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Interdiction des marchés : le gouvernement était-il allé trop vite ?

Par Jérôme Bois • Publié le 09/04/20

Lorsque le 23 mars, Edouard Philippe avait annoncé la fermeture des marchés ouverts, il ajoutait à cette mesure un principe d’exception, « sur avis des maires » et à l’appréciation des Préfets. Cette décision, brute, prise parce que les gens se tenaient trop près les uns des autres sur les étals, avait fait jaser dans les chaumières, tandis que les supermarchés, eux, restaient ouverts et sans restriction aucune. Depuis, dans l’ensemble, la grande majorité des marchés de plein vent ont bénéficié d’une dérogation dans la semaine a qui a suivi.

Le marché de La Ravoire a rouvert, mercredi 8 avril.
C’était un mardi, le 24 mars, lendemain de la prise de parole du premier ministre Edouard Philippe qui marquait une étape supplémentaire de franchie dans le renforcement du confinement : sorties limitées à une heure, confinement prolongé jusqu’au 15 avril et fermeture des marchés. Une incompréhension pour la population, puisque les supermarchés, eux, restaient ouverts. Ce mardi-là, donc, à Saint-Alban-Leysse, le marché était ouvert. Le maire se serait-il montré un brin frondeur ? « Les gens n’ont pas été prévenus à temps, il était compliqué d’interdire le marché si brutalement » , nous a expliqué Michel Dyen. Certes le marché de Saint-Alban, ce sont quatre étaliers, guère plus, suffisant toutefois pour plaider le manque de temps voire « l’inertie ». L’interdiction était certes générale mais effectivement, Edouard Philippe avait évoqué ces dérogations à l’appréciation du Préfet. « Nous avions donc pris ce parti dès le départ et avons fait part de notre demande au Préfet » Louis Laugier. Face à son refus, pris de court, Michel Dyen n’a pu cependant se résoudre à interdire la tenue du marché, « j’ai donc pris la décision de laisser faire, en y ajoutant des précautions sur la mise en place, les distances, des barrières, etc. » Avant de réitérer une demande de dérogation, obtenue cette fois-ci, quelques jours plus tard.

« Ils ont tapé trop vite et trop fort »

Le marché de Chambéry a dû se conformer aux préconisations du Préfet
A Barby, on a admis que cette interdiction avait été « nécessaire, parce que tous les marchés n’étaient pas agencés. Cette interdiction était sans doute même indispensable pour que tout le monde se mette à jour » , analyse Didier Fantin, adjoint en charge du commerce, notamment. « C’est du bon sens car nous avons tous été choqués par ces images des marchés parisiens bondés, ça ne pouvait pas durer ainsi. La fermeture a permis de poser les conditions ». Des conditions drastiques qui, une fois assumées, ont offert aux marchés chambériens de rouvrir : « Sur le dernier marché d’il y a trois semaines, avant réouverture, des mesures avaient déjà été prises ; espacement, marquage au sol, etc. A Chambéry-le-Haut, le dimanche, nous avions eu beaucoup plus de mal à faire appliquer les règles » , se souvient Michel Dantin. C’est pourquoi cette interdiction gouvernementale avait du sens, selon lui, à une nuance près : « Ils ont tapé trop fort, trop vite. Il fallait laisser la main aux préfets ». Satisfait aujourd’hui, le maire de Chambéry a vu son marché place de Genève suivre une direction originale, avec les commerçants divisés en deux groupes, l’un le vendredi matin, l’autre le samedi matin, en alternance. Quant aux gestes barrières, ils sont draconiens : « Nous nous sommes engagés à désinfecter les emplacements avant et après les marchés, nous l’avons clôturé, les contrôles de dérogations sont stricts, nous avons mis des flacons de gel hydroalcoolique à l’entrée, les gens ont interdiction de toucher aux marchandises et la capacité du marché est limitée à 100 personnes. Je remercie d’ailleurs le Préfet pour son aide ».
Les halles d’Aix-les-Bains ont ouvert dès le 28 mars
En définitive, « il valait mieux rouvrir les marchés, même si certains producteurs ont pu faire des livraisons à domicile » , soutient Didier Fantin. « Au départ, le constat est que sur les marchés, il se passait n’importe quoi. Lorsque nous avons refait notre demande de dérogation, la règle s’est assouplie, elle a été acceptée » , souligne Michel Dyen.

« Les fermetures ont montré que certains ne pouvaient pas se rendre en supermarché »

Ainsi, en quelques jours, l’ensemble des marchés de plein air des bassins chambérien et aixois ont pu rouvrir, à quelques exceptions près : « Dans l’ordre, nous avons d’abord interdit les marchés puis, au fur et à mesure et au cas par cas, nous avons étudié les demandes de dérogations. On en a satisfait un grand nombre parce que les maires ont su mettre en avant le besoin avéré » , rembobine Pierre Molager, secrétaire général de la Préfecture de Savoie. « En effet, les premières fermetures ont démontré que les gens n’avaient pas tous les moyens de se rendre en supermarché, que certains produits n’étaient pas disponibles facilement ». Si cette condition ainsi que la bonne mise en place des gestes barrières étaient réunies, alors les interdictions étaient levées, assure-t-il. « Ceux qui n’ont pas été capables d’assurer ces deux conditions n’ont pas rouvert. Du reste, je crois savoir que les maires concernés n’ont même pas fait de demande. Dans tous les cas, tout s’est fait de façon très saine, il n’y a pas eu de flou autour de cette mesure du gouvernement » , conclut Pierre Molager.

Le 30 mars, soit une semaine après l’interdiction formulée par le premier ministre, La Motte-ServolexSaint-Alban-LeysseChindrieuxNovalaiseLes MarchesLes Échelles, Lescheraines, Saint-Jean-d’Arvey et La Bridoire avaient été les premières communes à obtenir une dérogation. Dès le lendemain, Cognin, Entrelacs, La Ravoire et Aiguebelle ont suivi et le 1er avril, se sont ajoutées les communes de Nances, Barberaz,  Barby, Challes et Saint-Ours. 
Par ailleurs, les halles d’Aix-les-Bains avaient pu rouvrir leurs portes assez vite, dès le samedi 28 mars alors que celles de Chambéry avaient été autorisées à demeurer ouvertes au public, non sans de grosses restrictions d’accès.


Schéma de configuration des lieux et d’organisation géographique d’un marché.

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