La petite commune du Piémont nous avait tant habitués à de rudes soubresauts que la passation de pouvoir entre Gabrielle Koehren et Laurent Filippi sentait le souffre. La désormais ex-maire avait sorti, voici deux mois, un recours de sa manche, contre ce fichu premier tour qui a vu, sur Mouxy, une participation limitée à 43,84%. Seulement, le premier conseil municipal s’est déroulé dans une ambiance assez apaisée.
Imaginez que la différence entre les 15 sièges obtenus par Laurent Filippi et sa liste « Mouxy agir ensemble pour l’avenir » et les 4 attribués à Gabrielle Koehren (« Mouxy ensemble pour un village et un territoire d’équilibre ») n’a été déterminée que par 39 petites voix. Celles manquantes à la seconde pour jouer d’égal à égal avec son successeur. 39 voix, dans un village où la participation a été réduite à peau de chagrin. Entre 2014 et 2020, la commune a vu le taux d’abstention grimper de 33,17% à 43,84, un gouffre. Depuis le départ de Claude Quard, en 2014, Salvatore Fazio avait pris le relais. Mais aspiré dans une tourmente politique, pris pour cible et finalement lâché par bon nombre de ses colistiers, ce dernier avait dû recourir à de nouvelles élections, en avril 2016, imposée par la dislocation de l’équipe municipale. Quatre ans plus tard, Gabrielle Koehren remettait son titre en jeu, en mars dernier. Foutue crise : battue de peu, l’édile avait donc déposé un recours dans la foulée et se justifiait ainsi dans nos colonnes, le 23 avril dernier : « L’allocution du Président de la République juste avant les élections, écartant une partie de la population du scrutin, les injonctions contradictoires de rester chez soi, tout en maintenant le scrutin, » faisait-elle valoir. « Ce n’est pas du tout démocratique, ni égal pour tout le monde, je ne peux pas adhérer à cette situation, c’est un déni de démocratie, les chiffres en témoignent, l’abstention était plus importante de 18 points par rapport aux précédents scrutins, il faut une certaine cohérence, ils auraient pu anticiper ! »
Transmission de savoir et passage de témoin
« C’est la vie de la démocratie, » a t-elle expliqué, en préambule de ce premier conseil, jeudi 28 mai. « Ce que je retiens de ces quatre années, c’est beaucoup de travail, si vous voulez que la commune progresse. Vous avez toutes les cartes en mains mais il va falloir que vous vous remontiez bien les manches (…) J’espère que l’intérêt commun continuera. » Elle s’est par ailleurs satisfaite de laisser les clés du camion avec le plein : « Je pense que la commune sera bien gérée. En 2014, les choses n’étaient pas très faciles car il y avait très peu d’argent. On a reconstitué nos fonds propres et donc, l’équipe qui démarre aujourd’hui aura de quoi travailler tranquillement, c’est une bonne chose ». Procédant à l’élection du maire, elle n’a pas manqué de présenter sa candidature à cette élection interne, « pour le fun » , en présence de ses trois prédécesseurs, Pierre Exertier, Claude Quard et Salvatore Fazio. Bilan, 15 voix en faveur de Laurent Filippi, contre 4. Nathalie Gony, Benjamin Vuillermet, Catherine Ravanne, Carlos Perez et Maud Agnus seront les cinq adjoints, élus au scrutin secret de liste. Le nouveau maire pouvait donc prendre la main
: « Savez-vous combien il y a eu de maires, à Mouxy ? Seulement 18, 18 depuis 1861. Beaucoup d’hommes et de femmes ont partagé, au fil du temps, le même engagement pour organiser la vie de la commune, puis ont été oubliés » , exposait le nouvel édile. Laurent Filippi cédait alors la parole à Claude Quard, maire de 2001 à 2014 : « Les choses ont tellement changé dans les décrets, dans les lois que l’on ne sait plus à quel saint se vouer. Avec l’émergence des grandes structures comme Grand Lac, il est à craindre que Mouxy, un jour, finisse comme Saint-Simond, une commune rattachée à Aix-les-Bains. Mais il ne faut pas oublier que c’est Mouxy qui a fait Aix et non l’inverse car les grandes et anciennes familles d’Aix sont toutes d’origine moussarde ». Un vent de patriotisme communal soufflait sur la salle des fêtes, que l’histoire récente ne peut qu’attiser, tant les joutes pour conquérir la mairie ont été vivaces. « Être maire est une tâche ingrate qui réclame de la disponibilité » , ajoutait, quant à lui, Pierre Exertier, maire entre 1983 et 2001. « Ce n’est pas toujours facile ». Un avertissement pas du tout de nature à effrayer Laurent Filippi, finalement à l’aise dans ses nouveaux habits, qui sait qu’il devra néanmoins composer avec ce recours*, susceptible de rebattre les cartes, si d’aventure le conseil constitutionnel venait à s’en emparer.
Car la loi d’urgence Covid du 22 mars n’a pas été déférée au conseil constitutionnel ce qui fait naître un doute sur la constitutionnalité de ce premier tour. C’est sur ce point que l’association « 50 millions d’électeurs »** se base pour tenter de faire annuler le vote du 15 mars. Le principe d’anticonstitutionnalité sur lequel s’appuie également Gabrielle Koehren. A Mouxy, ce n’est jamais vraiment fini, c’est devenu une norme. En attendant, une nouvelle équipe est en place, plus déterminée que jamais, pour laquelle les choses sérieuses commenceront dès la prochaine séance du conseil, programmée le 8 juin.
* Depuis le 23 mai, il n’est plus possible de déposer de recours puisque dans les communes où le conseil municipal a été élu le 15 mars, à l’issue du premier tour, le délai de recours contre l’élection a été prorogé jusqu’au cinquième jour suivant l’entrée en fonction des futurs conseils municipaux et communautaires. Soit le 18 mai.
** L’association, créée par l’élu LREM Renaud Georges, maire déchu de Saint-Germain au Mont-d’Or, a notamment lancé une pétition en ligne, aujourd’hui signée par 17 163 personnes.
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