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Savoie : accompagnés dans la maladie et jusqu’à la fin de la vie durant la crise sanitaire

Par Laura Campisano • Publié le 10/04/20

Mesures de distanciation sociale, gestes barrière, interdiction des regroupements : ces mesures, essentielles pour garantir la bonne santé de tous sont difficiles à vivre, principalement lorsque la maladie intervient, et encore plus, quand le décès survient. Pour autant, tout est mis en place en Savoie pour permettre aux proches des personnes touchées par la maladie d’être informés en temps réel de l’évolution de l’état de santé, et d’être présents, en cas de décès, et ce jusqu’aux funérailles. Reportage. 

Le décompte, journalier, du nombre de personnes touchées par le virus et celui, plus douloureux encore, du nombre de victimes, peut donner l’impression, vues les mesures de confinement général, que les gens sont seuls pour traverser ces épreuves. Derrière les portes de l’hôpital, et jusque dans les moments les plus douloureux, chaque corps de métier a répondu avec humanité aux interrogations, humaines, que tous se posent.

Au service réanimation de l’hôpital de Chambéry, des nouvelles quotidiennes et un lien permanent

Bien sûr, il y a des consignes à respecter, quand la vie de tous et des soignants en dépendent. Bien sûr, les visites sont interdites, tant au service maternité de l’hôpital, qu’au service réanimation, ce qui n’est pas commun. « Notre service est ouvert aux visites h24, habituellement », précise Jean-Marc Thouret, médecin-chef du service de réanimation de l’hôpital de Chambéry, « c’est un changement complet de paradigme. » Changement auquel, pourtant, le personnel soignant doit pallier, en plus des soins prodigués. « Nous appelons les familles tous les jours, entre 12h et 14h, et l’infirmier redonne également des nouvelles le soir. Depuis le début de la semaine, nous sommes également équipés de tablettes, qui permettent de montrer en direct où se trouvent les patients, sans pour autant permettre la capture d’images, le patient étant dans la plupart des cas endormi », tempère-t-il. Et dans les cas où son équipe se trouve face à une situation de fin de vie, Jean-Marc Thouret autorise les très proches, pas plus de deux personnes et dans un cadre très strict, à se rendre au chevet du patient. « Ce n’est pas un contexte évident, le respect des consignes est tout à fait fondé, l’entourage des patients étant potentiellement porteur à risques, nous évitons que le virus puisse contaminer le service, » prévient-il, « mais nous sommes là pour les patients, en permanence. » 
Si la tendance dans le département ne démontre pas, à l’heure actuelle , une hausse particulière de décès, liés au Covid-19 ou même à d’autres causes, la période demeure particulière, chacun étant éloigné de ses proches et de ses amis, généralement présents pour entourer et apporter le réconfort essentiel dans les épreuves de la vie. Les services d’aumôneries ayant fermé leurs portes, les visiteurs d’hôpitaux se sont rendus disponibles auprès des directeurs de services hospitaliers, comme nous l’a confié Sabine Lebideau, responsable de la pastorale santé, sous l’égide de l’Évêque de Chambéry. « Les collègues aumôniers sont en contact permanent avec les hôpitaux, où 450 cartes ont été distribuées pour Pâques aux patients des Ehpad hospitaliers, et l’Evêque a lui-même enregistré une vidéo qui leur sera diffusée sur tablette, ce qui a été salué par les chefs de service », rapporte-t-elle. « Les personnes ne partent pas seuls, elles ne sont pas abandonnées, il y a une limite sur les relations, mais la présence c’est aussi être là, silencieusement. » C’est aussi ce qui rend les choses plus compliquées aux services de pompes funèbres ou même au service pastoral des funérailles, qui organise les cérémonies, tant à l’église qu’au cimetière, si les familles le souhaitent. « C’est important que les familles puissent le faire, ce dont nous avons d’ailleurs convenu avec notre Évêque pour pouvoir célébrer ces cérémonies, dans la mesure du possible », précise Sylviane Gachet, responsable de la pastorale funérailles du Diocèse de Savoie. Pour ces moments de recueillement, elle et son équipe peuvent recevoir entre 10 et 20 personnes, personnel des pompes funèbres compris. « Nous avons des équipes dans toutes les paroisses, laïques et religieux, bien que la plupart des prêtres soient âgés et donc moins facilement joignables, poursuit-elle, pour autant nous préparons de petites célébrations, c’est bien plus difficile que d’habitude pour les familles parce qu’il n’y a ni contact entre les gens, ni les amis autour. Elles le comprennent très bien, et si les pompes funèbres ne sont pas particulièrement débordées en ce moment sur le département, en tous les cas, nous les accueillons et leur proposons des veillées par la suite, en gardant bien contact avec chacune d’entre elles. » Du côté des professionnels funéraires, une organisation a également dû être mise en place, parfois à contre-courant des recommandations gouvernementales.

