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Louis Besson : « Si la participation au second tour n’augmente pas, c’est que la désertion des urnes était délibérée »
Par Jérôme Bois • Publié le 21/06/20
Solidement harnaché à son « bébé », le Lyon-Turin, dont il est le plus fervent supporter, Louis Besson n’en demeure pas moins un observateur avisé de la vie municipale de tout un bassin de population. Ancien maire de Chambéry puis président de l’agglomération, ancien ministre socialiste, Louis Besson analyse pour nous la campagne, les résultats du premier tour et affiche ses préférences pour Thierry Repentin, avec qui il a étroitement collaboré.
Pas du tout présent sur les réseaux sociaux, l’ancien ministre ne vit pas le climat de tension qui transpire depuis plusieurs jours. Plus intéressé par le fond que la forme, il observe avec acuité le débat municipal en cours et ne manque pas de fustiger l’équipe en place, coupable à ses yeux de ne pas faire du Lyon-Turin le moteur de la décarbonisation des Alpes. Entretien.
Quelle lecture faites-vous des résultats du premier tour, en général ? C’est difficile d’avoir un avis. La ville centre polarise l’attention. Je note néanmoins qu’à Cognin, les électeurs ont porté un candidat à l’écoute (Franck Morat, candidat divers gauche, élu avec 55,78%, NDLR), disponible et c’est réconfortant. Cognin était un point sensible compte tenu de l’OPA lancée par l’ancien maire de Vimines, Lionel Mithieux, que tout le monde voyait gagnant.
Il a d’ores et déjà déposé un recours… Oui, comme dans quelques milliers de communes en France mais ce recours vise à mettre en cause les effets de la crise sanitaire plus qu’une éventuelle irrégularité. Il y aura une décision du conseil constitutionnel, nous verrons.
Marina Ferrari, candidate à Aix-les-Bains, nous a expliqué que cette élection avait été, du fait de cette crise et de la forte abstention qui en a découlé, « perdue pour tout le monde » , y compris pour les vainqueurs… Il y a eu des votes moins nombreux, certes. Ceux qui ont été dissuadés d’aller aux urnes modifieraient-ils, pour autant, le rapport de force apparu à l’issue du premier tour s’ils s’y étaient rendus ? Il faut spéculer. J’espère simplement que la participation au second tour sera supérieure.
Y croyez-vous ? Hum… Pas sûr. Mais cela voudrait dire que la désertion des urnes était délibérée. Une fois, on peut incriminer la crise. Deux fois, non.
« Un courant vert » sur Chambéry
Que vous ont inspiré les résultats chambériens, jusqu’ici ? En premier lieu, je constate la faiblesse du sortant. Faire moins de 40% lorsqu’on est maire sortant est extrêmement rare*. Les 15 points d’avance le sont sur deux candidats, pas un seul, deux candidats d’ailleurs parfaitement à égalité. Cette avance n’est donc pas significative. Les deux réunis représentent donc près de 45%, ce qui est important.
Il se dit que ces 22% étaient une réussite pour l’une, une déception pour l’autre… Je note surtout qu’il y a un courant vert qui traverse Chambéry.
… déjà observé lors des Européennes**…
Effectivement. Donc, je ne peux dire s’il y a eu déception d’un côté et victoire de l’autre. Le second tour sera ouvert et deux sensibilités aujourd’hui éliminées ont appelé à voter pour la liste regroupée (en dehors du PCF, NDLR).
Pensez-vous que cela se jouera à une petite centaine de voix, comme il se dit, çà et là ? Si tel est le cas, c’est qu’il y aura eu un report massif des électeurs de Christian Saint-André vers la liste Dantin. Ce qui est curieux, tant il s’est montré, tout au long de la campagne, critique envers l’équipe en place.
C’est le jeu… C’était pourtant particulièrement dur. Du reste, après son appel à l’union sacrée, tout les candidats l’ont écarté. Personne n’en a tenu compte.
Trouvez-vous que nous avons eu droit à une campagne de fond plus qu’à une campagne de communication ? La liste citoyenne a beaucoup évoqué la méthode, comme la concertation et la participation citoyenne. Les semaines à venir vont s’ouvrir sur une confrontation autour des projets.
Seulement maintenant ? C’est comme ça quand il y a pluralité de listes au premier tour, ça ne facilite pas les choses. Je n’ai pas vu de débats majeurs mis en place, durant cette période.
Que pensez-vous de l’attelage composé de Thierry Repentin et Aurélie Le Meur ? J’ai trouvé qu’il y avait beaucoup de points de convergence sur le plan des projets. Je ne sais pas s’il y a eu des dissensions sur le fond.
