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La Ravoire, la ville qui ne dort jamais

Par Jérôme Bois • Publié le 08/05/20

La communication intensive – agressive diront certains – de l’un des trois postulants à la mairie ravoirienne n’a pas laissé de marbre les deux autres. Mais occupé par la gestion des affaires courantes, le maire, Frédéric Bret, s’en tenait jusqu’ici aux seules responsabilités de sa fonction, alourdies par la crise sanitaire. C’est donc la minorité, de laquelle émane la liste Ecoexistons à La Ravoire, qui s’est chargée d’incriminer Alexandre Gennaro, coupable selon elle, de mener campagne au plus fort d’une crise qui impliquait une trêve… des confineurs.
C’est à travers une lettre adressée aux élus ravoiriens que Viviane Coquillaux s’est exprimée, au nom de la minorité toujours en place, « La Ravoire, Ensemble autrement ». Une missive dans laquelle l’élue et également tête de liste d’Ecoexistons à La Ravoire s’indigne de la « division » dans laquelle s’ébroue la majorité « depuis deux ans ». « Dans les circonstances exceptionnelles que nous vivons, une cohésion de groupe est indispensable, et le rassemblement de toutes les forces disponibles au service des plus démunis, un devoir. C’est la raison pour laquelle nous déplorons de voir les élus divisés et incapables de s’unir pour mettre leurs différends de côté ». Elle poursuit : « Merci aux élus de 2014* de se souvenir qu’ils sont en situation d’exercice d’un mandat et qu’ils doivent le mener à son terme. Publier ouvertement et officiellement via les médias des échanges qui devraient se faire en interne, ce n’est pas se concentrer sur les priorités. Il n’y a pas eu à notre connaissance une quelconque démission dans ce groupe de la majorité même si quatre adjoints se sont vus retirer leurs délégations** ».

Viviane Coquillaux
Parmi les personnes visées, Alexandre Gennaro, candidat déclaré et vainqueur aux points à l’issue du premier tour du 15 mars***. « Nous constatons qu’il est en campagne » , nous signifie Viviane Coquillaux, « il n’y a pas eu d’obligation faite de ne plus mener campagne lorsque le confinement a été annoncé, chacun était donc libre d’agir en fonction de ce que lui dicte sa conscience mais c’est assez irritant et plusieurs de nos colistiers nous ont fait remonter ce sentiment ». Avant d’asséner, sèchement, « quand on est en désaccord, on démissionne ».

La minorité dénonce « les termes utilisés, les accusations, les attitudes »

Pour mémoire, dès le 16 mars, au lendemain du 1er tour, Alexandre Gennaro avait publié le message suivant : « Le président de la République a confirmé ce jour (le 16 mars, NDLR) notre placement en confinement et le report des élections municipales, sans doute fin juin. Nous suspendrons donc naturellement notre campagne municipale ». Seulement, un élément a déclenché les foudres de la minorité, cette lettre ouverte du 27 avril diffusée sur les réseaux sociaux par le candidat dans laquelle il faisait part « de ses interrogations et de ses propositions ». Il y était question du salaire et du traitement des agents, des aides financières exceptionnelles à attribuer aux personnes les plus fragiles, du versement des subventions aux associations (ce qui ne manquera pas de faire rebondir, quelques jours plus tard, le débat), de la gestion et la distribution des masques et de la reprise des cours promise le 11 mai. Une lettre qui fit suite à une réunion par audioconférence, le 22 avril, entre les élus « durant laquelle M. Gennaro n’a rien dit pendant les 90 minutes qu’a duré la discussion » , tonne Viviane Coquillaux. Et depuis le début de la période de confinement, d’après l’élue, « les termes utilisés, les accusations et les attitudes » ne laissent pas de place au doute, il est en campagne. « La mésentente entre élus pose problème par rapport aux instances, on ne réunit plus les commissions, on s’en dispense alors qu’on a un statut ». Sur ce point, elle se réfère à son discours, exprimé en préambule de la dernière réunion du conseil municipal (lire notre article du 3 mars) dans laquelle elle regrettait la non-tenue des dernières commissions aux finances. « Nous avons un engagement que l’on ne tient pas, la minorité que je représente n’a jamais voulu se positionner dans cette fracture. Comme nous voyons des dysfonctionnements, nous sommes bien obligés de tirer la sonnette d’alarme ».

