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Michel Dantin : « Après un premier mandat très difficile, j’en visais un deuxième pour faire rayonner Chambéry »

Par Jérôme Bois • Publié le 27/07/20

Les campagnes se suivent et ne se ressemblent pas pour Michel Dantin. A peine la municipale achevée, le voici, depuis le 22 juillet, de nouveau engagé dans une nouvelle opération séduction, en vue des sénatoriales de septembre. Promis, l’ancien maire chambérien s’est bien remis de l’échec de juin et analyse pour nous cet épisode électoral à nul autre pareil.

Un homme tranquille, parti en campagne, encore, en vue des sénatoriales de septembre.
Il a donc répondu à l’invitation de Jean-Pierre Vial, sénateur en exercice sur le départ. Pour ce dernier, un seul nom lui vint à l’esprit à l’heure d’envisager son successeur pour seconder Martine Berthet, celui de Michel Dantin. En cas de défaite bien sûr. « J’ai eu beaucoup de doutes et d’interrogations » , nous a confié l’intéressé. Il faut dire qu’il ne s’est dit programmé ni pour le Sénat, ni pour l’échec à la mairie. Tout arrive. On le voyait prendre sa retraite politique, le voici reparti pour un tour de piste. Un voyage inattendu.
On vous imaginait vous arrêter, au soir du 28 juin… « J’avais dit, déjà, que selon moi, un maire battu ne devait pas siéger au conseil municipal. Mes colistiers m’ont demandé de rester encore quelques semaines, le temps que les choses se mettent en place mais je ne resterai pas au-delà du mois de septembre. Pour ce qui est des sénatoriales, c’est quelque chose que je n’avais absolument pas en tête. Je prends toujours du temps pour réfléchir aux choses, vous savez. Quand Hervé Gaymard m’avait proposé de rejoindre son cabinet, en 2002, j’ai pris six jours de réflexion.
C’est une habitude de venir vous chercher. Vous vous faites désirer ! J’ai toujours besoin de sentir que je peux apporter quelque chose. De nombreux élus, surtout de petites communes m’ont dit qu’avec mon expérience, il serait dommage de se priver de mes services.
Vous n’y allez donc pas pour vous ? Non, pas du tout. Je me suis promené pendant 17 ans avec ma valise, entre le cabinet de Gaymard et le parlement européen. Je n’avais pas en tête de la reprendre. Il aura fallu que des gens importants, pour moi, et pas nécessairement de grands élus, me poussent pour que j’y retourne.

Les débats pour les sénatoriales seront-ils radicalement différents de ceux que vous avez connus ?
Oui, ce sera très différent, au-delà du débat droite-gauche, le sénateur est le représentant des élus locaux, qui cherchent leur place, qui ont des soucis administratifs. J’ai travaillé en tant que membre d’un cabinet ministériel et en tant que député européen, dans les deux cas, j’ai 1 000 fois préféré travailler avec le Sénat qu’avec toute autre assemblée. L’Assemblée nationale est dans la politique politicienne, les coûts, etc. Au Sénat, les membres n’ont pas la même notion du temps, ont une hauteur de vue et de vraies compétences. Ce sont des types qui connaissent les sujets.

Pourtant, l’Assemblée nationale a toujours le dernier mot…
Mais les textes sont systématiquement enrichis par le Sénat en seconde lecture. Qui s’est au passage vraiment rajeuni, la moyenne d’âge oscillant entre 57 et 58 ans… En fait, si je suis élu, je risque de faire monter cette moyenne à moi tout seul (rires) (il y a eu 60 ans en janvier dernier, NDLR). Les élus locaux sont très attachés aux sénateurs, c’est le conseiller qu’on appelle pour faire avancer un dossier.

Plus qu’un député ?
Oui, le député, c’est l’affaire du grand public. Le sénat, c’est la chambre des collectivités. Il est au contact des élus locaux. Un petit mot sur Jean-Pierre Vial, qui arrête, il a une démarche de passage de relais qui mérite le respect «.

« Thierry Repentin a gagné en obtenant moins de voix que Bernadette Laclais, défaite au second tour de 2014 »

Impossible d’éluder le choc qu’a constitué le résultat du scrutin municipal, un sale moment à passer, pour celui qui avait viré en tête – et largement – à l’issue du premier tour. « Ce n’était pourtant pas ma première défaite électorale* » , rappelle-t-il. Seulement, sans la crise, avec un second tour le 22 mars, peut-être aurait-il surfé sur sa réussite initiale, peut-être la coalition de gauche n’aurait pu se former, peut-être que tout aurait été différent, finalement. La vague verte et rose était forte, trop forte, elle a submergé des villes majeures comme Bordeaux, Marseille, Paris, plus proche de nous Annecy, Chambéry n’a pas fait exception. Reste à dresser le bilan de cet échec, de cette campagne qu’il juge assez « correcte » et de son passage de six années à la mairie.

