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Chambéry : tirés au sort sur les listes électorales, Jean-Pierre Casazza et Sabrina Haerinck siègent aujourd’hui au conseil municipal de Chambéry

Par Laura Campisano • Publié le 16/07/20

Issus de la liste « Chambé Citoyenne », Jean-Pierre Casazza et Sabrina Haerinck ont un autre point commun : ils font tous deux partie des quatre candidats tirés au sort sur les listes électorales, afin de constituer la liste qui a ensuite fusionné avec « Chambéry en commun ». Aujourd’hui, respectivement adjoint à la culture et conseillère municipale en charge des questions sociales, de la protection des animaux et du vivant, ils nous expliquent leur parcours, pour le moins atypique, du tirage au sort jusqu’au conseil municipal. 
La démarche, nous vous en avions parlé à l’aube de la campagne du premier tour, puisqu’à La Ravoire, le mouvement citoyen « Ecoexistons » avait lancé la marche, talonné de près par le « Mouvement citoyen Grand Chambéry », cinq ans après Cognin, où l’initiative avait échoué. La liste « Chambé citoyenne » menée par un quatuor de tête avait fait de même et sur les 100 personnes tirées au sort, quatre ont intégré la liste, deux la liste finale. Jean-Pierre Casazza et Sabrina Haerinck en sont issus et siègent aujourd’hui au conseil municipal de Chambéry, prouvant qu’il est possible d’imaginer la citoyenneté autrement. 

Tirage au sort sur les listes électorales, une nouvelle manière « d’enchanter la politique locale »?

Jean-Pierre Casazza (@ Nadine Court Photographe)
« Très heureux d’être élu à Chambéry », Jean-Pierre Casazza, enseignant spécialisé a endossé ses habits d’adjoint à la culture le 4 juillet dernier lors de l’installation du conseil municipal de la Cité des Ducs. Il se souvient de son arrivée dans « l’aventure » , par la réception d’un courrier émanant du mouvement citoyen « m’indiquant la démarche. J’ai trouvé qu’il s’agissait d’une façon originale de constituer une liste, sans » tête «, sans leadership ». se rappelle-t-il, « il y avait trois manières d’entrer dans la démarche citoyenne pour créer cette liste : soit nous étions volontaires, soit nous étions proposés par d’autres, soit, ce qui fut mon cas, nous étions tirés au sort sur les listes électorales. » 
Intrigué, l’enseignant décide d’aller voir, « je suis curieux et poli, alors j’ai décidé d’en savoir plus » sourit-il, « j’ai assisté aux réunions, aux discussions, j’ai écouté, observé, rencontré différentes personnes. Puis j’ai signé la charte, qui nous reliait, par des valeurs partagées. Ce qui m’a interpellé, c’est la démarche horizontale, assez différent du fonctionnement actuel de nos institutions. » Tant et si bien que Jean-Pierre Casazza a eu envie de poursuivre, acceptant d’être lui-même force de propositions et participant activement aux discussions, passée la phase d’observation. Pourquoi ? « Cela répondait sans doute à une attente que j’avais à ce moment-là, j’avais beaucoup de réticence vis-à-vis de la politique, au point de voter blanc, de plus en plus souvent. Je n’avais aucune envie de m’engager en politique, mais la démarche du mouvement citoyen m’a convaincu. »  précise-t-il. Ainsi, pour l’élu chambérien, c’est cette démarche qui l’a réconcilié avec la politique locale, l’engagement citoyen, l’envie qu’ont sans doute de nombreux habitants sans pour autant savoir comment l’exprimer. Est-ce voué à se démocratiser pour autant ? Trop tôt pour le savoir, même si tous deux espèrent ardemment pouvoir agir, de leur mieux, mais aussi de pouvoir motiver d’autres citoyens à s’engager dans la vie locale. Jean-Pierre Casazza, originaire de Chambéry, est un passionné. De son métier d’enseignant et d’arts, en général.
A la tête d’une école de théâtre durant 15 ans, « porter un projet collectif » a toute son importance quand il s’agit d’ouvrir la culture à tous, « à l’échelle locale, la politique culturelle doit s’appuyer sur tout le monde », reprend l’élu, « tant dans la culture au sens large que dans la place de la culture à l’école, il faut que ce soit réfléchi, pas tape à l’œil. Mon idée est de démocratiser la culture, j’ai des envies fortes en matière d’éducation culturelle et artistiques, de mettre en avant des artistes locaux en les aidant à expliquer leur démarche artistique, à les doter de lieux. » Épaulé, entre autres, par le chorégraphe Philippe Vuillermet, Jean-Pierre Casazza sait qu’il aura à ses côtés « quelqu’un qui sait se mettre au service de l’autre, qui aime expérimenter les choses. La culture devra en tous les cas irriguer tous les champs d’actions municipales, c’est un des actes que nous nous sommes fixés. » 

