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De la galère à ses premiers succès, les 100 vies de l’humoriste aixois Sébastien Molina

Par Jérôme Bois • Publié le 11/04/20

Le 5 septembre prochain, l’humoriste aixois Sébastien Molina, se produira sur la scène du théâtre du casino, après que la représentation de « Ça fait du bien » du 14 mars a été reportée pour les raisons que l’on sait. Une première depuis dix ans, pour ce galérien de près de 45 ans, passé par toutes les émotions ainsi que par tous les chemins avant de parvenir à toucher son Graal. Évoluer sur scène est la récompense de sa persévérance. 
Si la vie était vraiment un long fleuve tranquille, nous serions tous des Groseille, à regarder passer les trains, le regard bovin et l’espoir asséché par l’absence d’ambition. Heureusement, la vie nous rappelle tous les jours à nos devoirs : ne rien lâcher, saisir les opportunités et de l’audace, toujours de l’audace, sacré bon Dieu ! Sébastien l’a bien compris. Le tortueux sentier emprunté pour parvenir à ses fins a été une succession d’insuccès, de chausse-trappes, de faux espoirs et de vrais changements de cap. Pourtant, ado, Sébastien savait déjà ce qu’il voulait, il en « rêvait même la nuit » , de cette fichue scène. Dès l’âge de 13 ans, il se glisse au sein d’une petite compagnie de théâtre de Trévignin, ce qui n’a pas manqué d’alimenter un paradoxe, chez lui, « je n’ai pas vraiment aimé le théâtre à l’école, ça ne m’attirait pas. Peut-être n’ai-je pas pu bénéficier d’une approche idéale, je ne sais pas ». 

« J’étais fier »

Fan de la première heure de Louis de Funès, nourri aux troubadours des années 80, ceux qui règnent encore sur leur fauteuil de magistère, il n’en doute pas, « je trouve plus jouissif de faire rire que de faire chialer ». Heureusement, au théâtre, il découvre des pièces sur lesquelles les gens se marrent. Ainsi, sa première expérience de la scène se déroulera au palais des Congrès d’Aix-les-Bains, devant 1 200 personnes. « J’étais alors au collège Lamartine, on a écrit notre sketch, très pourri, je dois dire, mais l’expérience de monter sur scène a été une révélation, j’avais envie d’aller plus loin ». Au sein de cette petite compagnie , il joue dans le Bossu, Jacquou le croquant et se coltine quelques petits rôles qui ne le laissent pas de marbre. « J’ai joué, dans le Bossu, le rôle de Passepoil, un rôle comique. C’était en 1989 et un article du Dauphiné, signé Jean Nonglaton, avait relaté cette représentation ». En des termes dithyrambiques pour Sébastien « qui s ‘est emparé du rôle de Passepoil » , écrivit alors le journaliste. « J’étais fier » , sourit encore Sébastien. Ni une ni deux, piqué au vif, le jeune Sébastien Molina crée sa compagnie de théâtre, « les 3 coups » et revisite des pièces sacrées, comme « le père Noël est une ordure » ou « Tout baigne » de Pascal Elbé. Le paradoxe est qu’il aura commencé par faire du théâtre avant de prendre des cours, on y reviendra.

« Ma bonne étoile a perdu le Nord », sur la scène du Palais des Glaces, en 2013.
Tout cela nous rapproche du one man show, certes, pas encore assez près cependant. 2001, il faut gagner sa vie tout en alimentant sa passion : « Si tu veux y arriver, tu es obligé de plonger dedans et d’être disponible » car les opportunités n’existent que pour ceux qui savent les saisir. 

