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Marie-Pierre François : « au Bourget-du-Lac, j’ai géré la crise avec mes tripes »

Par Jérôme Bois • Publié le 20/06/20

Le Bourget-du-Lac, huit jours avant la décision. Trois candidats, trois fortunes diverses. Parmi eux, Marie-Pierre François, 62 ans, maire depuis 2014. A l’époque, 14 voix avaient fait la différence*. Et demain ? A en juger par les scores du premier tour, Nicolas Mercat file vers un sacre annoncé (47,33%). « Le jeu de la démocratie » , selon elle. Mais rien n’est joué tant que…
La situation est simple, « nous sommes trois candidats » , un postulat que l’actuelle maire trouve « dommage » , la faute à l’absence de tout accord durant cet énorme entre-deux tours. « Nous n’y sommes pas arrivés » , confesse-t-elle, sans plus d’animosité, notamment à l’égard de Franck Guissant, troisième le 15 mars, avec 22,99%, quand Marie-Pierre François glanait 7 points de plus (29,66). « Ma liste a, je trouve, un excellent bilan, nous avons réalisé tout ce qui était prévu. Je souhaitais recentrer nos compétences autour de l’écologie, c’est pourquoi j’ai choisi d’intégrer Franck Barruel, responsable de la plateforme formation à l’INES, dans ma liste ».

Que répondez-vous à Franck Guissant qui prétend que vous êtes la candidate dissidente, en raison de la défiance de votre majorité, il y a un an** ? Les résultats du premier tour me donnent de la légitimité. Certains sont partis mais je conserve ma légitimité de maire. Je lui ai, du reste, tendu la main.
Était-il possible de repartir avec un attelage qui s’est scindé dans un passé récent ? Nous sommes là pour les Bourgetains, nous pouvions nous mettre ensemble à leur service. Nous avons chacun des torts, il y a eu des incompréhensions mais sur une vision de l’avenir, nous pouvions nous accorder. C’est le jeu de la démocratie. Je n’ai pas d’aigreur, je suis juste un peu déçue. Il faut savoir dépasser les querelles.

« La ville a été très bien tenue »

Franck Guissant, troisième, devait-il s’effacer ? J’aurais trouvé cela logique, rester est son choix, je le regrette. Je respecte néanmoins ce choix.
Avez-vous discuté avec lui, durant le confinement ? Je l’ai appelé pour évoquer le vote du budget, au conseil municipal, prévu le 16 juin, que nous avons  finalement déplacé. La discussion était très calme, je n’ai pas eu la sensation qu’il était contre. Personnellement, avec la crise, j’ai tout arrêté pour me concentrer sur ma commune. Ça a révélé une solidarité certaine chez les habitants. J’ai essayé de communiquer, toutes les semaines, un réseau d’entraide s’est créé. L’idée était que personne ne devait être laissé sur le carreau. Nous avons appelé tout le monde, je communiquais régulièrement, les bénévoles se sont mobilisés pour la confection de masques, un collectif a fait des visières, je suis allée voir les socioprofessionnels pour les rassurer, nous avons permis une remise de loyer pour les commerces en souffrance. Nous avons été globalement vigilants, ça m’a pris toute mon énergie. Derrière mon ordinateur, je n’ai pas arrêté et les gens ont tous été satisfaits. Les services techniques ont été présents, la ville a été très bien tenue.
Est-ce que cela sera déterminant, selon vous, au moment d’aller voter ? Ce que j’ai fait est dans la continuité de ce que j’ai fait auparavant. J’ai été élue, certes, d’une courte tête, avec 14 voix d’avance. Nous sommes regardés, c’est vrai. Pourtant, j’ai été le maire de tous les Bourgetains, j’ai géré la crise avec mes tripes, je ne l’ai pas fait pour m’attirer des voix. Sur le programme, la crise a amplifié la réflexion sur l’importance de la santé et dans notre programme, justement, figure la maison de santé que nous souhaitons créer. Je ne découvre pas les sujets.
Vous partez pourtant de loin, au vu des scores… S’il n’y avait pas eu cette scission, en unissant nos forces, nous ne serions pas passés avec 14 voix d’avance seulement, comme en 2014, c’est sûr. Ce n’est pas la guerre pour autant, les habitants choisiront. Nous sommes des gens responsables, je ne suis pas dans un état d’esprit agressif. J’ai un bon bilan.
Qu’avez-vous pensé de la sortie de Dominique Dord***, qui a affiché son soutien à votre liste ? Il n’y a pas que lui, il y a aussi Jean-Pierre Vial, sénateur de Savoie**** ! J’y suis sensible. Lui a été maire du Bourget et à l’origine de la création de Savoie Technolac.

