Chambéry / Aix-les-Bains : la réouverture programmée des bureaux de poste fait bondir les syndicats

A compter du lundi 20 avril, plusieurs nouveaux bureaux de poste vont rouvrir, sur les deux bassins, afin de mieux répondre aux besoins des territoires et des usagers. Un retour progressif au travail qui n’a pas manqué d’alerter les organisations syndicales, par ailleurs pas toutes sur la même longueur d’onde alors que 15 bureaux vont rouvrir leurs portes dans les deux prochaines semaines.
C’est une petite phrase qui n’est pas passée inaperçue, dans le petit monde des postiers. Prononcée par Philippe Wahl, le grand patron de la Poste, sur Europe 1, jeudi 9 avril, elle a ajouté un surcroît de tension dans une période où les esprits sont déjà bien chauds. « Même au milieu de la période de Noël », lançait le président en guise de conclusion, « nous n’avons jamais fait autant de réceptions de ces colis par les boîtes aux lettres des gens » , ajoutant qu’il s’agissait « d’un record à battre ». Pour les syndicats, des propos irresponsables. « Il devrait en avoir honte » , s’est insurgé François Marchive, de Sud PTT Isère Savoie, alors que selon lui, les missions prioritaires « n’ont toujours pas été définies ». Sud avait du reste assigné la direction de la Poste, le 25 mars dernier afin de l’obliger à évaluer les risques professionnels liés à l’épidémie de Covid-19 et à « définir les missions prioritaires ». Ce que le tribunal judiciaire de Paris a ordonné dans son ordonnance de référés, le 3 avril. « On met en danger des familles, des usagers, des postiers en même temps qu’on continue de livrer des conneries et d’effectuer des opérations commerciales, ce qui ne nous semble pas du tout prioritaire » , soutient François Marchive. Ces petits colis, tant vantés par le président de la Poste, n’étaient donc pas l’argument à mettre en valeur pour signifier la bonne santé du service, selon Sud.

Des syndicats en ordre dispersé

Cependant, le syndicat n’est pas opposé à la reprise du travail, alors que la direction de la Poste a annoncé vouloir rouvrir un certain nombre de bureaux de proximité. « Nous sommes attachés au maintien du service public » , diront-ils alors que parallèlement, Force ouvrière ne veut toujours pas en entendre parler. « La pression du gouvernement et des élus ayant fait son chemin auprès du président de la Poste, il est prévu que 5 000 bureaux soient rouverts à fin avril, soient environ 3 150 supplémentaires par rapport à aujourd’hui au national » , a exprimé Force ouvrière COM 73, à travers un communiqué diffusé le 14 avril dernier. « On nous met en danger, en rouvrant des bureaux de poste, la gestion des files d’attente va être compliquée mais la direction passe outre » , se désole Nathalie Robbesyn, déléguée syndicale FO COM 73. Et là-dessus s’ajoute l’argument déjà usité par ses camarades de Sud, « les gens s’apprêtent à faire la queue pour des opérations qui ne sont pas de première nécessité ».  Il faut donc déjà définir quelles sont ces fameuses opérations prioritaires, « pour nous, il s’agit des retraits d’argent pour les personnes qui n’ont pas de carte de retrait. Les envois de colis et la vente en ligne, non, ce ne le sont pas » , souligne-t-elle. Nathalie Robbesyn n’exclut alors pas que les agents « utilisent leur droit de retrait », alors que deux bureaux supplémentaires ouvriront en Savoie, lundi 20 avril (Les Arcs et Barberaz)*, 13 autres, le 27**. « Au Viviers, il n’y aura qu’une personne, ce sera ingérable alors qu’Aix n’est qu’à 5km. Est-ce nécessaire? » s’interroge la déléguée. 

1 bureau pour 60 000 personnes à Chambéry !

