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Francis Ampe : « J’espère un coup de pied dans la fourmilière »

Par Jérôme Bois • Publié le 25/06/20

Maire entre 1977 et 1983, Francis Ampe est, depuis longtemps, sorti de la vie politique chambérienne. Aujourd’hui engagé dans la démarche citoyenne marseillaise « le Printemps marseillais » , il nous livre malgré tout ses ressentis autour de l’évolution de la cité des Ducs et se montre extrêmement critique envers la gestion de Michel Dantin. Entretien sans concessions.

Il espère « un coup de pied dans la fourmilière ». Comme il dit, Chambéry n’est pas un sujet qui le « laisse indifférent ». Forcément, lorsqu’on a été maire de cette commune voici plus de 40 ans*. S’il n’a effectué qu’un mandat, Chambéry a laissé en lui une trace indélébile. Bien qu’éloigné physiquement du contexte politique local, il n’en garde pas moins le verbe aiguisé dès qu’il s’agit de revendiquer certaines réalisations et de pourfendre une équipe qu’il ne juge pas à la hauteur. Car il a un œil toujours alerte, tourné vers sa ville.

« Le saut qualitatif, aujourd’hui, consiste à mettre fin à la voiture »

Sur un strict plan historique, on retiendra que Michel Dantin est entré en politique lorsque Francis Ampe a été sorti de son fauteuil de maire, délogé par Pierre Dumas qui reprenait son bien. C’était en 1983. « Et qu’a-t-il fait en 1983 ? » , interroge-t-il  « Il a cassé toute la dynamique que nous avions mise en place, s’est opposé à la création d’une maison de la culture » , entre autres griefs. « Je ne suis plus chambérien depuis 1983, j’ai vécu longtemps à l’étranger avant de m’établir à Marseille, mais bien qu’éloigné du contexte local, je vois quelqu’un qui se frotte le ventre ». Et comme par magie, Ravet et son parking reviennent sur le théâtre des émeutes : « Ce qu’il fait avec Ravet va à l’envers du cours de l’histoire. A Marseille, un parking silo avait été construit en 1970, puis démoli en 2000. Lui, il en construit un maintenant… Ça fera sans doute plaisir à ses électeurs commerçants ». L’homme pique toujours. « Le saut qualitatif, il y a 40 ans, consistait à développer les transports en commun : ce saut qualitatif, aujourd’hui, consiste à mettre fin à la voiture. Notre mode de vie s’est centré là-dessus ». Il rappelle que si Pierre Dumas avait été à l’origine de la zone piétonne, « c’est mon équipe qui l’a vigoureusement élargie avec la rue Croix-d’Or et la place Saint-Léger ». Bien sûr, la réponse à la disparition de la voiture viendra avant tout d’une prise de conscience et d’un changement de mentalité. Sans doute l’ancien maire militerait-il aujourd’hui pour une démarche plus incitative de la part des pouvoirs publics. « Un parking en centre-ville ne réglera en tout cas pas le problème » , tranche-t-il, bien qu’un silo enterré ne le fasse pas davantage, « ça reste un aimant à voiture ».
Plus généralement, il estime que « cette ville a perdu de son dynamisme par rapport à Grenoble et Annecy ». L’ancien maire place même sa cité en retrait par rapport à ses concurrentes directes, désormais, sur le sillon alpin. Bien que beaucoup d’entreprises viennent s’y installer, bien que l’économie ait été au centre du projet Dantin (et Dullin) de 2014. « Je n’ai pourtant pas cette impression » , concède-t-il, « c’est le sentiment que j’ai ».

« Le Lyon-Turin ne changera pas la vie des gens mais changera l’histoire »