Alexandre Gennaro se dit « force de proposition »

Le principal incriminé préfère en rire : « Non, je ne fais pas campagne, pas plus que je n’ai attaqué qui que ce soit, à moins que cette lettre ouverte ne soit considérée comme une attaque ». Alexandre Gennaro défend sa posture en incriminant le fonctionnement municipal, défaillant selon lui : « Depuis le 16 mars, nous n’avons eu aucun contact avec l’exécutif, sinon une audioconférence… au XXIe siècle… où il n’a été question que d’informer le conseil municipal, sur obligation préfectorale. Ainsi, nous n’avions pas d’autre chose à faire qu’acquiescer ». Lui se dit plutôt « force de proposition » , au point de renvoyer la balle dans le camp de la minorité, « c’est plutôt Viviane Coquillaux qui fait campagne ». Sa réponse à la lettre de « La Ravoire, Ensemble autrement » disait en substance « qu’il n’était pas utile d’être dans la polémique ».

Alexandre Gennaro
Ancien adjoint, délégué à la vie associative et à la jeunesse, il se présente désormais comme membre « de l’opposition » ; « je ne suis plus invité aux réunions de la majorité » , précise-t-il. « Aujourd’hui, je fais beaucoup de propositions, aucune n’a été retenue, nous avons distribué plus de 400 masques, gracieusement, j’ai fait des propositions, je n’ai pas eu de réponse » , se justifie le candidat qui se présente comme « l’homme à abattre » depuis le 15 mars.
L’impact médiatique et populaire de la lettre est néanmoins indéniable. « Pour nous, il dépasse les bornes » , s’agace Yannick Boireaud, engagé pour Ecoexistons à La Ravoire, « je suis désabusé, et par les attaques et par le nombre de » moi je « que je retrouve dans cette lettre, c’est de la récup’, il nous a habitué à ces méthodes » , ajuste le colistier de Viviane Coquillaux. Comme sa tête de liste, lui imaginait que « la campagne était automatiquement en stand-by. A Ecoexistons, nous nous sommes mis à la disposition du maire, il nous a du reste mis à contribution. Lorsque nous faisons des propositions, nous ne nous étalons pas sur les réseaux sociaux. Alors certes, nous regrettons le manque d’informations qui nous sont transmises » , un débat bien ancien, déjà agité de longue date par l’actuelle minorité ravoirienne, « mais l’heure est à l’union. Lorsque le maire fait une réunion, nous trouvons M. Gennaro bien passif pour écrire, derrière, que personne ne répond jamais à ses questions. Nous n’aimons pas ce double jeu ». Cependant, Viviane Coquillaux admet qu’Alexandre Gennaro a « peut-être raison de se montrer si actif sur les réseaux ». Quelle qu’en soit la teneur exacte, la communication tous azimuts menée par le candidat lui assure une visibilité que n’ont pas les deux autres listes. « Mais est-ce que nous serions prêts à tout pour gagner ? » , s’interroge Yannick Boireaud, « certainement pas ».

Le maire regrette des méthodes « vicieuses et malhonnêtes »

« Il n’y a pas d’ambiguïté » , réplique Alexandre Gennaro, « si je faisais campagne comme on me le reproche, j’aurais plein de sujets à sortir. Nous sommes toujours en temps de campagne car rien ne dit le contraire, ce que je constate, c’est que c’est la minorité qui crée l’ambiguïté ». Dernièrement, c’est le versement de 50% des subventions aux associations qui l’a fait bondir : « L’enveloppe globale a pourtant été votée en mars » , a-t-il écrit, le 6 mai, sur sa page Facebook, « je demande le versement intégral afin de ne pas ajouter de problèmes à nos dirigeants.Les élus n’ont même pas été informés de cette décision ». « Je suis élu, je me bats pour ma commune » , conclut-il. 

