article

Chambéry : le parking Ravet doit-il encore rester un sujet de campagne ?

Par Jérôme Bois • Publié le 06/06/20

Le projet Ravet est une réalité alors que le chantier avance et que deux étages sont déjà sortis de terre. Pour cette raison et en dépit des multiples stratagèmes imaginés par ses plus farouches opposants pour le faire capoter, la question mérite d’être posée : le parking Ravet doit-il encore vampiriser le débat électoral à Chambéry ? Pour les deux listes en présence, la réponse est… oui. Explications.

Il cristallise les tensions, il est le symbole de tous les reproches adressés à l’équipe municipale encore en place, le parking Ravet est le sujet qui, invariablement, revient occuper le terrain, au mépris, presque, de toute autre considération. Seulement, alors que le chantier avance bon train, est-il juste que ce thème figure encore parmi les plus prégnants du débat municipal qui oppose désormais l’équipe Michel Dantin à celle de l’attelage Thierry Repentin – Aurélie Le Meur ? Surtout alors que s’annonce une crise sociale et économique sans précédent ?

« Il est symbolique, ce projet »

Pas question ici de revenir sur les prémices du problème, Ravet étant peu à peu devenu un feuilleton sans fin depuis 2016, un sujet maintes et maintes fois évoqué – jusqu’à l’excès parfois, y compris dans ces colonnes*. « Il est symbolique, ce projet » , estime Thierry Repentin, « symbolique de l’histoire de cette municipalité qui se termine, symbolique de sa relation avec les habitants, avec un collectif qui ne demandait qu’à être entendu, comme le souhaitent les collectifs du quartier de la gare, » Sauvons les arbres, de Bellevue…. Il est devenu symbolique d’une méthode, il est typique d’une façon de faire« . La tête de liste de Demain Chambéry voit dans cet ouvrage » un outrage urbanistique « qui bouche » les perspectives menant aux pré Bauges, à la Croix du Nivollet et au monument aux morts du Clos Savoiroux« . Pour lui, le parking est le symbole d’un autre temps alors que partout ailleurs, les parkings en ouvrage sont » cachés comme le sont ceux du palais de justice, de la mairie, voire même de la Falaise« . Il cite alors les exemples de Lyon et Grenoble. » Et Chambéry vivra longtemps avec cette verrue «.

Les commerçants affichent leur soutien au parking.
Bref, le sujet Ravet cristallise tout ce qui dysfonctionne, d’après lui, dans la politique menée par le maire Michel Dantin. « Nous sommes sur la même ligne » , abonde Aurélie Le Meur, déjà pour tordre le cou à certaines rumeurs qui voient dans leur alliance un accord forgé par les circonstances plus que par les idées. « Nous pourrions, si nous gagnons, faire suspendre le chantier et négocier avec le délégataire par ce que ce projet est destructeur, en termes de mobilité, d’attractivité, pour les riverains » … 

Les commerçants en soutien

Pourtant, de nombreux commerçants ont affiché leur soutien au parking (voir illustration), vu comme une nécessité pour contribuer à faire revivre un centre-ville meurtri. Chambéry en Ville, l’union des commerçants, est allé dans ce sens, répétant son soutien plein et entier au projet. « Ils veulent des clients, c’est bien normal, sauf qu’un plan de mobilité, c’est bien plus qu’un ouvrage de 500 places sur sept étages à cet endroit. Il créera plus de problèmes qu’il n’en résoudra » , poursuit Aurélie Le Meur. Tous deux mettent notamment en cause les accès, la sortie, surtout, qui « contraindra à bloquer l’une des deux voies montantes du pont des Amours ». La binôme de Thierry Repentin imaginait des parkings relais en périphérie, plutôt. Les problématiques de désaffection du centre-ville, Aurélie Le Meur les balaie d’un chiffre : « Il y a aujourd’hui 600 places disponibles en heure de pointe à Chambéry » , chiffre qui a fait bondir le maire, Michel Dantin : « Je ne sais pas d’où ils sortent de tels chiffres, il faudrait qu’ils me les trouvent. 600 places, c’est l’équivalent du parking du palais de justice ! » s’est-il insurgé.  Inutile, le parking Ravet ? Pour « Demain Chambéry », la réponse est oui. « Personne ne voit ce parking comme une source d’attractivité architecturale » , observe Thierry Repentin. Son idée, « un parking sous-terrain surplombé d’un aménagement paysager et d’un immeuble d’habitations ». « Ce projet » , poursuit Aurélie Le Meur, « n’a pas été réfléchi alors que les riverains sont les meilleurs experts et qu’ils n’ont pas été sollicités ». 

