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Approvisionnement, sécurité sanitaire, protection des clients et du personnel, comment s’organise la vie d’un supermarché ?

Par Laura Campisano • Publié le 03/04/20

Rappelons-nous, ces files de caddies avant le confinement, l’affolement quasi-général autour d’une hypothétique pénurie de denrées alimentaires, ces rayonnages pris d’assaut, ne permettant pas aux personnels hospitaliers ou aux personnes vulnérables de se fournir. Seuls les commerces alimentaires et indispensables restant ouverts au public, les supermarchés ont nécessairement dû s’adapter à la situation, de la sécurité des salariés et des clients, à l’approvisionnement, la gestion des stocks. Pour comprendre comment s’organisait la vie d’un supermarché, nous sommes allés à la rencontre de l’un des groupes de la distribution régionale, qui gère 41 magasins en Rhône-Alpes, afin qu’il nous éclaire sur les dispositions mises en place pour faire face à la crise.

La période particulière que nous vivons actuellement a mis en avant aussi, les salariés des moyennes et petites surfaces : mise en rayon de nuit, réception des palettes, nettoyage des surfaces plusieurs fois par jour, hôtesses de caisse dotées de gants, masques et protégées par des vitres de plexiglas, pour continuer à travailler mais aussi à gérer l’approvisionnement des français. Livrés tous les jours, voire tous les deux jours, encore sur certains départements de la région Rhône-Alpes en flux tendus, les magasins ont bénéficié dans une première phase, avant confinement, alors que les gens faisaient leurs stocks, de la logistique importante de leurs entrepôts. Ce qui a ensuite diminué progressivement, jusqu’à un retour à la normale, depuis quelques jours. Et pour ce faire, le groupe n’a pas dérogé à sa règle : faire des producteurs locaux ses premiers fournisseurs. Philippe Lefort, directeur de réseau des supermarchés Provencia, a accepté de nous expliquer de quelle manière s’est réorganisée la vie de son groupe. 

  • Mise en avant de nouveaux producteurs locaux dès l’annonce de fermeture des marchés

Déjà coutumiers du fait, puisque c’est sur cette philosophie que le groupe a fait sa renommée, les dirigeants du groupe ont décidé dès l’annonce de fermeture des marchés alimentaires, de contacter les mairies, pour obtenir la liste des producteurs locaux, se retrouvant du jour au lendemain sans activité.  « Nous travaillons déjà avec 450 fournisseurs locaux dans nos magasins, sur près de 3 000 produits », détaille Philippe Lefort, « nous avons donc contacté les mairies des communes dans lesquelles nous avons des magasins, pour leur demander les listes des fournisseurs locaux qui se trouvaient privées de marché, afin de leur proposer de travailler avec nous, tous n’ont pas répondu à l’appel, certains proposant des paniers garnis directement à leurs clients, mais nous avons dix producteurs sur des pommes, du fromage, qui s’ajoutent à nos fournisseurs habituels. Nous avons été les premiers à le faire, cela nous semblait important. » a-t-il précisé. 

L’objectif annoncé par le groupe étant de favoriser les produits d’origine française, certains produits sont de facto en rupture, faute de main d’oeuvre pour récolter les produits, « c’est notamment le cas des fraises, nous voulons vraiment favoriser les produits français mais si personne ne peut les ramasser, c’est assez compliqué. » D’autant que cela concerne aussi d’autres produits, dans les denrées dites « sèches », que des fournisseurs ont cesser de produire, « cela donne 20% de rupture sur les denrées non périssables, comme les pâtes à tartes, où moins de gammes sont produites, et la farine qui reste le seul produit en rupture »,  souligne Philippe Lefort, « en dehors de cela, nous avons ce qu’il faut à 80% en magasin, dans des conditions de livraison normales. » 