« Pour une femme, c’est plus difficile »

Quelles sont vos relations avec Dominique Dord ? C’est-à-dire ?
Il s’est peu engagé dans cette campagne, cette sortie est inhabituelle… Il est délicat de porter un jugement sur son propre travail, je suis quelqu’un de travailleur, qui aime aller au contact des gens, j’ai assisté à un maximum de réunions, à Grand Lac, Chambéry Grand Lac économie, Métropole Savoie… Peut-être que ces sorties étaient la reconnaissance de mon travail. Dominique Dord est un homme de consensus, j’ai apprécié sa façon de diriger l’agglomération, où chacun peut s’exprimer, où les gros ne bouffent pas les petits. Quant à Jean-Pierre Vial, j’ai beaucoup d’échanges avec lui. Je ne suis pas encartée, je ne suis pas politique, dans une commune de la taille du Bourget, c’est le projet qui prédomine. Sur de plus grosses villes, la couleur politique est plus marquée.
Que penser de cette élection, avec ces taux d’abstention record (47,81%  au Bourget) et la crise qui a éloigné les deux tours ? Une élection, c’est une élection. Dans trois ans, on ne vous demandera plus quelle a été l’abstention, c’est comme ça. Sur l’opportunité de laisser le premier tour se faire, je pense que c’était malvenu. La dernière semaine, je n’ai fait aucune réunion publique ; celle du vendredi 13 mars, j’ai préféré l’annuler. Mes concurrents ont pu en organiser mais ont eu peu de monde. D’un commun accord, avant le second tour, nous avons, tous les trois, décidé de ne pas en organiser Il y a toujours un problème de confiance en l’autre, cette crise a laissé des traces Nous ne sommes pas là pour nos petites personnes Et pourtant, j’en ai entendu des choses, sur mon compte…
Sur votre « autoritarisme »***** ? Ça me fait sourire. On sait que pour une femme, tout est plus difficile. Mais si l’on fait preuve de fermeté, c’est perçu comme de l’autoritarisme. Un maire doit prendre des décisions, il est souvent très seul, quand il faut trancher, on dit qu’il fait preuve d’autorité, c’est comme ça.
Et les attaques sexistes, ont-elles existé ? Non. J’ai beaucoup d’humour, j’ai 62 ans, les gens qui vous attaquent sur votre sexe, vous pouvez facilement les remettre à leur place.
Quelque chose a-t-il changé, pour vous, en vous, dans votre liste, avec le confinement ? J’ai une équipe de gens compétents, la crise a mis en avant la solidarité. Les incidences financières, c’est autre chose. Dès le début, j’ai demandé à mes colistiers de s’impliquer. Faire partie d’une équipe, c’est s’engager. Lorsqu’on est élu, on doit être irréprochable, être sur le terrain et connaître le fonctionnement d’une commune et de la vie d’un territoire. C’est passionnant, notre commune est riche, de son lac, de Technolac, du tourisme et la politique n’est pas un monde de bisounours, il faut s’engager. Ce sera difficile, après le 28 juin, difficile pour tout le monde, pour les familles, les élus. Il faudra être présent.

* 944 voix contre 930 à Edouard Simonian. Deux résultats inférieurs au nombre d’abstentionnistes (1024).

** Un vote d’investiture avait eu lieu en interne, vote auquel avait refusé de prendre part Marie-Pierre François. Une seule personne s’était abstenue. Franck Guissant avait alors été désigné candidat. C’était en mai 2019.

*** « Ma position personnelle est simple. J’ai des amis dans les deux équipes. Mais il n’y a qu’un choix possible. Il faut nous rassembler tous derrière Marie-Pierre François pour éliminer l’équipe de gauche, la plus éloignée de nos convictions. C’est la simple logique des élections à deux tours (…) J’appelle donc l’équipe de Franck Guissant à respecter le résultat du premier tour, à surmonter leurs désaccords avec Marie-Pierre François, et à faire barrage à une aventure verte et rose au Bourget. Je sais combien c’est difficile pour eux. Mais c’est important pour le Bourget, c’est important aussi pour notre agglomération Grand Lac et pour l’équilibre politique de notre Département ». 

**** « Marie-Pierre François aura démontré pendant le mandat écoulé sa capacité à gérer et conduire efficacement la réalisation, de projets importants et nombreux dans un contexte difficile souvent méconnu du grand public (…)C’est donc dans un souci de rassemblement pour l’avenir, où la Commune du Bourget du Lac doit tenir toute sa place dans la Communauté d’agglomération Grand Lac, que je lui apporte mon soutien ». L’ensemble du propos de Jean-Pierre Vial est à retrouver sur le site « Ensemble continuons ».

***** Franck Guissant avait notamment expliqué au Petit Reporter, le 18 novembre 2019, que « déjà, Mme François a un caractère difficile mais je me suis aussi rendu compte, au fil des années, de mensonges et de manipulation, par moments ».

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