« Le parking Cassine ? L’horreur du siècle ! »
Le débat municipal se concentre beaucoup autour des parkings… Sur le plan des parkings, très polarisant, quoi que j’aie pu dire, ça n’a servi à rien. L’heure n’est plus aux parkings en silo. Il faut travailler sur des projets souterrains avec des surfaces constructibles. Mon idée de départ était de créer, à Cassine en vis-à-vis de la passerelle de la gare, un parking souterrain de 800 à 1 000 places avec, au-dessus, le siège de l’agglomération, dont les départements sont aujourd’hui dispersés. Les compétences eau, assainissement et urbanisme, qui intéressent particulièrement les communes périphériques auraient ainsi été situées sur un point de convergence. A la place, vous y verrez l’horreur du siècle*** !
Et le projet Ravet ? Il est à un point de convergence de deux entrées de ville, pour ceux qui viennent de La Ravoire et Barberaz, via le quai Ravet, et ceux qui viennent de Saint-Jean-d’Arvey, Saint-Alban, via la rue Docteur-Desfrançois. Il aurait dû être en souterrain, pour valoriser le foncier. Un chemin arboré pouvait desservir Mérande à la place de la petite rue supprimée. Au lieu de cela, c’est l’horreur ! Le problème n’est pas la voiture, le problème c’est de la faire vivre avec les autres modes de transport.
Vous n’êtes pas de ceux qui crient « haro sur la voiture » ? Il faut la contenir, la maîtriser. Par exemple, le parking du Palais-de-Justice ne m’évoque aucun regret. Michel Dantin justifie de ne pas avoir construit Ravet en souterrain au motif qu’il y a la nappe phréatique. Mais tout Chambéry est située sur la nappe ! Ce n’est pas un argument crédible. Alors certes, c’est plus cher mais le prix du terrain en surface est tellement élevé que créer de l’habitat par-dessus permet de compenser largement. Là, ce silo, c’est du saccage, du gaspillage de foncier, de la qualité de ville.
C’est le sujet symbole ?
Non parce que pour moi, la majorité actuelle a fait un choix fort, elle a fait le choix d’un tracé du Lyon-Turin qui ne passe pas par Chambéry. C’est ça, le sujet symbole ! Elle rejette cette possibilité, cela me semble aberrant, une faute colossale ! J’avais négocié avec Grenoble et Annecy pour que la gare internationale soit à Chambéry****.
On en parle peu, dans cette campagne… C’est pourtant fondamental. Je souhaite la défaite de cette équipe pour cette hérésie. C’est un gaspillage de chances fondamental. Tout ce qui porte sur la décarbonisation dans les Alpes tient à ce projet, pour eux, ça semble n’avoir aucun intérêt.
Avez-vous été sollicité, d’une façon ou d’une autre, durant cette campagne ? Je ne le prétends pas. J’ai cependant terminé la rédaction d’un texte, le bilan de 25 ans d’implication politique, de 1989 à 2014. C’est toute une analyse, duplicable. Je la remettrai aux candidats.
Vous n’avez même pas été consulté ? J’ai eu quelques conversations avec Thierry Repentin, il a piloté mon cabinet de 1989 à 1995*****, nous avons travaillé ensemble. Ce n’étaient que des échanges.
Y’a-t-il pourtant des particularités typiquement chambériennes qui justifieraient que l’on fasse appel à vos éclairages ? J’ai une relation qui est au niveau de l’affect avec Chambéry. J’ai grandi ici, j’aime cette ville et elle me l’a rendu. Beaucoup de gens m’arrêtent dans les rues. Le respect de ces gens est dans l’intelligence des propositions qu’on leur fait.
Ce frisson électoral vous manque ? Je m’intéresse toujours autant au débat de fond, oui !
* En 2001, Louis Besson avait été élu dès le premier tour avec 50,56%. Il n’était pas tout à fait maire sortant puisqu’André Gilbertas lui avait succédé en cours de route, lorsque l’élu chambérien avait été nommé ministre. En 2008, Bernadette Laclais, maire depuis 2007, avait été élue au premier tour avec 50,14%. En 2014, elle n’avait réalisé que 35,99%.
Plus loin de nous, maire de 1977 à 1983, Francis Ampe avait réalisé 45,77% au premier tour des élections municipales de 1983, battu par Pierre Dumas. Ce dernier ne se représentera pas en 1989.
** Lire notre article du 31 mai 2019.
*** Le parking Cassine disposera de 500 places. Les travaux, interrompus le 17 mars, ont repris le 15 avril dernier.
**** Xavier Dullin, président de Grand Chambéry, assure qu’en privilégiant un itinéraire sous le massif de la Chartreuse comme accès prioritaire au tunnel de base, le tracé, composé de deux tubes, permettrait de mixer fret et voyageurs, impliquant des liaisons TER et TGV via la gare de Chambéry. Un choix vivement contesté par Louis Besson et par l’ensemble de l’opposition chambérienne.
***** Directeur de cabinet de Louis Besson à la mairie de Chambéry, entre 1989 et 1995, l’actuel candidat entre également au cabinet ministériel de ce dernier quand celui-ci devient ministre du Logement sous le gouvernement Jospin.
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1 commentaire
Unknown
21/06/2020 à 20:51
Les indications en rouge sont intéressantes, mais proprement illisibles et désagréables à l'oeil dans cette couleur.