« Je m’aperçois de jour en jour de la responsabilité que nous avons en étant qu’élus »

Sabrina Haerinck

L’un comme l’autre sont non seulement élus au conseil municipal mais également titulaires au conseil communautaire. Impressionnant, quoiqu’on en pense, pour Sabrina Haerinck, qui n’avait jamais occupé de poste d’élu jusqu’alors « je suis contente d’y être, mais je m’aperçois de jour en jour de la responsabilité que nous avons en tant qu’élus. J’étais une habitante lambda, sans passé politique, j’allais voter mais sans avoir d’engagement dans des partis ou des associations, j’étais dans ma vie, » explique celle qui, de son Nord natal, a rejoint la Savoie depuis les années 2000, en tant que saisonnière pisteur-secouriste. Egalement pompier volontaire durant plusieurs années, puis reconvertie comme aide-soignante, puis monitrice éducatrice, Sabrina Haerinck n’a peut-être pas de passé politique mais elle a une mission de vie très claire « aider : que l’on soit élu ou pompier, en fait il s’agit du même engagement, celui de faire en sorte qu’on puisse se rendre utile, recréer du lien. » Lors de la fusion de listes, Sabrina Haerinck a souhaité poursuivre le chemin, ne pas s’arrêter là, puisqu’elle avait en tête l’objectif de s’engager pour la cause animale. Et la voici déléguée en charge de la protection des animaux et du vivant, d’une part, afin « d’améliorer les choses, que la mairie s’investisse en faveur du cadre de vie, des animaux non seulement les chats et chiens mais aussi les oiseaux, la biodiversité, les espèces protégées. » Par exemple, sa deuxième délégation ? En toute logique, aux côtés de Christelle Favetta-Sieyès, attachée au pôle social en charge de la lutte contre les précarités. « Par rapport à mon parcours, à mes connaissances sur les dispositions de droit commun, je sais que je peux apporter ma pierre à ce pôle avec une question : que peut-on faire pour que les gens soient moins en difficulté qu’ils ne le sont, tout comme je me demande comment habiter le même territoire en vivant en bonne harmonie avec la nature et la biodiversité. » 
Finalement, les priorités de tout un chacun, portées au devant de l’action municipale. Et c’est un peu ce qui peut sembler désarçonnant, dans le fait de se voir propulsé(e) d’une simple inscription sur les listes électorales jusqu’à Grand Chambéry et la mairie. « Le fait d’avoir été tirée au sort est un bouleversement », consent-elle, « mais je ne sais pas si le tirage au sort est la seule solution pour remettre de la démocratie dans la vie locale. Beaucoup ne s’inscrivent pas sur les listes, ce n’est pas leur priorité. Moi-même, pendant des années, j’allais voter mais je voyais que le système ne me convenait pas. Ceci dit, le tirage au sort amène un œil neuf, une fraîcheur, certains diront une certaine naïveté… Mais je reste convaincue que quelle que soit notre compétence on peut prendre une place dans la citoyenneté, que toutes les individualités peuvent s’accorder, même si ce n’est pas facile, pour aller dans la même direction. J’espère que notre expérience, à Jean-Pierre et à moi, pourra motiver plus de monde à s’engager comme nous l’avons fait. Nous y travaillerons notamment avec l’adjointe en charge de la citoyenneté, pour que les gens deviennent acteurs ! » 
Quant aux craintes, légitimes face à l’ampleur de la tâche, bien sûr, elles existent : beaucoup de choses à apprendre dans un temps record, des procédures et un avenir assez incertain si l’on s’en  tient aux crises qui sont déjà en cours. Mais ni Sabrina Haerinck, ni Jean-Pierre Casazza ne perdent leur carburant confiance.  « Nous sommes un collectif aux valeurs très claires, très nettes, l’expérience nous jugera », philosophe Jean-Pierre Casazza, « il faut se confronter au réel, aller de l’avant. Je ne pensais pas que nous en serions là, il faut que nous continuions à avancer, ne pas se croire déjà arrivés. Si au bout de six ans, nous avons évolué sur notre façons d’envisager la culture, alors nous aurons fait du bon boulot. »  L’enthousiasme de la nouveauté peut-il cohabiter avec la réalité du terrain ? Et si le réenchantement passait effectivement par de nouvelles formes de gouvernance ? Expérimentation en cours dans la cité des Ducs. 

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