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Jean Bollon : « La liste commune, je trouve que c’est une très bonne idée, mais je serais curieux de voir qui va la réussir »

Par Laura Campisano • Publié le 26/06/20

Conseiller général du canton de Chambéry-sud de 1986 à 2008, adjoint de 1983 à 1989 alors que Pierre Dumas occupait le siège de maire de la cité des Ducs, Jean Bollon garde toujours un œil sur la vie politique Chambérienne, bien qu’il n’y soit plus actif, et qu’il ne souhaite « briguer aucun mandat ». La campagne qui s’achève l’interroge, à plus d’un titre et c’est pourquoi ce natif de Chambéry, élu durant 32 ans, a accepté de nous livrer le fruit de ses réflexions.
Actuellement président de Savoisienne Habitat, et ce depuis plusieurs décennies, tête de liste lors des municipales de 1989 face à Louis Besson, Jean Bollon reste attentif à cette campagne municipale, bien que refusant d’être présent sur les réseaux sociaux. C’est donc au contact de l’ensemble des maires, partenaires privilégiés en matière d’implantation de logement social sur leur commune, que Jean Bollon reste à l’affût de ce qui se déroule en ce moment… jusqu’à dimanche où il se déplacera – évidemment – aux urnes. 
Quel regard portez-vous sur cette élection et cette campagne, si inédites ?
Elles ont eu un démarrage difficile, même si je n’accuse pas ceux qui ont pris les décisions. Je trouve simplement ça dommage parce que cela fausse les habitudes et peut porter préjudice à certains candidats comme rendre service à d’autres. L’élection municipale est basée sur la rapidité, quand on a eu des possibilités de faire des alliances et des programmes avant, il n’est pas nécessaire de rajouter du temps pour en faire d’autres.

Comme de fusionner des listes à l’instar de « Demain Chambéry » ?
Je ne me prononcerai pas sur cette fusion, ce que je veux dire c’est que c’est une chose de gagner les élections, ensuite, il faut pouvoir durer et que ce soit bénéfique à Chambéry.

A quelques jours du scrutin, de nombreux maires de l’agglomération, des personnalités politiques nationales, ont apporté leur soutien à cette liste : de quoi peser, selon vous ? 
Cela sert à quelque chose, sinon ça ne se ferait pas. Maintenant est-ce que cela a une importance capitale, ça je ne le sais pas… Je pense par exemple que les maires des communes avoisinantes ne devraient pas donner leur avis dans une élection, ni les anciennes personnalités politiques je trouve ça un peu dommage. Personne n’est venu me demander de soutenir une liste. Pourtant je suis encore visible sur le territoire puisque je m’occupe de logements sociaux, mais ils savent bien que j’aurais refusé. Par respect, j’aurais refusé.

La même question peut se poser autour des échanges fleuris auxquels nous assistons sur les réseaux sociaux depuis le début de cette « nouvelle » campagne. Est-ce vraiment utile ?
Personnellement, je ne m’occupe pas du tout des réseaux sociaux, ça ne m’intéresse pas : ça atteint un niveau de gens qui donnent leur avis sans être connus, qui démolissent pour démolir. Non vraiment, ça ne m’intéresse pas du tout et pourtant, j’ai été 32 ans élu donc j’ai quand même quelques connaissances sur le sujet. D’abord ce n’est pas mon style, je ne suis pas fait comme ça, donc je ne peux pas l’admettre. On a tous nos qualités et nos défauts. Après aller dans les fonds de tiroir pour critiquer untel ou untel, c’est tellement ridicule… Je fais ce que je crois devoir faire, et défends ce que je crois devoir défendre.

Et que voudriez-vous que l’on défende, dans cette campagne ?
Ce que je voudrais qu’on fasse, c’est que l’on travaille pour Chambéry. Généralement, il y a toujours une équipe qui remet les compteurs à zéro et dès qu’elle a les moyens pour commencer à faire ce qu’elle voudrait, on change d’équipe et on redémolit tout. Cela s’est déjà vu, par le passé, à Chambéry.

