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Retour en classe : des chiffres encourageants à Chambéry et un casse-tête financier à venir autour d’un éventuel maintien du dispositif 2S2C

Par Jérôme Bois • Publié le 09/06/20

A l’occasion du tout dernier conseil municipal de cette mandature, lundi 8 juin, les élus ont apprécié le retour progressif des élèves chambériens en classe. Avec près de la moitié de retour dans les écoles, les chiffres attestent de cette évolution positive. Seulement, le dispositif éducatif 2S2C, coûteux, pourrait, s’il venait à être confirmé en septembre par le gouvernement, ne pas être reconduit à Chambéry, faute de moyens financiers.
Dans une configuration une nouvelle fois exceptionnelle, avec 15 élus en présence et la possibilité de recevoir plus d’un pouvoir, le conseil municipal, dernier de la mandature*, a été expéditif. Muriel Jeandet, adjointe aux affaires scolaires, en a néanmoins profité pour dresser un premier bilan du retour en classe des élèves chambériens, un bilan en demi-teinte même si l’élue a salué « la montée significative de la fréquentation en classe » depuis les 11 et 18 mai.

Récupérer les élèves des quartiers sensibles, « un défi de société »

A ce jour, près de 2 100 enfants ont repris le chemin de l’école, soit 48% des élèves. Des chiffres malheureusement disparates, selon les secteurs ; ainsi, sur les Hauts de Chambéry, ce pourcentage est largement plus faible (23%). « Les arrivées se confirment » , se félicitait toutefois Muriel Jeandet. « Nous savons que l’objectif des 100% fixé par le ministre de l’Education nationale** sera difficile à atteindre, beaucoup de familles ne sont pas encore prêtes » , notamment à l’école Pasteur et du Biollay, où « des mamans ne veulent pas que leurs enfants retournent en classe ». « La priorité », poursuivait-elle, « avait été donnée aux enfants de grande section de maternelle et de CM2 », ils sont 50%  à avoir réintégré l’école.

Muriel Jeandet, adjointe aux affaires scolaires
« Le point qui me fait le plus souci » , reprit Michel Dantin, « sont les enfants des quartiers sensibles qui sont aujourd’hui les moins présents à l’école et les plus éloignés d’un retour. Il me semble que nous devons avoir tous conscience de l’intérêt d’un retour en classe. Nous devons inciter les familles à les y remettre, c’est un vrai défi de société ». Pour le maire, ces difficultés sont liées « aux craintes des parents, peut-être même des relations que ces parents ont eu avec l’école ». Il n’est pas étonnant, dès lors, que les quartiers « où les familles bénéficient d’un quotient familial élevé voient la fréquentation de leurs écoles plus élevée qu’ailleurs ».

Comment financer les 2S2C en septembre ?

Mais le retour à une scolarisation n’est pas le seul point dur de ce déconfinement progressif, entamé le 11 mai au matin : le fameux 2S2C (pour sports, santé, culture et civisme), dispositif « éducatif et ludique » destiné à compléter le travail en classe et / ou à la maison en offrant aux élèves de la grande section au CM2, des activités éducatives sur le temps scolaire, lancés de façon progressive à Chambéry depuis le 2 juin. Dans les faits, lorsque l’élève n’est pas en classe, le dispositif 2S2C permet de proposer des activités sur le temps scolaire, dans le prolongement des apprentissages et en complémentarité avec l’enseignement. Depuis le 18 mai, les élèves sont scolarisés en groupe (d’un maximum de 15 en élémentaire, 10 en maternelle). Ils ne sont pas présents tout le temps sur tout le temps scolaire, « des parents en ont fait le choix » , expliquait Muriel Jeandet, « ils suivent les cours à distance tandis que les autres sont en classe. Certains suivent ce parcours 2S2C, mis en place depuis une semaine. Pendant le temps scolaire, de 8h30 à 16h, ils sont en dehors de l’école, sur un autre lieu d’accueil ». Ce dispositif vise à réduire les inégalités et à assurer une continuité pédagogique à travers la pratique sportive, l’éducation à la santé, artistique et culturelle (y compris la culture scientifique) et les activités en matière d’éducation au civisme et à la citoyenneté.

Une dernière séance clairsemée
30 établissements scolaires sur les 36 que compte la ville se sont engagés dans ce parcours, soit 162 enfants (200 pour la semaine à venir pour 250 places disponibles). Un travail de mise en place colossal, fruit d’une collaboration entre l’Education nationale, les services de la ville et les 14 associations sollicitées.

« Ça ne remplacera pas les enseignements fondamentaux »


Pour la période de juin, c’est le report des crédits sur avril et mai (lire notre article du 22 mai) qui en permet le financement. Cependant, si ce dispositif venait à être reconduit en septembre, les choses seraient autrement plus délicates à gérer pour le maire : « Dans l’état actuel du budget, la ville n’est pas en capacité de faire perdurer le système. L’Education nationale nous annonce une dotation de 115 euros par jour par groupe de 15 élèves, ce n’est pas avec 115 euros pour 15 enfants que l’on arrivera à le faire fonctionner. Je rappelle que nous devrons continuer à le faire fonctionner le mercredi, le samedi, les fins de journées etc. dans les maisons de l’enfance et dans les centres sociaux. Ce serait une dépense supplémentaire qui, pour l’instant, n’est pas inscrite au budget ». Depuis 1882, l’école est obligatoire, Jean-Benoît Cerino, par ailleurs enseignant, rappelait que pour la première fois « sans doute en 138 ans, elle est devenue facultative ». « La tentation » , ajoutait-il, « est forte de faire perdurer cette méthode en septembre. C’est une démarche pertinente dans la situation actuelle, au mois de juin. Ça interroge d’un point de vue financier, certes, mais aussi sur ce principe fondamental qu’est l’école obligatoire. Cela ne pourra pas s’inscrire dans la durée et ne remplacera pas les enseignements fondamentaux qui ont toujours fait la qualité de nos écoles ».
De nombreux maires des communes environnantes ont déjà affiché leur désaccord sur le financement de ce parcours, porté par les seules finances municipales.

* De nombreux élus ne siégeront plus, parmi lesquels Bernadette Laclais, Guy Fajeau, Jean-Pierre Ruffier, André Péllicier, Pierre Pérez, Mustapha Hamadi, Philippe Bretagnole, Françoise Bovier-Lapierre ou encore Josiane Beaud, faute de figurer dans l’une des deux listes engagées dans le second tour des élections municipales.

** Le 29 mai, Jean-Michel Blanquer, ministre de l’Education nationale, s’était fixé un objectif clair pour la rentrée de septembre : accueillir tous les élèves à l’école. « C’est un devoir impératif. Nous allons préparer une vie de l’élève qui sera à plein temps à la fois en petits groupes, en travail en autonomie, et avec des activités culturelles et sportives. La prochaine année scolaire sera particulière mais ces aménagements pourront même être un levier de progrès pour les élèves ».

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