A-t-on encore le droit de perdre une élection et de repartir au devant du premier combat venu ? Le dégagisme semble avoir gagné une large frange de l’opinion publique qui ne pardonne nulle faiblesse et veut faire haro sur le vieux monde. Michel Dantin, lui, n’aura eu besoin que de trois semaines pour se trouver un nouveau défi, entre municipales et sénatoriales, ce qui a eu le don de provoquer une vague de désapprobation au sein de l’opinion, soutenue par quelques élus peu en phase avec ce qu’ils appellent « un recasage ». Alors, a-t-on le droit de perdre sans en souffrir ?
Michel Dantin a vu une vague de sympathie le submerger, ce lundi 20 juillet. Suggéré par Jean-Pierre Vial, sénateur en exercice, son nom était devenu une évidence depuis ce 28 juin fatidique qui a vu l’ancien maire de Chambéry abandonner son fauteuil au profit d’une mouvance citoyenno-écologiste de gauche. Dans les cordes, il se murmurait déjà, le soir même, que l’homme, impliqué dans la vie municipale depuis 1983, allait lâcher une bonne fois le dernier mandat qui lui restait encore pour jouir d’une retraite paisible. La proximité avec les sénatoriales a tout changé. « Je souhaite que ce choix, les électeurs n’aient pas à le regretter. Ce n’est pas mon choix, ce n’est pas ma conception des choses » , devait-il déclarer le soir même de sa défaite. Le départ semblait proche, et puis… Désormais engagé avec Martine Berthet, qui avait remplacé au pied levé un Michel Bouvard sur le départ en 2017, Michel Dantin a donc reçu des félicitations de toutes parts. Mais pas que… Et c’est à se demander si au-delà de la loi qui l’autorise, il a été bien avisé de se lancer dans une nouvelle campagne alors que la plèbe appelle à la modération et au rejet des veilles modalités politiques…
Éloge de l’entre-soi
« On perd, on se retire ». C’est le tribunal populaire qui le dit et il est devenu impitoyable avec la politique traditionnelle. « La soupe est bonne » , « les élus se croient propriétaires des mandats » , « c’est de l’égocentrisme » … La vie politique, c’est comme la fonction publique, on y est on y reste. « Aucun renouvellement, ce n’est que du recyclage » , regrettait Ludovic Vulliermet. « Quand on prend une veste, il reste au minimum l’élégance de s’écarter de la vie politique » , lance un autre internaute. Ce courant de pensée laisserait apparaître qu’il est désormais mal perçu de retenter sa chance après avoir perdu au grattage. Particulièrement virulente, Christelle Favetta-Sieyès, aujourd’hui adjointe au maire à Chambéry, s’était attaquée à l’ex-député européen, le 20 juillet, elle n’a pas mâché ses mots : « Perdre, tout le monde perd. L’air du temps est à une forme de dégagisme ou plutôt d’immédiateté, un événement chasse l’autre. » Renouvellement « est le mot le plus entendu ces derniers temps, or la politique a besoin de stabilité sinon, ça changerait tous les ans ».
Mais cette désignation l’a agacée à plus d’un titre : « Je viens de perdre et me voici tout de suite candidat à autre chose, j’ai l’impression que le suffrage universel direct n’a pas été respecté, c’est un mauvais message qui vient de nous être envoyé ». « Une question se pose » , s’interroge Gaëtan Pauchet, adjoint à Chambéry et suppléant de Thierry Repentin au département, « la légitimité de celui qui se représente alors qu’il a perdu en son nom propre et non en équipe, cela me paraît difficile de se sentir légitime pour représenter les communes. Est-ce pour soi ou pour continuer à changer les choses ? Quel projet présente celui qui perd une élection ? » Sa collègue reprend : « Les sénatoriales s’apparentent à un entre-soi : je me fais désigner par les collègues du parti et surtout, en devenant sénateur, je deviens l’élu des élus, le maire des maires, pour synthétiser. Quelqu’un qui vient de perdre une mairie s’apprête donc à devenir le représentant des maires ? Il n’a plus d’exécutif local et va représenter ceux qui en ont, c’est fou ! » Pour mémoire, les élections sénatoriales opposent des grands électeurs, élus locaux, régionaux, nationaux. Le peuple n’a donc pas son mot à dire.
Un problème de délai entre les deux échéances
Défaite aux législatives de 2017, le bruit avait couru que Christelle Favetta-Sieyès serait candidate aux sénatoriales qui suivirent. « J’ai perdu aux législatives, je me suis mise à l’écart alors que l’on a fait courir le bruit selon lequel j’aurais été candidate au Sénat ». Dernièrement, Hervé Marseille, président du groupe Union centriste au Sénat, lui a proposé d’y aller, « j’ai refusé, ce n’était pas mon moment. Un parcours, ça se construit ». « Quand on perd une élection » , insiste Gaëtan Pauchet, « on a une leçon à retenir, pour prendre un minimum de recul, une introspection, ce qui a marché ou moins marché. Il faut se montrer digne de confiance auprès des gens. »
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