De petits jobs en grosses désillusions

Après avoir travaillé un temps dans l’entreprise de son père, un dépôt de bilan met Sébastien dans l’embarras financier, une situation qui ne le quittera plus pendant plusieurs années. Il enchaîne les petits boulots jusqu’au jour où un ami musicien l’invite à faire le grand saut. Voici comment Sébastien se retrouve à Paris, logé chez des amis durant deux mois. « J’avais une vision un peu provinciale de Paris, je me disais que si tu parviens à y être, c’est que tu es une vedette. Ben c’est pas ça » , se marre l’humoriste. Car non, les nuits parisiennes n’invitent pas à voir si l’amour bat son plein. Ou si Lucien, il a perdu son chagrin… « J’ai passé des auditions, j’ai assisté à des scènes ouvertes, je trouve des petits jobs » , il trouvera à se loger « dans un truc glauque » où il végétera cinq longues années, la vie, quoi.  « Seb » se retrouve agent immobilier, expérience peu affriolante pour lui mais qui lui donnera des idées de sketchs tant la faune rencontrée lors des visites valait son pesant d’or. Paris, c’est aussi les belles dorures et les fausses promesses. Lorsqu’il fait la connaissance d’une productrice québécoise, il se met pourtant à croire en son étoile. « Elle a envoyé l’une de mes VHS à Montréal, 10 jours plus tard, là voilà qui me recontacte, ils sont fans. Derrière, ça va loin, jusqu’au total relooking, elle me trouve des salles de répétition prestigieuses, faubourg Saint-Honoré ». Son contrat est signé, il abandonne l’immobilier et se concentre, sur les conseils de son Pygmalion sur le spectacle. Hélas, l’affaire se terminera au tribunal puisque jamais Sébastien ne touchera le moindre sou vaillant. Un petit tour par le télémarketing s’impose, lui fait ses classes, tente, via une télévision locale, un nouveau pari qui s’effondrera aussi vite qu’il avait démarré. Formateur en technique de vente, Sébastien séduit, grâce, évidemment, à son humour. Malgré tout, il reste loin de la vie qu’il s’était imaginé.

Avec Olivier Belmondo, Julie Desiato et Laetitia Bisch.

Le déclic Louvin


C’est sa rencontre avec Gérard Louvin qui marquera un véritable tournant. Créateur, entre autres, d’Etoile casting, un site dédié, Sébastien s’inscrit et gagne, contre toute attente, une année de cours de théâtre avec Olivier Belmondo, neveu du maître, « une expérience incroyable » qui se prolongera un an de plus. Parallèlement, un ami lui cède son rôle dans un pastiche des « Hommes viennent de mars, les femmes de Vénus » et il s’associe à Jean-Marc Ferreol, patron du Grenier dîner spectacles. « Le cabaret (les scènes ouvertes, NDLR), c’est une école de malades, dans le public, certains s’en foutent, d’autres se lèvent pour pisser… quand tu parviens à jouer dans ces conditions, derrière, tu peux jouer partout ». Dans la foulée, il écrit, inlassablement, met en scène, avec Olivier Belmondo la pièce « Ma bonne étoile a perdu le Nord », en 2013, qui n’attirera pas seulement le public mais aussi des personnalités, comme Francis Lalanne, Jean-Pierre Mocky, Michel Galabru ou encore Patrick Sébastien, qui aura pesé de tout son poids pour vendre la pièce au-delà des frontières parisiennes. « Je lui avais écrit, étant gamin, à l’époque de » Sébastien c’est fou « : je lui demandais comment faire pour devenir artiste. Lorsque je le rencontre pour la première fois, je lui parle de cette lettre ; il me dit » j’ai dû te répondre de ne pas lâcher la proie pour l’ombre «. C’était exactement ça ». Volubile à l’extrême, Sébastien Molina connaît ce parcours dans les moindres détails : il a gardé en tête toutes ces aventures, ces échecs, ces déceptions qui forgent autant qu’elles érodent la volonté des plus braves. « La magie, dans le spectacle, c’est qu’il n’y a pas de recettes. On fait des expériences uniques, on rencontre de tout, des gens biens, des mythos incroyables… C’est le show business… Je pourrais écrire des bouquins entiers sur les faux producteurs qu’on a croisés, avec Olivier… » 
« Ça fait du bien », le spectacle de Sébastien, est la somme de tout cela, une partition écrite avec Terry Cometti, Jean-Marc Ferreol et Vincent Leroy, un show dans lequel l’humoriste se travestit, tantôt en narcoleptique, tantôt en mamie… « Il y a beaucoup de personnages, j’ai toujours aimé incarner. Le stand up, c’est facile si tu as la bonne vanne et le sens de la rupture. Incarner, c’est mouiller la chemise ».  Dix ans après, Aix-les-Bains reverra son enfant jouer pour lui mais aussi pour son père, décédé en 2016, dont le rêve était de voir son fils revenir évoluer sur ses terres. Propriétaire depuis deux ans du Grenier dîner spectacle, il s’est même mis en tête d’aider les jeunes artistes en les lançant et, surtout, en les payant. « Y’a tellement de profiteurs, dans ce petit monde » … Sébastien Molina n’a plus à les craindre, eux comme les lendemains, le voici dans la place, en tête d’affiche avec l’espoir d’une tournée derrière… Loin des galères.
« Ça fait du bien », le 5 septembre au théâtre du casino Grand-Cercle, à 20h30. Tarif : à partir de 22 euros. Pour une place achetée, une place offerte pour fêter la fin du confinement ! ! ! Et le spectacle sera capté pour l’occasion.

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