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Les opinions du Petit Reporter : tu seras de droite, petit gaucho

Par Jérôme Bois • Publié le 12/06/20

Il y a quoi… allez, quatre semaines, une insinuation – publique tant qu’à faire parce que propagée via nos vociférants réseaux sociaux – faisait de nous de valeureux petits soldats de droite. Sur une terre de droite. Aux ordres, si vous préférez. « Il n’y a que des personnalités de droite ou presque qui ont été interrogées » , nous lançait une candidate, au sujet d’un article qui ne traitait pourtant pas de la campagne municipale en tant que telle mais plutôt de l’opportunité de la date du 28 juin pour un éventuel second tour. Le tribunal de l’inquisition se mit alors en branle : « Quels sont vos critères ? » « Pourquoi eux et pas nous alors que notre score était supérieur, au premier tour ? » Accusé journaliste, lève-toi, ton bourreau t’attend. Et il est, pour le coup, de gauche.
Et puis, deux semaines plus tard, voici qu’un autre blâme nous était adressé, sur un exploit personnel (soit tout le contraire d’une attaque placée et construite, en somme) nous ramenant à notre statut de gauchistes partisans. Pourquoi, me demanderez-vous ? Eh bien parce que nous avions eu l’audace de traiter le sujet d’une liste obtenue par fusion des forces de gauche. Difficile de parler UMP, RN ou MoDem lorsqu’un tel sujet ne nous l’impose pas, loin s’en faut. Et puis vous savez, 80% des journalistes sortant des écoles voteraient à gauche, paraît-il. De quoi donner des ailes à nos pourfendeurs qui n’avancent pas tous masqués, persuadés que le journalisme est inféodé. Toutefois, nous dans tout ça, à notre niveau, on s’y perd un peu.
Les élections sont une période de tourments dont nous sommes (devons être) les rapporteurs objectifs. Nul besoin ici de vous rabâcher le refrain lancinant de la probité journalistique dont nous prétendons nous honorer. Seulement, en dépit de nos efforts les plus sincères, voici que nos (hypothétiques) convictions politiques se mettraient à danser au gré du vent, au gré de nos sympathies, de nos rapports amicaux, voire de nos amitiés. Il est heureux que le Rassemblement national ou la France Insoumise n’aient pas eu voix au chapitre dans ces élections, sur le bassin chambérien, on aurait eu tôt fait de nous placer tantôt à un extrême, tantôt à l’autre. Un grand écart que seul Jean-Claude Van Damme aurait assumé sans trembler des genoux. Sauf que nous ne sommes pas belges, ça vient peut-être de là. A dire vrai, nous y avons eu droit, une fois. Pour avoir donné la parole au parti cher à Marine, sur Aix-les-Bains, il y a quelques années, l’auteur de ces lignes s’était retrouvé au banc des accusés. Par des gens opposés à leurs idées, naturellement… En toute objectivité, cela va de soi.
Dans cette cacophonie supersonique qui n’honore certainement pas ses auteurs, il est utile, cependant, de rappeler quelque chose : tous les candidats se sont joyeusement affichés « sans étiquette » un peu partout, l’équivalent d’une « marque repère », désormais. Et c’est donc la presse que l’on vilipende volontiers et que l’on étiquette tels des bovins en batterie. Nous avons, nous autres journalistes, un point commun avec les politiques qui nous ciblent (pas tous, fort heureusement), nous avons le bon goût nous aussi (si, si) de signer nos forfaits. Enfin, pour ce qui est de la neutralité que nous impose la tâche ardue d’informer, nous nous interrogeons : que penser de l’objectivité d’un élu, candidat, sympathisant qui nous accuserait de privilégier les uns plutôt que les siens ? La réponse, quelque part, est contenue dans la question.

J.B.

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