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Tresserve / Mouxy : un recours contre le premier tour des élections municipales, pour quoi faire ?

Par Laura Campisano • Publié le 23/04/20

Le premier tour des élections municipales, qui s’est tenu le 15 mars dernier, a déjà fait couler beaucoup d’encre et il ne fait nul doute qu’il continuera à alimenter les discordes durant encore de longs mois. Si près de 30 000 communes sont en attente d’installer leurs conseils municipaux, étant toujours administrées par leur maire en place, le résultat n’a pas manqué de susciter réactions et même actions puisque des recours ont été déposés au greffe du tribunal administratif de Grenoble. Sont concernées, notamment, les communes de Tresserve et Mouxy. Eclairage. 


@Joe Kermabon
Le greffe du tribunal administratif nous l’a confirmé par écrit le 22 avril, deux recours ont bien été déposés concernant le scrutin du 15 mars dans les communes de Tresserve et Mouxy. Des recours fondés sur la régularité du scrutin, mais qui, en vertu de la loi d’urgence COVID-19 du 22 mars dernier et de l’ordonnance du 25 mars 2020, prise en vue d’adapter les règles applicables devant les juridictions de l’ordre administratif, ne seront examinés qu’à partir de septembre prochain. Une échéance lointaine, qui ne devrait pas faire obstacle à l’installation des nouvelles équipes, et de leur maire élu. Mais alors, pourquoi avoir souhaité déposé un recours ?

« Un déni de démocratie » pour Gabrielle Koerhen à Mouxy

La tenue de ce premier tour, voilà le fondement du recours de l’actuelle maire de Mouxy, déposé devant la juridiction administrative. « L’allocution du Président de la République juste avant les élections, écartant une partie de la population du scrutin, les injonctions contradictoires de rester chez soi, tout en maintenant le scrutin, c’est cela qui m’inquiète » fait valoir Gabrielle Koerhen. « Ce n’est pas du tout démocratique, ni égal pour tout le monde, je ne peux pas adhérer à cette situation, c’est un déni de démocratie », renchérit-elle, « les chiffres en témoignent, l’abstention était plus importante de 18 points par rapport aux précédents scrutins, il faut une certaine cohérence, ils auraient pu anticiper ! » Pour l’édile, ce manque de cohérence est principalement dû au manque de terrain de l’exécutif, tandis que les élus locaux, eux, sont au contact direct des préoccupations des habitants, tous les jours. Alors, ce débat juridique, reporté au second semestre, aura-t-il des répercussions sur la vie municipale, quand bien même la loi d’urgence semble considérer le résultat du premier tour comme « acquis » comme indiqué à l’article 19 de la loi d’urgence ? « De deux choses l’une », réplique Gabrielle Koerhen, « soit le recours nous est défavorable et l’équipe gagnante installera le nouveau conseil municipal, je n’ai aucun problème avec cela, soit le recours nous est favorable et dans ce cas il faudra organiser un nouveau scrutin, au cas par cas, dans les communes concernées ».
Un recours « citoyen, expression d’une forte révolte » de la part de Gabrielle Koerhen, sans lien avec le résultat de ce premier tour, qui a accordé la victoire à la liste « Mouxy agir ensemble pour l’avenir » conduite par Laurent Filippi, avec 52,58% des suffrages contre 47.41 % pour la maire sortante, alors que l’abstention culminait à 56,16%, soit près de 999 électeurs. « Beaucoup de maires sortants ont été réélus dans ce contexte, sauf à Mouxy, ce qui veut bien dire quelque chose », objecte Laurent Filippi, « pour le moment, nous n’avons pas été avisés par la juridiction administrative, mais quand bien même, il ne serait pas suspensif : l’élection est pleinement acquise. Cela nous laissera le temps de nous installer, et de préparer notre défense. Il faut simplement accepter que le vote démocratique nous a été favorable. En tous les cas nous sommes impatients de commencer. ». Le candidat élu se garde néanmoins de juger l’initiative de Gabrielle Koerhen, dans le dépôt du recours : « On a le droit de le faire » précise-t-il,  « je peux la comprendre et je le lui ai d’ailleurs écrit, que je comprenais la désillusion qu’a dû être ce résultat, nous sommes toutefois déçus de ne pouvoir être entendus, alors que nous souhaitons avoir des liens avec tous. » Missives bien reçues par la maire en place qui compte bien rester « maire jusqu’au bout » et s’est dite « surprise des mails qu’elle a reçus de la part de la tête de liste gagnante. Je n’ai aucun souci avec le résultat du scrutin, si celui-ci est maintenu après le recours, je ferai même partie de l’opposition », précise Gabrielle Koerhen qui s’active pour gérer les affaires de la commune, reconnaissant que la crise sanitaire actuelle est « inédite, dans laquelle on apprend en marchant ».