Développement de la ville : deux philosophies s’affrontent

En face, Michel Dantin, dont Ravet était l’un des principaux projets de sa campagne 2014, souligne à quel point les deux têtes de la liste concurrente étaient opposées sur ce thème avant de parler d’une même voix. Quant à l’initiative des commerçants, elle est, pour lui, nécessaire : « Ils ont compris l’intérêt qu’il y avait à aller au bout ». Sur le débat, il ascène : « Je vois dans ce sujet une cristallisation faute de sujets à attaquer par ailleurs. A l’image d’une autre marotte de nos opposants, qui consiste à dire que nous ne faisons pas de concertation. Or, des initiatives comme la Fabrique du territoire prouvent le contraire. En face, ils agissent comme s’ils avaient été dépossédés d’un pouvoir ». Bien sûr que selon Michel Dantin, Ravet restera un sujet, à défendre face aux attaques qui viennent de toutes parts depuis si longtemps. Pour autant, il assure avoir déjà « essayé de parler d’autres thématiques fortes. On nous annonce une grave crise et l’on n’a encore jamais parlé économie durant cette campagne. Nous avons été à l’origine de Chambéry Grand Lac économie, aucun commentaire n’a été fait sur le maintien ou non de cette structure. On garde, on ne garde pas ? C’est un constat ».  Ravet, dont les travaux ont repris le 27 avril**, est donc vécu comme un idéal, d’un côté, un prétexte de l’autre. « Cette cristallisation du débat autour de Ravet démontre » , ajoute Michel Dantin, « les différentes philosophies du développement de la ville : pour certains, il faut tendre vers la décroissance, la fin de la voiture et l’accès aux mobilités exclusivement douces et de l’autre, la conjonction entre les deux, sans viser la suppression pure et simple de la voiture ».  Pour ce qui est de suspendre et renégocier les termes du contrat liant la ville à Q Park, le délégataire en charge de la gestion du parc de stationnement, Michel Dantin se veut ironique sur les intentions du duo : « Tout est toujours possible, renégocier oui mais à quel prix ? Le marché a été signé entre Q Park et l’entreprise en charge du chantier, toute renégociation se fera au détriment des finances de la ville ». Il cite en exemple la ville d’Ajaccio, en Corse-du-Sud, qui a dû abandonner la construction du parking Campinchi*** dès 2014, décision susceptible de plomber les finances de la cité corse. « Fondamentalement, ils peuvent renégocier le dédommagement des entreprises et du délégataire, j’aimerais mieux ne pas connaître le montant de la remise en cause du projet » , avance, de fait, le maire alors que le coût global du parking avoisine les 12 millions d’euros.

Q Park réclame plus d’un million d’euros

Toutefois, un élément est venu, cette semaine, s’ajouter à cette foire d’empoigne, élément venu tout droit des services juridiques de Q Park, le délégataire depuis juillet 2017 : la ville a en effet été saisie par une demande en indemnisation « à cause des reports et retards de travaux du fait des nombreuses procédures (invasions, recours****) qui ont émaillé la bonne marche du chantier ». Q Park réclamerait ainsi plus d’un million d’euros, ce qui va contraindre la municipalité à d’âpres négociations. En raison des multiples soubresauts dans cette histoire, le parking, dont le permis de construire avait été accordé en septembre 2017*****, sera, au mieux livré en fin d’année voire plutôt, même, début 2021 alors que la livraison était à l’origine programmée pour Noël 2018. A moins que le 28 juin… Ce qui est sûr, c’est que Ravet alimentera encore les discussions et les débats durant cette campagne. Comme depuis 4 ans.

* A lire, notre article du 24 mai 2019 sur les multiples soubresauts qui ont jalonné la mise en route de ce projet.
** Via un communiqué, la liste Chambéry Citoyenne, menée alors par Aurélie Le Meur, avait fustigé la reprise des travaux du parking, fin avril : « La crise sanitaire actuelle nous amène à questionner de façon urgente et profonde notre modèle de société. Elle place au cœur des réflexions les priorités en matière de transition sociale et écologique, et nous rappelle l’urgence de rompre avec des politiques locales dépassées, et de prendre le virage écologique essentiel pour bien vivre dans notre ville. Chambé Citoyenne appelle à l’arrêt immédiat de la construction du ParkingRavet (…) La pertinence d’un projet de construction d’un parking de 500 places de voitures, en centre-ville de Chambéry, aussi coûteux qu’inutile, est plus que jamais discutable. Aussi, nous réaffirmons que le redimensionnement du bâtiment, pour qu’il n’aille pas plus au qu’il ne l’était au 15 mars, ainsi que la redéfinition des termes du contrat de délégation de service public sont autant d’éléments qui doivent être étudiés avec une implication sincère et réelle des citoyen·nes ».
*** Le maire d’Ajaccio avait décidé, en 2014, de dénoncer le contrat qui liait la ville à la société Q Park pour la construction de ce parking, au motif  que des vestiges archéologiques avaient été découverts sur site. Le coût du préjudice était estimé à 10 millions d’euros pour la ville. 13 195 000 euros ont, en définitive, été versés par la mairie à la société Q Park. 
**** A lire notre article du du 26 juin 2019 sur les manifestations survenues sur le site du chantier du parking Ravet. 

***** Invalidé, le permis sera retiré et le projet modifié, à la demande du délégataire. En mai 2018, un second permis sera accordé.

Tous les commentaires

0 commentaire

Commenter