« Le programme de Michel Dantin est réaliste »

Pensez-vous que l’ensemble des Chambériens sera au rendez-vous, au second tour ? L’abstention était tout de même importante, en mars dernier…
Tout dépend qui va voter. Au premier tour, tout le monde en a convenu, de nombreux Chambériens ne se sont pas déplacés. Après, qui n’est pas allé voter ? Je n’en sais rien. Il y a toujours une catégorie de  population qui avait davantage peur que les autres, les personnes âgées, semi-âgées ce que je commence à être d’ailleurs… Il n’y a pas eu beaucoup de procurations au premier tour, bien que je pense qu’elle reste importante.

De votre point de vue, au moment de voter, est-que les gens ont la mémoire courte ou regardent-ils vraiment les résultats ? L’équipe de Michel Dantin met en avant le bilan de son mandat, ce qui est un argument de sa campagne, croyez-vous que cela influence les électeurs ? 
J’espère qu’on regarde le programme, mais je pense aussi que les gens ont la mémoire courte, de manière générale. Bien sûr que Michel Dantin a fait des choses bien, même si je ne suis pas d’accord avec tout, ce n’est pas un satisfecit total. Mais au moins, son programme est réaliste. De l’autre côté, il y a des tas de promesses.

« Les voitures, il faut les garer »

Certains dossiers sont devenus des « nœuds durs » dans cette campagne, comme le parking Ravet…
Ceux qui pensent qu’ils pourront arrêter Ravet n’ont aucune notion économique. Il faut arrêter de rêver : je suis né dans le quartier, je l’ai fréquenté quand j’étais gamin, je passais forcément par là je le connais bien, il y avait le garage Roussel avant et ensuite tout a été modifié. Que l’immeuble soit beau, je n’en sais rien. Je lis que Thierry Repentin veut faire trois étages au lieu de cinq, ça ne veut rien dire pour moi. En revanche, si vous supprimez la possibilité de construire Ravet, ceux qui ont investi là-dedans ils vont dire quoi ? Ensuite, est-ce justifié de faire un parking ? Ce que je sais c’est que lorsque je viens dans le centre de Chambéry en voiture, je ne tourne plus des heures pour trouver une place, je vais directement dans les parkings, je ne dois pas être le seul. Après hors le fait de dire « plus de voitures en ville », il faut quand même les garer. Après je pense qu’il faut faire confiance aux gens.

Compte-tenu de votre connaissance du territoire, quel regard portez-vous, sur les communes encore en attente d’un conseil municipal, qui se retrouvent dans des triangulaires ? 
C’est contre le maire souvent. Est-ce que vous avez imaginé que, peut-être, un maire puisse ne pas plaire ? Prenez le cas de Barberaz ou du Bourget-du-Lac, les maires n’y étaient pas toujours aimés. J’ai remarqué, par exemple pour La Ravoire, que quand même pas mal d’élus se sont désolidarisés de Frédéric Bret, comme Jean-Louis Lanfant que je connais bien. Je suis épaté. Les triangulaires, quand vous regardez attentivement, c’est le maire sortant qui est pris pour cible. A contrario, si vous prenez certaines communes comme Cognin, il y a quand même deux anciens maires au conseil en plus du maire en place : la normalité, c’est qu’on parte, on ne peut pas rester, ne serait-ce que pour le maire élu. Comment peut-on prendre des décisions par soi-même dans ce cas-là ?

La personnalité du maire, est-ce que ça compte beaucoup pour les électeurs ? 
Bien sûr, que ça compte. Je pense par exemple que Michel Dantin aurait dû sortir beaucoup plus qu’il ne l’a fait. Je trouve ça dommage qu’il n’y ait pas plus de relationnel avec la population. Maintenant il est vrai qu’on ne voit plus le maire autant qu’avant, moi je n’ai jamais demandé de rendez-vous avec le maire, je n’en ai pas besoin. Il a une équipe, une bonne équipe d’ailleurs, la sortante était bien aussi. Vous savez pour avoir une bonne équipe, il faut des gens en qui vous pouvez avoir une parfaite confiance, que vous ne soyez pas obligé de vous retourner tous les 30 mètres pour voir si derrière il n’y a pas un fusil qui se pointe. Je l’ai connu, ça. J’ai fait un mandat avec Pierre Dumas, ça n’a pas été triste. Pas avec lui : en dehors des réunions qu’on avait en commun, quand j’avais besoin de quelque chose, ça marchait, il ne m’appelait jamais, ça filait tout seul. Mais il y avait toujours ceux qui voulaient prendre la place des autres.

