long », précise Olivier Rognard, le maire sortant. C’est une situation que connaissent de nombreux autres candidats en Chautagne, mais également à Challes-les-Eaux, comme l’indiquait Julien Donzel, adjoint à la culture du mandat de Josette Rémy, laquelle se représente à sa succession, sans adversaire pour la première fois dans cette commune, « sans doute est-ce parce que Josette Rémy est appréciée des habitants dans une ville qui a » un esprit village «, et qu’elle a su conduire une liste de rassemblement, puisque la minorité nous a rejoint sur la liste, en accord avec notre programme », souligne Julien Donzel, dont le nom figure sur l’unique liste challésienne. Nathalie Fontaine, première adjointe à Méry et candidate tête de liste pour un premier mandat rejoint ses collègues, quant à l’importance du vote, « surtout quand des gens se sont battus pour en obtenir le droit, et que le vote des femmes ne date que de 1944, » a-t-elle rappelé. « Il y a un droit de vote mais aussi un devoir de vote, et c’est aussi par respect pour ceux qui se présentent et proposent un projet pour la commune que de prendre 5 minutes pour se rendre service et élire les représentants de la démocratie, venez vous exprimer, c’est essentiel ! » 

Alors la crainte de la contamination écartée par des mesures spécifiques, la procuration, le lien de proximité entre les maires (sortants) et leurs administrés suffiront-ils à ne pas faire flamber le taux d’abstention ces 15 et 22 mars ? Christophe Pierreton, qui souhaite succéder à Catherine Chappuis à Barby, a confiance en ses administrés, « l’élection n’est pas moins intéressante parce qu’il n’y a qu’une seule liste, la commune a un rôle très important dans l’exercice de la démocratie », rejoint par Jean-Marc Drivet, maire sortant de Bourdeau, qui se représente à sa succession, qui insiste sur l’implication et le travail que cela implique au service de la commune. Là où d’autres communes n’ont pas de liste du tout, c’est d’une seule voix que ces candidats ont souhaité insister sur la nécessité pour les électeurs de se présenter aux urnes. Nous verrons le 15 au soir, les concernant, si le message est passé. 

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