Défiler en plein confinement ? Impossible, à l’heure actuelle, par précaution quant à la crise sanitaire. Rester muets un premier mai ? Inconcevable, pour les associations et les syndicats dont 25 ont co-signé un texte, appelant non seulement à un rassemblement aux balcons et aux jardins à grand renfort de banderoles et de pancartes, mais aussi à la signature d’une pétition en ligne. Encore plus dans un contexte sanitaire périlleux apparu au beau milieu d’un conflit social lié à la réforme des retraites. Un premier mai particulier mais visiblement, beaucoup plus qu’un symbole.
Le confinement, dont la fin hypothétique devrait avoir lieu aux alentours du 11 mai prochain, a mis fin, de manière quasi-instantanée, aux semaines de mobilisation des syndicats, UD-CGT 73 en tête, de nombreuses professions, d’une part, mais aussi des associations en faveur de la protection de l’environnement, telles qu’Alternatiba, Attac et les Amis de la Terre en Savoie, qui avaient par ailleurs appelé à la signature d’une déclaration d’urgence climatique, les candidats aux municipales avant le premier tour. Cela semble loin, et pourtant, le 1er mai, tous comptent se faire entendre.
Rassemblements aux balcons et en direct sur Facebook à 11 heures
Ils auraient dû être dans la rue, avec la sono et les banderoles. Qu’à cela ne tienne, ce sera sur les balcons, avec Bella Ciao*, à l’instar de leurs voisins italiens, qui l’avaient entonné pour la fête de la liberté du 25 avril. Militants CGT ou non, les « travailleurs » sont appelés à se manifester ce vendredi 1er mai 2020, qui restera sans doute dans l’histoire. « Nous espérons que les gens répondront à cet appel et qu’ils seront nombreux à se mettre aux balcons, cliquer sur une publication sur les réseaux sociaux ce n’est pas ça être révolutionnaire ! Être révolutionnaire, c’est oser se mettre en grève, manifester. Il faut rappeler que le 1er mai est la journée internationale des travailleurs, de ces 3.3 milliards de travailleurs confinés dans le monde », précise Eric Granata, secrétaire général de l’Union départementale de la CGT en Savoie. « En ce jour, nous pensons particulièrement aux premiers de cordée, le personnel soignant notamment qui prend des risques sanitaires pour la France, mais aussi aux personnes qui ont été victimes du COVID-19 y compris chez nos camarades de la CGT. » Inquiet, Eric Granata voit se déliter certains acquis sociaux liés au temps de travail, compte tenu des pertes engendrées par la mise à l’arrêt des activités de l’industrie, de la métallurgie sur le territoire, et de l’effort réclamé par les organisations patronales. « Il n’y a pas d’accord Covid pour le moment dans les entreprises savoyardes, partout où les travailleurs ont exercé leur droit de retrait, le travail a cessé, ça a été le cas chez General Electrics à Aix-les-Bains, ou Böllhoff à La Ravoire » poursuit-il. « La reprise est progressive depuis une quinzaine de jours, mais il est désormais possible de passer la durée hebdomadaire maximale de travail à 60 heures maximum contre 48 aujourd’hui, avec des journées pouvant aller jusqu’à 12h de travail, dans la métallurgie, cela peut s’appliquer. Il faut noter que dans certaines usines, on a pris des congés aux travailleurs ainsi que des RTT, il est possible de voir leur temps de travail augmenter, de manière imposée, même si pour l’heure, les employeurs ne s’y risquent pas, de peur de conflits sociaux. »
Pour le secrétaire général, depuis le début du confinement de nombreux précaires ont été remerciés dès le 17 mars en Savoie, tandis que plus de 177 000 demandeurs d’emploi supplémentaires ont été recensés, sur le plan national. Outré par les dividendes reversés aux actionnaires des grosses entreprises, Eric Granata souhaite, à l’instar des 24 organisations syndicales et associations signataires d’une pétition en ligne pour préparer « le jour d’après », revendique « une justice fiscale, que chacun contribue selon ses moyens. Ce 1er mai est très important pour nous, dans le contexte actuel. »
« Confinés mais mobilisés plus que jamais »
Christophe Lebrun, président des Amis de la terre en Savoie, est lui aussi mobilisé pour cette journée très importante. « Le but, c’est d’être à l’extérieur, si le temps le permet », espère-t-il, « afficher des pancartes pour montrer que nous ne sommes pas d’accord avec ce qu’on essaie de nous vendre en ce moment, par rapport au droit du travail sous prétexte d’urgence sanitaire, ou même le Medef qui veut remettre en cause des acquis environnementaux pour activer la reprise économique » Signataire, lui aussi, de la pétition et à l’origine d’une vidéo (ci-contre) reprenant les idées des organisations nationales, Christophe Lebrun se félicite de cette mise en commun des valeurs communes, réclamant « l’arrêt immédiat des activités non indispensables pour faire face à l’épidémie, les réquisitions des établissements privés et des entreprises afin de produire dans l’urgence masques, respirateurs et tout le matériel pour sauver des vies, la suspension immédiate du versement par les entreprises de dividendes, rachats d’actions et bonus aux PDG ainsi que la décision de ne pas utiliser les 750 milliards d’euros de la banque centrale européenne pour alimenter les marchés financiers mais uniquement pour financer les besoins sociaux et écologiques des populations. » A ce jour, la pétition a d’ores et déjà récolté 152 491 signatures sur les 200 000 attendues. Ce premier mai particulier n’empêche pas les instigateurs de cet événement d’être « confinés mais mobilisés plus que jamais », bien que privés de défilé, pour des raisons sanitaires, craignant que cela soit le cas jusqu’à septembre, au minimum. « On a vu des gens en garde à vue pour des pancartes, certes provocatrices, c’est tout de même très révélateur », souligne le président des Amis de la Terre en Savoie, « nous avions réfléchi à proposer aux gens de se réunir dehors en respectant les règles de sécurité, mais nous avons finalement conclu que c’était prendre un énorme risque pour un impact très limité. Mais dans le futur, il sera très difficile de ne pas nous laisser sortir alors que nous serons tous retournés travailler. » conclut-il.