Recommandations contradictoires mais une organisation des fédérations de pompes funèbres, pour accompagner les familles endeuillées 

Un avis du Haut conseil de la santé publique (HCSP) du 24 mars 2020 a mis les trois fédérations de la profession, la Fédération française des pompes funèbres (FFPF), l’Union du pôle funéraire public, (UPFP) et la Confédération des professionnels du funéraire et de la marbrerie (CPFM) en émoi.
Dans un courrier univoque au Premier Ministre, lui faisant connaître « l’extrême mobilisation de l’ensemble de la filière funéraire, du dévouement et de la solidarité qui animent nos professionnels pour faire face à cette situation inédite, pour assurer notre mission de service public », ont indiqué au chef du gouvernement, l’impossibilité d’appliquer « cet avis […] en l’état ; il nécessite d’être modifié pour assurer la continuité du service public funéraire, et ce pendant la durée de cette crise sanitaire sans précédent. »  En effet, dans un premier temps, le 18 février, les recommandations du Haut conseil préconisaient que « le corps soit déposé en cercueil simple, répondant aux caractéristiques définies à l’article R.2213-25 du Code général des collectivités territoriales (CGCT) et qu’il soit procédé sans délai à la fermeture définitive du cercueil, s’agissant des personnes suspectées ou avérées atteintes du Covid-19. » Le médecin devait cocher « oui » sur le certificat de décès et la mise en bière était immédiate, sans soins de conservation, ce que les familles avaient accepté, non sans un effort important de résilience, comme on peut l’imaginer, compte tenu du contexte. Toutefois, le 24 mars, volte-face du HCSP  autorisant à nouveau les opérations de soins, contrevenant aux obligations de distanciation et de prudence compte tenu de la mention sur l’avis de ce que « la manipulation d’un corps peut exposer le personnel le manipulant à des germes à transmission aérienne ». Les sociétés de pompes funèbres, prises en étau entre le service dû aux familles, les risques encourus par les équipes et la volte-face des préconisations du HCSP se sont donc rangées derrière leurs fédérations, dans les cas avérés ou suspicieux de Covid-19, le tout avec beaucoup de précautions et de pédagogie vis-à-vis des familles.
Thomas, directeur des ventes dans une société de pompes funèbres, s’est lui aussi conformé à ce consortium des fédérations du métier, dans un respect des familles endeuillées, en suivant un protocole strict, préexistant à cette crise sanitaire inédite. « Nous procédons à des mises en bière immédiates, comme nous le faisons en règle générale dans les cas exceptionnels, nous sommes formés à ce genre de situations », tient-il à rassurer. « En revanche ce qui est particulier, c’est la période, où la règle est la distanciation sociale, ça l’est pour les familles, mais aussi pour nous, qui avons une proximité avec elles. Nous ne pouvons pas leur serrer la main, comme nous le faisons d’habitude pour leur présenter nos condoléances, et pourtant les gens nous témoignent une forme de reconnaissance. Ils ne sont pas seuls, quand bien même ils ne choisiraient pas une forme de cérémonie religieuse, nous gérons une cérémonie d’une dizaine de personnes, pour que chacun puisse faire son travail de deuil. »  Là où les choses diffèrent, c’est qu’il n’y a pas de présentation en chambre funéraire, puisque les défunts sont placés dans des housses à l’hôpital, puis mis en cercueil dans une zone spécifique de l’établissement, qui sera ensuite présenté fermé. « Notre métier n’est pas plus compliqué que d’habitude mais nous ne pouvons malheureusement pas aussi bien accompagner les personnes qu’habituellement », regrette Thomas, dans le métier depuis plus de 15 ans.

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