N’est-ce pas beaucoup une affaire d’ego, tout cela? 
Vous savez, déjà, pour se présenter, il en faut un peu, ne rêvons pas. Mais il y a beaucoup de gens qui veulent après être « calife à la place du calife » et pas pour des raisons logiques et techniques. Juste parce qu’ils ne trouvent pas ça bien que certains soient sous la lumière et pas eux. Et à cela s’ajoutent les problèmes de partis politiques, qui ne favorisent pas les choses. Je suis président de Savoisienne Habitat depuis 35 ans et je cherche à passer le relais depuis un certain temps, ce n’est pas simple de pouvoir faire confiance.

« Il faut accepter de ne pas être le meilleur »

Les partis politiques ont-ils encore une importance aujourd’hui, surtout à l’échelle communale selon vous ?
Ils ont le mérite de clarifier les choses. Mais ça n’empêche pas de travailler en équipe comme je le fais avec Marie-Noëlle Lienemann*.  Nous ne sommes pas du même bord politique** et pourtant j’aime beaucoup travailler avec elle. Au sein du conseil d’administration de Savoisienne Habitat, je peux vous dire que je ne connais pas du tout les appartenances politiques des administrateurs, ça ne m’intéresse pas, nous ne sommes pas là à ce titre-là. On partage nos avis, on essaie de se convaincre quand on n’est pas d’accord.
Aux élections, si la personne qui se présente (comme tête de liste, NDLR) n’est pas suffisamment forte par rapport à ceux qui sont dans les partis politiques, c’est assez dommage. J’ai vécu une période où l’on avait le respect de l’autre, de l’équipe mise en place. Quand je suis rentré au Conseil général, il y avait Jean Blanc, des tas de gens qui étaient âgés, ceux-là je les ai respectés. Jamais ça ne me serait venu à l’idée d’aller piquer la place d’un de ceux qui avaient permis à Michel Barnier de gagner. Et ça, c’est le respect de l’autre. Il faut accepter qu’on n’est pas toujours le meilleur, des fois il y en avant nous, on attend la place.

Vous pensez que ce n’est pas le cas, dans cette campagne ? 
Je pense surtout que certains ont oublié qu’ils voulaient gérer la ville. Les programmes ne sont pas toujours faciles à respecter, tant qu’on n’est pas en place on ne connaît pas tout. Les budgets ce n’est pas une chose qu’on lit uniquement dans les livres, il faut connaître les tenants et les aboutissants. Il y a des choses qu’on peut faire ou ne pas faire. Dans toutes les campagnes que j’ai fait, je n’ai toujours promis que ce que je savais pouvoir tenir, eh bien il y en a où je n’ai pas été élu. Pourtant, il faut le faire de ne promettre que ce qu’on sait pouvoir faire. Il y a toujours ce qui vient s’intercaler entre les promesses, ce qui n’est pas prévu, comme le Covid, ça ce n’était pas prévu. Il faut faire des choses qui soient réalistes, que les choses ne soient pas faites tout le monde finira par le comprendre.

Qu’attendez-vous de ce scrutin de dimanche soir ? 
D’un côté nous avons une équipe que l’on connaît, et dont on sait ce qu’elle a fait, de l’autre une équipe « reconstituée » dont on ne sait pas ce qu’elle va faire, et même si tout est prévu il y a toujours le petit grain de sable qui peut arriver. On ne sait donc pas comment ça va se passer. J’attends dimanche soir. La liste commune vous savez, je trouve que c’est une très bonne idée, mais je serais bien curieux de voir qui va la réussir.

* Marie-Noëlle Lienemann est présidente de la Fédération nationale des sociétés coopératives d’HLM et sénatrice française. Au parti socialiste depuis 1971, elle l’a quitté en 2018 pour créer le parti « gauche républicaine et socialiste ». Elle a été députée européenne et ministre déléguée au logement du gouvernement Bérégovoy et secrétaire d’Etat au logement du gouvernement Jospin. 

** Jean Bollon a été élu sous la bannière RPR-UDF, parti tombé en désuétude en 1999, devenu l’UMP puis les Républicains aujourd’hui. 

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