Frédéric Bret

Dans cette histoire, s’il est nommément préservé, le maire Frédéric Bret reste dans l’œil du cyclone, de par sa gestion de la crise sanitaire – ce qui risque de devenir un véritable argument de campagne, pour toute liste opposée à une majorité municipale, lorsque reprendra la campagne électorale. Il se défend, en tout cas, de vouloir « entrer dans la bagarre ». « M. Gennaro crée la polémique tout en se défendant d’y être. Je rejoins la position de Viviane Coquillaux et je le lui dirai via une lettre de réponse à son courrier. Aujourd’hui, Alexandre Gennaro est membre d’une opposition, même pas d’une minorité puisqu’il s’oppose à tout de façon systématique. Je le considère donc comme tel. Quand je lance un appel pour aider nos anciens, les seuls à ne pas répondre, ce sont eux. Pour la fabrication de masques, ils ont agi de leur côté ». Sur ce point, Alexandre Gennaro a reconnu qu’effectivement, il avait commencé à en fabriquer avant l’appel du 22 avril : « Nous en avions d’abord donné autour de nous, puis une amie s’y est mise, puis le bouche à oreille… C’est après coup que j’ai proposé mes services. » Quant aux subventions, versées ou non en totalité aux associations, le maire préfère attendre de connaître « leurs calendriers de reprise, d’activités car je veux bien donner de l’argent mais pour faire quoi ? Quels sont leurs besoins exacts ? » Il prévoit en outre l’attribution d’une subvention en conséquence du Covid-19, au cas par cas. « Pour certaines associations, ce sera du gras, pour d’autres, ce sera en fonction de leurs contraintes. Nous devrons voir avec elles la réalité de l’impact de la crise et ce sera à discuter avec le conseil municipal ». Sur le pont depuis le lendemain des élections, Frédéric Bret se dit conscient d’être « accusé de tout faire seul. Seulement, des règles nouvelles tombaient chaque jour, une ordonnance donnait tout pouvoir au maire, il y avait une urgence à gérer. Le 7 mai, nous apprenions du ministère Jeunesse et Sports que l’AMEJ (le centre d’animation socio-culturel, NDLR) était autorisée à accueillir des enfants, le 8, l’armistice ne pouvait se faire qu’à deux, puis à quatre. Tous les sujets ont fait l’objet de règles nouvelles, qui arrivaient du jour au lendemain ». 
Toujours est-il qu’il s’est engagé à répondre à Viviane Coquillaux, « je confirmerai par ailleurs qu’ils (Alexandre Gennaro, Jean-Louis Lanfant, Joséphine Kudin, Chantal Giorda et Karine Poirot, tous issus de la majorité Mignola puis Bret de 2014, engagés dans la liste La Ravoire au coeur, NDLR) seront bien membres de l’opposition, je ne les solliciterai plus pour quelque collaboration que ce soit car les méthodes utilisées sont vicieuses et malhonnêtes ».
La Ravoire, la ville qui ne dort jamais…

* L’équipe conduite par Patrick Mignola, élue en 2014, a depuis septembre 2017 été menée par Frédéric Bret lorsqu’il accéda à la députation. Quelques mois plus tard, les premiers signes de désaccords apparaissaient.

** Mercredi 23 octobre, Alexandre Gennaro démissionnait après s’être vu retirer sa délégation relative à la vie associative (lire notre article du 24 octobre). Mardi 3 mars, le maire Frédéric Bret retirait leurs délégations respectives à Chantal Giorda, Jean-Louis Lanfant et Joséphine Kudin (lire notre article du 6 mars).

*** Avec 38,27%, devant Frédéric Bret (31,63) et Ecoexistons à La Ravoire (30,08).

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2 commentaires

Le Dahu

08/05/2020 à 21:42

Très bon titre ! "La Ravoire, la ville qui ne dort jamais" ... le comble pour une ville en passe de devenir une cité dortoir si rien n'est fait !!

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TsarPopa

11/05/2020 à 00:46

Excellent trait d'esprit également. ��

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