Pour le traduire ce ressenti, Francis Ampe fait resurgir le Lyon Turin, ce mastodonte dont il a vu la genèse. « Être opposé au passage du TGV en gare de Chambéry, c’est ne rien comprendre au positionnement que doit avoir la ville sur cet axe, cet argument est suffisant ». Il est aussi jumeau avec celui exprimé voici quelques jours par Louis Besson, jugeant sévèrement l’action municipale actuelle sur ce seul point. « En 1982 » , poursuit-il, « nous avions invité des officiels italiens, turinois et piémontais, au passage du premier TGV à Chambéry**. J’étais maire, j’avais juré craché qu’un jour, le TGV irait jusqu’à Turin ». Ainsi, les prémices du projet remontent à cette époque, lointaine pour beaucoup, avant qu’arrivent « les grands enjeux environnementaux des Alpes ». Et tant pis si le grand public n’est pas plus attentif que cela au devenir du chantier européen. « Ça ne changera pas la vie des gens, certes, mais ça changera l’histoire. Le Lyon-Turin devrait changer les relations entre Lyon et Chambéry et desservir l’avant-pays savoyard ». D’autant plus intéressant que Francis Ampe possède un bien à Dullin. « J’attends les navettes depuis une éternité, vivement une liaison en train entre Pont-de-Beauvoisin, Lépin-le-Lac et Chambéry ! Le Lyon-Turin devrait le permettre. L’avant-pays savoyard est bloqué par la chaîne de l’Épine, Chambéry Métropole, à l’époque, n’a jamais eu de discussions avec la communauté de communes du lac d’Aiguebelette ». Le Préfet avait choisi de placer les Bauges sous la tutelle de Grand Chambéry, malgré les contestations des représentants des deux entités, « c’est la vision de l’Etat » , soufflera-t-il, sibyllin.

« Repentin, un type costaud… »

Récemment, il a eu l’occasion de rencontrer Thierry Repentin et Aurélie Le Meur, à Chambéry, attelage qui n’est pas sans lui évoquer l’union sacrée des forces de gauche qu’il avait contribué à installer, en 1977 pour remporter les municipales et à l’origine « d’une politique très dynamique » à l’époque. Seulement, l’élection présidentielle de 1981 a joué, « on en avait subi, en 83, le contrecoup ».  Après, bien sûr, Francis Ampe reconnaît « quelques erreurs » dans sa gestion, d’où le retour de Pierre Dumas aux affaires pour un dernier tour de piste.

Avec Aurélie Le Meur et Thierry Repentin, le 23 juin.
« Avant cette date, Chambéry votait majoritairement Giscard ». Une situation finalement comparable à 2014, avec un rejet de la politique de François Hollande qui a contribué à mettre fin à 25 ans de socialisme dans la cité des ducs. « Le mouvement de balancier a été visible dans toutes les principales villes de France » , reconnaît Francis Ampe. Si, donc, Pierre Dumas est revenu aux affaires en 83, il a, au terme « d’un mandat catastrophique » cédé sa place à Louis Besson, vainqueur d’une triangulaire dès le premier tour. Il convient seulement qu’il manque « d’historiens de l’analyse politique » à Chambéry, « une ville qui ne s’étudie pas assez ». Lorsqu’on lui fait observer que la diversité de la presse locale venait à manquer également, il se souvient « que ce n’était pas le cas lors de notre mandat, où tout était observé ». Les temps ont malheureusement changé.
Dimanche 28 juin, il fait le pari que Thierry Repentin, « un type costaud, responsable, avec de fortes convictions sociales » raflera la mise. « Il a les épaules pour devenir maire, et ce en dépit d’un score plutôt moyen. Je note que le maire, pour un sortant, n’a pas de réserves de voix, doit faire face à deux listes et non une seule ». La fusion entre Chambéry citoyenne et Chambéry en commun était selon lui inévitable : « Il fallait qu’ils discutent et trouvent un accord ». Lors de sa visite en Savoie, Francis Ampe assure avoir fait son possible pour « que la fusion se fasse ». Cette liste Demain Chambéry n’est pas sans lui rappeler son « Printemps marseillais »***, que les récents sondages affublent d’un solide 39% des intentions.

* De peu face à Pierre Dumas déjà, avec lequel il était au coude à coude au premier tour.

** Le 26 septembre 1982, la ligne Paris Lyon, prolongée jusqu’à Chambéry, voit passer son premier TGV en gare de la cité savoyarde.

*** Conduite par Michèle Rubirola, la liste « le Printemps marseillais » rassemble les forces de gauche autour d’un projet écrit par les habitants. Une liste dans la lignée des équipes citoyennes et à laquelle participe donc Francis Ampe. Elle est arrivée en tête à l’issue du premier tour avec 23,44%.

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