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Les « confinés privilégiés » de la Chapelle-du-Mont-du-Chat

Par Jérôme Bois • Publié le 24/04/20

Au pays des petites communes, celle située au sommet du massif de l’Épine, sous le col du Chat, avec ses quelque 250 habitants, jouit d’un cadre idéal pour vivre un confinement forcé. La vie ne s’est pas arrêtée, bien au contraire, les dossiers suivent leur cours et la passation de témoin entre Nicole Falcetta, toujours maire, et son premier adjoint, Bruno Morin, se fait « tout en souplesse ». Le confinement ? Pas un problème !

Petit village perché, au-dessus du lac du Bourget. (@Xtian)

Nicole Falcetta prendra du recul à l’issue du confinement, au profit de son 1er adjoint, Bruno Morin (@L. Vulliermet)

Une passation de raison

Politiquement, après les deux mandats de Nicole Falcetta, retraitée au moment d’entamer sa première mandature, c’est Bruno Morin, son premier adjoint, qui reprendra les rênes, une fois que la date du conseil municipal d’intronisation sera actée (lire notre article du 25 mars). La liste, ouverte, « consensuelle » , de 11 membres est passée, malgré 55,79% d’abstention (soit 84 votants seulement sur 190 inscrits). « J’ai souhaité que Bruno Morin soit tête de liste » , résume Nicole Falcetta, « j’ai fait deux mandats, j’ai maintenant 75 ans, j’ai besoin de me poser ». Contrainte de demeurer maire, elle a déjà fait passer quelques dossiers sur le bureau de son adjoint, « officieusement » cependant. « Nous travaillions déjà beaucoup ensemble, son élection était conditionnée et on assure de fait une forme de continuité politique. Quant à moi, je serai candidate pour les délégations de l’action sociale, de la communication et de la culture ». « Les liens sont forts » , confirme Bruno Morin, « les choses se font en souplesse dans un contexte aux enjeux forts, où nous devons conduire de gros chantiers (lire ci-après). Et puis Nicole est une personne qu’il ne faut plus trop l’exposer. Cette passation s’est faite en parfaite intelligence ». Alors certes, ces élections n’ont pas été, comme partout ailleurs, un succès public et politique et la maire admet que « le gouvernement aurait pu mieux anticiper les choses ». Mais le temps n’est plus à la réflexion puisqu’un virus est, entre-temps, passé par là.

Le gros investissement du mandat à l’arrêt

Et quel virus ! Contraignant tout un pays, occasionnant des limitations en tout genre, entraînant des sanctions, si nécessaire… « A la Chapelle, l’accueil de la mairie est fermé mais notre secrétaire continue de travailler sur les affaires courantes. Les dossiers d’urbanisme, parmi les plus urgents, sont traités soit par mail soit par courrier, Grand Lac, qui en a l’instruction, a une équipe mobilisée pour » , explique Nicole Falcetta. Un urbanisme étroitement surveillé du fait de la loi Littoral, très restrictive.

Le restaurant « Le coin du Bois », lorsqu’il était encore ouvert.
Le gros sujet, pour cette petite commune, demeure les travaux du restaurant « Le coin du bois », censé lui donner un nouvel élan touristique, « au terme de plus de dix ans de volonté municipale » , rembobine Bruno Morin. En échange d’un gros million d’euros (incluant l’étude, la réalisation et l’équipement), le bâtiment a été totalement réhabilité. Sauf qu’à quelques encablures du clap de fin, le Covid-19 a tout fait bloquer. « Ce bar-restaurant doit être doté d’un espace multi-services où les produits locaux seront valorisés, et bénéficiera d’un belvédère public sur son toit. Les travaux devaient se terminer en février » …  puis avril… « Ils vont reprendre » , promet Bruno Morin, « mais ça se fera par entreprise, à effectif réduit ». Ce restaurant est la figure de proue du projet municipal, pour lequel la commune a mis le tiers sur la table, le reste du financement étant partagé entre Grand Lac, la Région et… la réserve parlementaire du sénateur Jean-Pierre Vial. « On craint un nouveau retard qui serait vraiment très préjudiciable même si je n’ai aucun doute sur le succès de l’affaire » , tempère Nicole Falcetta. Propriétaire des murs, la commune a mis l’établissement en gérance. Une ouverture pour l’été est ardemment souhaitée, c’est peu de le dire.

« Il est bien moins contraignant de vivre le confinement ici qu’ailleurs »

Les chemins de randonnées, si prisés, sont une source de mécontentement aujourd’hui.
Sauf que, confinement oblige, il n’y a pas que les grands chantiers qui se trouvent bloqués mais les habitants, aussi. La commune se compose de sept petits hameaux, sans véritable centre-bourg, la maire s’est donc fendue d’un courrier envoyé à tous les habitants en plus d’une information sur son site internet. Sur le quotidien, « on ne manque de rien » , reconnaît Bruno Morin, « les gens se sont mis à l’écart d’eux-mêmes, il est bien moins contraignant de vivre le confinement à la Chapelle que dans une plus grosse commune ». Les habitants se sont mobilisés, via la création d’un groupe Whatsapp : échange d’infos, entraide, une vingtaine de familles s’est mise au diapason. « Ce groupe existait déjà avant la crise » , résume Jodie Morin, une habitante du village, membre du comité des fêtes d’ordinaire si dynamique et en sommeil depuis un mois, « je l’avais créé pour le covoiturage. Et puis les demandes ont commencé à tourner autour de l’entraide, principalement pour les courses, le pain, et les produits de première nécessité ». Le Centre communal d’action sociale (CCAS) a, quant à lui, recensé les personnes en détresse, « il n’y en a pas » , se félicite Nicole Falcetta, « les familles sont autonomes et l’organisation entre voisins existe. Nous sommes des confinés privilégiés ». Un autre groupe s’est aussi mis en place afin de confectionner des gâteaux en faveur du personnel du centre hospitalier d’Aix-les-Bains. « Nous avons une aide-soignante qui vit au village, depuis une semaine, 4 ou 5 personnes se sont mises à confectionner des pâtisseries, du salé, pour le personnel de l’hôpital et des Ehpad et c’est cette personne qui fait le lien. Une deuxième fournée va y être acheminée ce weekend » , explique Jodie Morin. La solidarité est un cri qui vient de l’intérieur, pourrait-on dire.
Un détail persiste, « nous ne comprenons pas l’interdiction faite aux personnes de se promener dans les bois*. Des gens ont déjà été verbalisés, les gendarmes guettent aux entrées des chemins de randonnée, c’est un flicage scandaleux » , peste le maire, « la surveillance est constante alors que paradoxalement, les habitants respectent les distances ». Du coup, même à proximité du col du Chat, peu de visiteurs s’aventurent sur ces hauteurs tandis que dans le village, on ne déplore aucune contamination due au coronavirus, « pas de cas officiel, tout du moins ».
Un détail qui n’altère en rien la quiétude dans laquelle baigne une commune privilégiée.

* Par arrêté préfectoral du mercredi 15 avril, l’interdiction d’accès aux parcs et aires de loisirs, aux rives des lacs et rivières ainsi que les activités en montagne a été prolongée jusqu’au 10 mai inclus. Les forces de police et de gendarmerie ainsi que les maires des communes concernées sont chargés de son application. Son non-respect est passible des sanctions prévues au décret 2020-264 du 17 mars 2020 portant création d’une contravention réprimant la violation des mesures destinées à prévenir et limiter les conséquences des menaces sanitaires graves sur la santé de la population (amende de 4e classe soit 135 euros).

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