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Chambéry et agglomération : la crise sanitaire va laisser une facture bien salée

Par Jérôme Bois • Publié le 22/05/20

Après la crise en elle-même, voici venu le temps de son impact, notamment sur les finances. Si, lundi 18 mai, le conseil municipal de Chambéry a acté une perte sèche pour la ville, de plus d’1,4 million d’euros, à l’échelle de l’agglomération, qui dépend plus largement de l’activité économique du secteur, le coût de la crise a été évalué, il s’élèvera à 21,6 millions d’euros sur trois ans.

Michel Dantin, maire de Chambéry.
C’était une drôle de séance, à laquelle n’avaient été conviés que quinze élus, certains pouvant recevoir jusqu’à deux pouvoirs. Une séance pas raccourcie dans sa durée pour autant, puisqu’il avait été question de faire le point sur toutes les mesures prises durant la crise, tant sur le plan sanitaire que social, scolaire et financier. Michel Dantin, maire de Chambéry, a pris soin d’énumérer, lundi 18 mai, les postes budgétaires rognés par cette crise, l’impact de la période de confinement sur le budget de la ville. Il a estimé la perte en recettes à 1,434 million d’euros répartis comme tels : 850 000 euros de recettes de stationnement (dont le contrôle reprendra le 2 juin*), 232 000 euros de droits de place (loyers pour les terrasses) et de taxe locale sur la publicité extérieure, 160 000 euros de droits de mutation et 192 000 euros de recettes diverses (crèches, cantines etc.). « La crise va avoir un impact sur les deux exercices budgétaires qui arrivent » , avait-il noté, lundi dernier. L’épargne nette pourrait être négative à la fin du présent exercice. 

La crainte du prolongement


Un impact direct important, qui devra être comblé tant bien que mal. « Nous n’avons pas de solution sinon en coupant dans certaines dépenses » , nous a indiqué le maire. Parmi elles, les fluides (électricité et carburant forcément moins utilisés pendant le confinement) et l’événementiel, puisque les rassemblements de grande ampleur resteront interdits durant l’été. « Nous avons supprimé les crédits attribués aux animations estivales » , a ainsi rappelé Michel Dantin (la fête des Eléphants et les divers concerts), alors que le conseil départemental a apporté une aide financière évaluée à 2 euros par habitant. De son côté, l’association des maires de France (AMF) a demandé à l’État une dotation exceptionnelle, dotation à laquelle le maire ne croit guère. « Tout cela, c’est de la prévision, nous allons tout faire pour aller chercher de l’argent ailleurs » , précisait-il lundi. Les effets de la crise sont donc d’ores et déjà concrets, à tous les niveaux**, les moyens pour éponger cette absence de recettes seront indolores, financièrement parlant, pour les habitants, mais pas moins réels non plus. Et les prochaines semaines diront si l’impact peut être encore majoré : « Sur la situation des écoles par exemple, si ce qui est prévu pour juin devait se généraliser pour septembre, nous ne savons pas comment nous ferons ». Il détaille ainsi : « Le nombre d’élèves par classe est limité à 10, si 17 jeunes arrivent, il faudra réaliser un turn-over, 7 enfants seront envoyés vers des animations extérieures, payées par la ville » , les activités 2S2C (sport santé culture et civisme), en place dès le 2 juin. Si ce dispositif venait à se prolonger, la facture s’en trouverait largement majorée.

Une séance du conseil communautaire exceptionnelle (@Grand Chambéry).

A l’agglo, le compte administratif 2019 va limiter les dégâts

Cependant, c’est pour Grand Chambéry que le bilan sera autrement plus redoutable car « la bonne santé financière de l’agglomération dépend fortement de l’activité économique » , souligne Michel Dantin. « 2021 sera terrible, 2022, très compliquée » , prophétise-t-il. Jeudi 14 mai, salle des conventions, un conseil communautaire d’urgence se tenait afin de répondre à la crise économique, sanitaire et sociale. Le compte administratif 2019, une « bonne année » , pour Xavier Dullin, a permis de dégager 22 millions d’euros, pour investir 4,6 millions dans un premier temps. Les 18 millions d’euros restants seront une sorte de fonds de roulement pour anticiper la baisse des recettes à venir, qui sera majeure. « Nous prévoyons que l’impact de la crise sur les comptes de l’agglomération s’élèvera à 17 millions d’euros sur trois ans » du fait de la baisse significative de la fiscalité économique (cotisation foncière des entreprises, contribution sur la valeur ajoutée), la baisse des recettes liées à la fréquentation des piscines, patinoires, les baisses de recettes liées à la billetterie des transports en commun « puisque le réseau ne fonctionne qu’avec moins de 10% des usagers » ***, la baisse des revenus tirés du versement transport…

Gérald Darmanin a annoncé l’exonération le 4 mai.