  • Approvisionnement et de sécurité sanitaire des magasins

L’approvisionnement de certains magasins se faisait déjà la nuit mais cela s’est généralisé avec la crise sanitaire. « Pour éviter toute propagation éventuelle du virus entre les salariés et les routiers qui viennent décharger leur marchandise, nous faisons en sorte qu’ils ne se croisent pas, reprend le directeur, il y a tout un protocole, pour qu’ils déchargent leurs palettes, et que nous signions le bon de commande ensuite sans contact entre eux. De même, concernant les fournisseurs locaux, il n’y a plus d’intermédiaire, nous avons interdit aux commerciaux de se déplacer. »  Le remplissage des rayons se fait également la nuit, avec des horaires adaptés à la demande des salariés, deux mètres d’écart laissés entre chacun d’eux. « En tous les cas, il n’y a aucun problème d’acheminement des denrées alimentaires, nous sommes revenus à un flux normale, d’une semaine normale, à quelques références près, nous avons de quoi alimenter tout le monde. » rassure le directeur de réseau.

Quant à la sécurité sanitaire des magasins, le nettoyage des lieux a été doublé voire triplé. Comme nous pouvons le constater dans les points de vente, des vitres ont été placées au niveau des caisses, les hôtes ont été équipées de gants et de masques « tardivement, car nous n’étions pas des professions prioritaires » précise Philippe Lefort « mais nous avons tout de même réussi à en obtenir, dans un second temps, nous avons également mis à disposition de nos clients des gants, du gel hydroalcoolique est mis à disposition, nous avons aussi fermé certains rayons traditionnels, nous nous efforçons de faire le maximum pour que tout soit respecté dans les règles strictes préconisées. » Mais nous l’avons aussi vécu nous-mêmes, les clients ne sont pas toujours très réceptifs, « c’est vrai qu’il y a encore des récalcitrants, à 8h du matin, il y a une file d’attente devant le magasin, ce sont les habitués. Mais globalement les gens respectent les protocoles, ils sont reconnaissants du travail que nous avons mis en place. » tempère Philippe Lefort. 

  • Horaires adaptés pour les personnels soignants et les personnes fragiles avant l’ouverture des magasins 

Et pour cause, deux files bien distinctes ont été mises en place devant les magasins, les entrées et les sorties se faisant scrupuleusement par l’une ou l’autre porte, de façon à ce que nul ne se croise. Et avant l’ouverture du magasin, entre 7h30 et 8h, le personnel soignant est prioritaire pour les achats « toute personne ayant une carte médicale est prioritaire dans le magasin, le personnel soignant hospitalier, mais également les personnes plus fragiles. » 

  • Protection des salariés, horaires aménagés et prime

Contre toute attente, le jour d’affluence en temps « normal », le samedi, est désormais désert. Avec la fermeture des frontières, les magasins frontaliers ont perdu 50% de leur flux et les magasins saisonniers, eux ont dû totalement fermer, ce qui a eu un impact forcément négatif sur l’activité du groupe Provencia. Et face à cela, la direction a dû réagir vite, en s’adaptant à ces situations particulières : chômage partiel pour certains avec la perte des primes, et des avantages, tels que les chèques restauration par exemple, voire horaires décalés en raison de la garde des enfants, privés d’école. Une vraie solidarité au sein du personnel s’est donc instaurée: les salariés du siège, divisent leur temps entre télétravail et présence sur site, « ce sont eux qui l’ont demandé et cela réconforte beaucoup nos salariés », précise Philippe Lefort, « ils ne sont pas habitués mais viennent donner un coup de main sur place, imaginez bien que sur 67 millions de français, aujourd’hui, ils mangent presque tous chez eux. Là où précédemment, 20 millions d’entre eux mangeaient à la cantine et 15 millions environ mangeaient au bureau, aujourd’hui, ils prennent tous leurs repas chez eux, se remettent à cuisiner etc. Mais cette situation va être terrible en avril, au chômage partiel les salariés ne sont indemnisés qu’à 85% de leur salaire, ça va engendrer une grande misère sociale, c’est pourquoi nous avons décidé de verser une prime à tous nos salariés », conclut-il, « nous leur annoncerons les jours prochains. » Un moyen pour soulager et récompenser un personnel, quoiqu’il en soit, aussi, en première ligne.

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