Pas de vente de muguet, mais un happening « aux éléphants » et une conférence de presse pour le PCF en Savoie
Assez inhabituel pour les adhérents du Parti communiste français, ce premier mai sans vente de muguet. Anecdotique pour certains, c’est pourtant un moyen de faire entrer des fonds dans la trésorerie, pour maintenir les locaux et la permanence. De quelques centaines d’euros à quelques milliers pour certaines antennes locales ailleurs en France, le 1er mai confiné est à tout point de vue complexe. Mais c’est surtout un jour important pour les travailleurs et Florian Penaroyas, porte-parole du parti à Chambéry, compte bien y participer.
Le 1er mai, il a organisé, à 9h30, un accrochage de pancartes autour de la fontaine des éléphants, avec quatre adhérents, « en respectant les gestes barrière, cela ne prendra pas plus de dix minutes, ce n’est en aucun cas une manifestation », précise-t-il, « nous souhaitons simplement mettre en avant les mots d’ordre des luttes qui nous semblent importantes, dans les Ehpad, l’éducation, les circuits courts, la santé, qui a mis en avant l’irresponsabilité de cette pénurie de masques, sur un plan national. » Rappelant son « profond respect pour les élus locaux, bien souvent bafoués par l’Etat mais qui même en dehors des temps de crise font un travail social essentiel, et qui sont actuellement un amortisseur social, ce qui est le rôle de l’Etat ». Florian Penaroyas s’indigne de ce que la France ne fixe pas de prix maximum pour les masques ‘ «pour ne pas freiner l’innovation ». En conférence de presse virtuelle à 11h, il souhaite réclamer entre autres choses, avant le 11 mai, « la tenue d’une table ronde sous visio conférence sous la responsabilité du représentant de l’Etat (le Préfet), avec la présence des organisations syndicales, le responsable de la chambre des commerces et de l’industrie, le responsable du Medef pour connaitre très concrètement entreprise par entreprise comment et dans quelles conditions va se faire la reprise, le nombre de salariés concernés. » témoin lui-même de chantiers ayant repris, sur lesquels les ouvriers ne sont ni porteurs de masques ou de gants.
Treize autres points seront soulevés, au cours de cette conférence de presse, sur l’ensemble des sujets et secteurs directement bousculés par la crise sanitaire actuelle. « Nous constatons actuellement qu’épidémie et course au profit, ça ne peut pas fonctionner ensemble », reprend-il, « il faudrait éviter de demander aux personnes qui failli de poursuivre ce qui était avant la crise, mais davantage écouter ceux qui étaient en grève, dans la rue, les » premiers de corvée « qui prennent des risques. » Pour Florian Penaroyas, très attaché au devoir de mémoire, ce 1er mai est « le premier mai du jour d’après, un 1er mai de lutte, c’est celui qui va faire la bascule pour moi, nous sommes confinés, dans les conditions qui sont ce qu’elles sont, mais pas muselés. » Reconnaissant par ailleurs qu’en ce jour très symbolique, accrocher une banderole à sa fenêtre ou balcon, peut être mal vu par la police. Pour autant, il tâche de rester optimiste, estimant que « le monde de demain est possible ». * A Chambéry, une carte interactive sur les réseaux sociaux, sur la page Facebook des Amis de la Terre en Savoie, pour un live à 11h, avec la possibilité de marquer ses revendications sur une affiche interactive accompagnés d’une pancarte « Pour le Jour d’Après, je veux…. », prenez-vous en photo ou vidéo puis les poster sur les réseaux sociaux en utilisant les hashtags #PourLeJourDapres et #PlusQueJamaisLe1erMai avec le lien de la pétition « Pour le Jour d’Après » A Albertville, une manifestation virtuelle aura également lieu sur les réseaux sociaux.
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