Du reste, le réseau Synchro bus est un édifiant exemple de ce que la crise peut provoquer comme dégâts puisque 20 millions de son financement proviennent du versement transport, versé par les entreprises, les 4 millions restants découlant de l’achat de tickets – qui ont nécessairement chuté – et des abonnements – prolongés puisqu’ils n’ont pas servi durant le confinement. Or, l’État a décrété le 4 mai dernier l’exonération des charges sociales des entreprises de moins de 10 salariés faisant l’objet d’une fermeture administrative, le report pour toutes les autres. Et ce versement est inclus dans les charges. La perte pourrait donc atteindre, selon le maire de Chambéry, 3,6 millions d’euros.
Pourtant, du côté de l’agglo, les effets de la crise pourront heureusement être atténués. « Tout cela sera, cette année, compensé par notre très bonne année 2019 » , détaille le président de Grand Chambéry. Les 4,6 millions d’euros d’investissements promis vont dans un premier temps venir « soutenir l’économie locale, sociale, touristique, solidaire, les petites entreprises, les commerces ». D’autres aides, sous la formes d’achats de vélos à assistance électrique (110, pour porter le stock de VAE à 150 et le stock total de cycles à destination de la vélostation à 750), sous forme de primes à l’achat de VAE d’une valeur de 500 euros****, d’aides à la solidarité via les associations alimentaires « qui n’ont que deux mois de stocks à disposition » , vont donc arriver. 

21,6 millions, le coût de la crise sur trois ans

Au total, « le coût de la crise, nous l’évaluons à 21,6 millions d’euros sur trois ans » , un chiffre considérable. « Il existe une tradition, c’est de laisser des comptes administratifs sains à la prochaine équipe aux manettes, cela avait été le cas pour nous voici six ans, c’est le cas cette année. Nous avons donc été bien inspirés de réaliser un bon compte 2019 » , détaille Xavier Dullin. 

Xavier Dullin, président de Grand Chambéry.
Cependant, cette prévision sur les trois ans à venir s’établit sans tenir compte des négociations, notamment avec les délégataires comme Kéolis « ce qui peut encore faire baisser la facture ». Mi-avril, l’activité économique en France était inférieure de 36% à la normale, analysait l’Insee, « c’est pourquoi nous avons provisionné large sans compter ce qui peut encore nous tomber dessus » , tempère le président.  « Je ne suis pas révolutionnaire mais je crois aux marqueurs forts : la mobilité verte doit vite évoluer, il faut aller vers de nouvelles façons de travailler – et le télétravail en a été un exemple concret – et réinventer le lien avec les familles afin de prévenir la solitude des personnes âgées, trois marqueurs majeurs, à mon sens ». 
Dos au mur, les collectivités vont devoir aller vite.

* Le stationnement (re)deviendra gratuit pendant la pause méridienne à partir du 1er juin. Jusqu’ici et depuis le passage au forfait post-stationnement, la gratuité de la plage 12-14h avait été supprimée, compensée par l’arrêt du contrôle du stationnement à partir de 18h. L’idée est de faire revenir les Chambériens dans le centre-ville commercial.

** A noter qu’entre la ville et le CCAS, ce sont quelques 20 agents qui ont été touchés par le Covid-19. Tous des cas avérés. 73 agents de la commune ont été, quant à eux, placés en quatorzaine. 

*** Si les transports en commun fonctionnent de nouveau, la fréquentation maximale enregistrée a été de 4 000 usagers hebdomadaires au lieu des 40 000 habituels. Elle a oscillé entre 2 400 et 4 000.

**** Pour plus d’informations sur la politique vélo de Grand Chambéry, lire notre article du 14 mai.

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1 commentaire

Unknown

25/05/2020 à 11:02

Une politique vélo opportuniste,qui arrive bien tard et qui manque d'ambition. 11millions pour Ravet, inutile et rétrograde

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