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Les opinions du Petit Reporter : le désenchanteur

Par Jérôme Bois • Publié le 13/07/20

Mon dieu quelle connerie ! Quand on a la prétention de laver plus blanc (si je peux me permettre cette expression racisée), il eut été préférable de tourner sept fois sa main dans son baril d’Ariel liquide avant de prendre pareille décision. Le remaniement ministériel a été l’affront de trop fait à la France du milieu et d’en bas. Ces élites qui charrient quantité de procédures derrière elles continuent de truster les accessits et c’est Jaurès qu’on assassine !
Dernier exemple en date, le choix du Darmaflic à l’Intérieur. Gérald Darmanin, qui avait eu le bon goût de se faire oublier à l’action et aux comptes publics a réapparu comme par magie sous l’habit de premier Robocop de France. Riche idée, n’est-il pas, lui qui est justement visé par une enquête pour agression sexuelle ? D’ailleurs, ne nous y trompons pas, la France de l’émotion s’est d’ores et déjà dressée en mur de vertu contre lui. Ce weekend encore, du reste, n’ont-ils pas été des milliers à défiler (sans masques) et à crier au loup ? Les féministes, partisanes du « Nous toutes », et nouveaux experts (improvisés) en droit pénal y sont allés avec le creux de la cuillère, brandissant à bout de bras des pancartes bordant de très près la diffamation. Il est toujours plus facile d’avoir raison à plusieurs que tout seul. Et l’émotion dicte sa loi.
Cette nomination était une connerie monumentale. Mais pas parce que ce brave homme au physique plutôt quelconque a mal agi. Ça, c’est à la justice d’en décider et jusqu’à preuve du contraire (preuves que ces milliers de manifestants semblent détenir avec la conviction des meilleurs procureurs), le néo ministre est innocent ou présumé comme tel. C’est la loi. C’est dur, mais c’est la loi. D’ailleurs, la certitude ne provient-elle pas d’une vision tronquée des choses ? 
Non, ce qui agace, c’est que voici plusieurs années, nous nous interrogions sur comment réenchanter la politique. L’expression a resurgi lors du second tour des municipales, comme un heureux hasard.  François Hollande avait bien livré ses modestes recettes aux médias, l’année dernière, au détour d’un bouquin opportun, « Répondre à la crise démocratique » paru quelques mois après son précédent recueil, « Leçons de pouvoir ». Aaah… si seulement il était aussi facile de gouverner que d’écrire des pamphlets… Plus loin de nous, « Libé » se posait déjà la question, c’était en 2014. L’écroulement des partis, la montée des populismes, la désertion des bureaux de vote, autant d’éléments à charge contre cette antique modèle politique quand, pourtant, jamais autant de Français ne se sont intéressés à la chose publique. Les dernières municipales ont envoyé un avertissement sans frais au pouvoir, le peuple (celui qui a voté, pas l’autre) veut prendre la main et dire stop au copinage. 
J’ai souvenir d’un rédacteur en chef qui avait eu l’audacieuse absence de perspicacité de me dire que la politique, les gens s’en foutaient comme d’une guigne. Sous prétexte qu’ils n’allaient plus voter. Désespéré par autant de pertinence et de finesse analytique, j’ai, depuis, pris le maquis. Non, ils ne prennent pas la politique en horreur. Et oui, ils se détournent des hommes qui la composent. Ils veulent réinventer le système, l’horizontaliser, en somme. Nommer un Darmanin susceptible d’être rattrapé prochainement par la patrouille est le signal que notre système politique est un baril de lessive bon marché incapable de laver plus blanc en plus d’être une brosse au poil élimé, impropre à donner le coup de balai définitif à cette classe politique cryptée comme au meilleur des années Canal. Toutefois et n’en déplaise à tous ceux et toutes celles qui se sentent offensées par ce remaniement, notre nouveau ministre n’est pas un violeur. Pas encore, diront-ils. Peut-être. D’ailleurs, si ces pénalistes du dimanche l’avaient été aussi les autres jours de la semaine, ils auraient inclus dans leur disque dur le concept de diffamation. Parce qu’ils risquent gros à accoler le terme « violeur » à son nom. Comme ceux qui s’étaient donné le droit de qualifier l’ancien maire de Chambéry d’assassin après le décès de l’infortuné Lakhdar Bey, en juillet 2019. Aucun juge ne s’est encore prononcé sur une quelconque culpabilité et la manif’ qui a battu le pavé parisien samedi 11 juillet tout comme les 12 manifestantes qui ont fait le pied de grue devant la place Beauvau la semaine dernière n’ont pas autorité pour en décider autrement.  
Ce que nous voulons, ce que tout le monde veut (!) ce sont des représentants vertueux de nos institutions. Des gens qui ne sont pas le système mais qui le font. Le message envoyé aux Français par Jean Castex et Emmanuel Macron, voici deux semaines, a mis le doute en copie et le rejet en pièce jointe. Tant que l’ombre planera au-dessus de nos élites, le peuple se détournera d’elles. Si seulement il pouvait aussi s’exonérer de condamnations hâtives…

J.B.

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