Un recours motivé par des « irrégularités » du côté de Christian Roussel à Tresserve

La motivation de Christian Roussel, candidat en tête de la liste « Unis pour Tresserve » est différente de celle de Gabrielle Koerhen. Ce n’est pas le maintien du scrutin qui est mis en cause par le candidat dont la liste a obtenu 36.68% des voix face aux 63,21% qui ont permis à Jean-Claude Loiseau de se maintenir à la mairie de Tresserve. Plutôt satisfait d’avoir permis de créer un nouveau mouvement dans la commune, Christian Roussel assure que ce recours « n’est pas une déclaration de guerre », mais soulève toutefois une interrogation, quant au courrier envoyé par le maire-candidat à l’aube du premier tour, proposant aux personnes les plus fragiles d’être accompagnées si elles souhaitaient se rendre aux urnes, le dimanche 15 mars, compte tenu du contexte particulier. « Avait-il le droit de le faire », s’interroge Christian Roussel, « le timing pose question, plusieurs personnes nous ont indiqué avoir été pour certaines, choquées par ce courrier. Nous posons la question au Tribunal administratif. Nous verrons si l’élection sera annulée, s’il y aura report des voix, ou si la loi Covid qui indique que le scrutin est » acquis », empêche les recours, auquel cas, les personnes seront déboutées, en raison du contexte «, fait-il valoir. Pour Jean-Claude Loiseau, ce recours est « un non-sujet », arguant qu’ « une seule personne a sollicité l’équipe pour être amenée au bureau de vote, et qu’aucune personne de plus de 70 ans n’est venue voter. » L’abstention, de 55,06 % au premier tour, a en effet retiré des urnes les bulletins de 1 360 personnes, selon les données de la préfecture, sans pour autant que soit précisé l’âge des votants ne s’étant pas présentés aux urnes.
En tout état de cause, les recours devant le tribunal administratif à l’encontre de ce premier tour ont vu leurs délais de traitement bien augmenter, puisque l’article 15  de l’ordonnance précitée permet aux demandeurs d’agir jusqu’à « au plus tard à dix-huit heures le cinquième jour qui suit la date de prise de fonction des conseillers municipaux et communautaires élus dès ce tour » date à ce jour, toujours inconnue… mais qui sera selon le même article, « fixée par décret au plus tard au mois de juin 2020″ .
Doit-on s’attendre à une nouvelle vague de recours ? Ou bien attendrons-nous que le calendrier soit fixé, afin de voir surgir de nouveaux requérants ? En tous les cas, le 12 avril dernier, un collectif réunissant une centaine d’élus intitulé » 50 millions d’électeurs« , depuis constitué en association,a décidé d’agir, autour de Renaud George, maire sortant de la commune de Saint-Germain-au-Mont-d’Or et vice-président de la métropole de Lyon. En lançant une pétition en ligne déjà signée par 14 369 personnes, ainsi qu’en écrivant une lettre ouverte au Président de la République, et une question prioritaire de constitutionnalité au Conseil d’Etat, avec pour objectif de faire annuler purement et simplement le premier tour du 15 mars. Ainsi, quand bien même les délais sont très élargis, que les juges administratifs auront jusqu’au 31 octobre pour statuer sur ces recours, de nouveaux recours auraient tout loisir d’émerger, de manière individuelle ou collective, contre ce scrutin. Affaire à suivre donc, avec grand intérêt.

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