Dans un courrier envoyé au Préfet de Savoie, Louis Laugier, le 10 avril, FO COM 73 insistait sur ces opérations non prioritaires : « Devons-nous acheminer des cartes d’anniversaire, de fête, certes pleines de bonnes intentions mais non essentielles ? Idem pour les renvois, les colis de chaussures ou de chocolats de Pâques. N’oublions pas que l’envoi d’une lettre nécessite la mobilisation de nombreux acteurs de la chaîne postale (…) La Poste va-t-elle sauver des vies en faisant cela ou au contraire en mettre en danger ? » Dans ce courrier, FO dénonçait la « précipitation de la direction de la Poste » et réclamait l’intervention du Préfet auprès du gouvernement « pour qu’il n’y ait pas plus d’ouverture de bureaux de poste en Savoie qu’à ce jour, en ce qui concerne la branche Réseau et banque postale ». Quant à l’autre branche, Service, courriers et colis, Force ouvrière demandait « à faire cesser tout le trafic n’étant pas de première nécessité ». Lettre restée sans réponse, à ce jour. Du côté de Chambéry, on se félicite plutôt de ces ouvertures alors qu’un seul bureau demeurait ouvert « pour 60 000 personnes » , nous rappelle Guy Fajeau, conseiller municipal de la minorité Chambéry Cap à Gauche, qui appelait depuis plusieurs jours à plus de bureaux ouverts, notamment sur les Hauts : « Il n’y a pas eu d’ouverture lors de la période de versement des prestations sociales (dans la nuit du 3 avril, NDLR) », s’est-il insurgé, « alors oui, pour une fois, je suis en désaccord avec certains organismes syndicaux, il est nécessaire de s’adapter aux besoins et aux populations ». L’élu préconisait ainsi la gestion « au cas par cas ». Il a été entendu.  Jeudi 16 avril, la commission départementale de présence postale territoriale s’est réunie afin de dresser la liste des bureaux prioritaires (lire ci-dessous) et les grands principes ont été ré-exprimés : « Déjà, il faut avertir les usagers que chaque déplacement doit être nécessaire parce qu’un chargé de clientèle ne peut pas se positionner en tant que moralisateur et dire ce qui relève du besoin vital et ce qui n’en est pas » , suggère la direction du Pôle régional Auvergne Rhône-Alpes. « Nous incitons les gens à utiliser les services en ligne, il est tout à fait possible d’expédier des colis sans bouger de chez soi ». Enfin, la direction souhaite tordre le cou à une idée reçue, si les enseignes de vente en ligne sont désormais contraintes***, « nous, nous ne préparons pas les colis, nous ne savons pas ce qu’ils contiennent, nous ne pouvons donc que sensibiliser les gens » bien que la priorité affirmée reste « la prestation sociale ». Pour rappel, la banque postale compte, parmi sa clientèle, un million et demi de bénéficiaires de prestations sociales. C’est donc un appel « au civisme » que la Poste adresse à ses usagers, à défaut de pouvoir définir réellement ce qu’est un service prioritaire.

Quelles mesures pour les usagers et les agents ?

Les réouvertures ne s’opèrent pas, malgré tout, dans la sérénité, car l’opérateur se heurte à quelques écueils, en dehors de la pression de certains élus : « Nous rouvrons en fonction des ressources humaines disponibles car depuis les annonces du confinement, beaucoup d’agents sont à domicile avec leurs enfants. Par ailleurs, il faut que le bureau susceptible d’accueillir du public soit assez gros pour la bonne mise en place des gestes barrière**** ». Enfin, le maillage du territoire est essentiel afin de subvenir à tous les besoins. C’est pourquoi, dans le Nord Isère, si Bourgoin-Jallieu, l’Isle d’Abeau et Vienne ont pu ouvrir, Saint-Quentin-Fallavier n’a pas compté parmi les heureux élus. En zone rurale, compte tenu de la faible fréquentation, les ouvertures s’effectuent plus facilement. Là où les organisations syndicales pestent du manque de dialogue avec la direction – « les décisions nous parviennent comme des couperets » , relevait François Marchive -, la Poste a précisé qu’en Savoie, 12 comités d’hygiène, de sécurité et des conditions de travail (CHSCT) s’étaient tenus, depuis le début du confinement, mardi 17 mars. Les syndicats reçoivent en outre une information quotidienne, « le dialogue est permanent, les postiers sont même assez fiers de compter parmi les opérateurs vitaux. Pour les prestations sociales, nous étions en tension, nous avons répondu à toutes les demandes » s’est félicitée la direction du Pôle régional.  Pas sûr, cependant, que ce satisfecit soit partagé par tous.

Pour connaître les bureaux ouverts : https://www.laposte.fr/particulier/bureaux-de-poste
* Jusqu’alors étaient ouverts les bureaux d’Aix-les-Bains Victoria, d’Albertville, de Bourg-Saint-Maurice, de Chambéry Verney, de Montmélian, de La Motte-Servolex, de Moûtiers Tarentaise, de Pont-de-Beauvoisin Isère et de Saint-Jean-de-Maurienne, depuis le début du confinement. Se sont ajoutés, depuis le lundi 6 avril les bureaux de Chindrieux, Pont-de-Beauvoisin la Baronnie, le Châtelard, Lescheraines, Beaufort, Saint-Hélène-sur-Isère, Tignes le Lac, Val d’Isère, La Ravoire, Bessans et Modane.
** Lundi 27 avril : Viviers-du-Lac, le-Bourget-du-Lac, les Echelles, Saint-Pierre d’Entremont, Albens, Ugine, Aime, Chambéry-le-Haut, Aiguebelle, Saint-Pierre-d’Albigny, Brides-les-Bains, la Chambre et Saint-Michel-de-Maurienne.
*** Amazon avait été sommée par le tribunal judiciaire de Nanterre de cesser toute livraison de produits non essentiels, mardi 14 avril. L’entreprise a, depuis, cette annonce, suspendu ses activités.
**** Dans les grands bureaux de poste : les postiers travailleront en brigade, afin de limiter le nombre d’employés dans le même espace de travail. Des masques leur seront par ailleurs livrés, un plexiglas sera apposé entre l’agent et le client. Dans les petits bureaux, l’agent n’autorisera l’entrée que d’une personne à la fois via la gestion à distance des portes automatiques.