En dépit d’une campagne dense, avec de nombreuses réusnions publiques, Michel Dantin considère qu’elle n’a jamais véritablement démarré.
Dans votre discours d’introduction à l’intronisation de Thierry Repentin, le 4 juillet, on a senti comme une mise en garde adressée à la nouvelle équipe. « Je ne voudrais pas que certains tombent dans la facilité. La situation financière de Chambéry reste fragile, nous disposons d’infrastructures qui plombent les finances, comme la médiathèque. Ces choix passés pèseront encore longtemps.
Après le mandat » du sale boulot «, vous pensiez pouvoir incarner un projet neuf ? Le contexte du moment est tel que les préoccupations des gens étaient ailleurs. De nombreux Chambériens ont choisi de ne pas choisir. 60% d’abstention, alors que le maire est traditionnellement l’élu le plus aimé, c’est très paradoxal. Ce n’est pas Thierry Repentin qui a gagné, c’est davantage Aurélie Le Meur, du reste. Elle avait la dynamique avec elle.
Et Thierry Repentin ne représente que 20,22% des inscrits chambériens, au final… Cette élection devait-elle vraiment se tenir ? Il m’a manqué 5 000 voix par rapport à 2014. Mais lui a gagné en obtenant moins de voix que Bernadette Laclais, vaincue au second tour en 2014**. Ça veut tout dire ! J’étais contre la tenue du scrutin en juin, il valait mieux tout recommencer à l’automne. Aujourd’hui, nous sommes en pleine trouille sanitaire et s’annonce une terrible crise économique. A Chambéry, au passage, on remarque qu’il y a de nouveau des cas de malades de la Covid-19 admis en réanimation***.
En outre, il y aura quand même du retricotage à faire dans les institutions. Les élus locaux ont été les grands bannis de cette première partie de quinquennat. Les Gilets jaunes ont eu le don de les réhabiliter. Ils expriment leur mal-être. Thierry Repentin a été élu par la majorité des votants, il a la légitimité, même s’il a été élu de manière fragile.

« La pire campagne que j’ai connue ? Celle opposant André Grosjean à Gratien Ferrari, à Aix »

Était-ce une campagne « dégueulasse »? Entre les fausses affiches, les invectives par écrans interposés, les faux profils…  Je publie, sur les réseaux, mais je ne réponds jamais. On ne sait jamais qui se cache derrière tel ou tel compte bien que l’on finisse toujours par le savoir. Sur cette affiche appelant au boycott des commerçants qui soutiennent le projet Ravet, j’espère que la plainte déposée (par les commerçants, NDLR) va prospérer. On m’a beaucoup parlé des images de vidéosurveillance, je remarque que ceux qui la réclamaient dans ce cas étaient ceux qui étaient opposés à la vidéo.
Lorsque l’eau de la fontaine des éléphants avait été colorée en jaune, en novembre 2019, par des militants écolos, vous aviez pu visionner les images. Pourquoi ne pas l’avoir fait dans ce cas précis ? Pour la fontaine, il y avait eu réquisition de la police nationale. Des réquisitions, il y en a eu, il me semble, 82 sur l’ensemble de l’année 2019, ce qui a permis d’élucider un grand nombre d’affaires. Mais moi seul, je n’ai pas le droit de réclamer un visionnage, c’est au procureur d’en faire la demande. Après, dans l’ensemble, je n’ai pas trouvé que la campagne avait été très tordue, elles ne le sont jamais en Savoie, j’ai juste souvenir d’une campagne entre André Grosjean et Gratien Ferrari dans les années 80 à Aix, la pire que j’ai connue.

Avez-vous pensé avoir eu une belle campagne de fond ?
Non, j’ai beaucoup regretté qu’il n’y ait eu aucun grand débat de fond, c’est même une grande tristesse. J’ai participé à quatre débats télévisés, on ne nous a posé que des questions de cornecul. On est resté sur des bouts de machin, sans grande importance. Avant le premier tour, la campagne n’avait pas démarré, puis est arrivée la crise de la Covid. Enfin, le projet du parking Ravet a fait le reste.

Nous n’aurions donc pas fait notre boulot, nous autres, journalistes…
Je regrette qu’il n’y ait pas eu de débat de meilleure tenue. On ne nous a posé aucune question de projets à projets : notre vision pour Chambéry à l’échelle 2040, comment faire rayonner la ville, économiquement parlant…

Ravet a aussi vampirisé le débat (lire notre article du 6 juin)… C’était quoi le problème avec ce chantier ?
Je n’ai pas de problème avec mais nos opposants en ont fait un symbole par rapport à la voiture. Pour moi, ce projet avait un véritable objectif en termes d’attractivité pour le centre-ville.

Vos opposants n’étaient fondamentalement pas opposés à la voiture…
Les gens qui habitent Saint-Pierre-de-Curtille, par exemple, ils viennent à Chambéry, ils ne vont pas garer leur voiture sur un parking à la Trousse, comme certains ont pu le suggérer, pour ensuite prendre un bus jusqu’au centre. Pour celui qui fait des allers retours fréquents, c’est différent. Ceux qui sont contre ce parking ont une vision urbaine des choses, or Chambéry n’est ni Paris, ni Lyon. A Lyon, nous sommes sur d’autres enjeux, d’autres tailles, d’autres comportements. On m’a dit et reproché qu’en 20 ans, Chambéry avait gagné 10 000 habitants, ces gens ne voulaient plus que la ville s’ouvre à de nouveaux arrivants. Je suis du reste frappé qu’en Savoie, de nombreuses listes préconisaient l’arrêt du développement de leur commune. Ce discours m’apparaît surprenant.
Mon objectif politique, au final, consistait à augmenter le revenu moyen des habitants, Ravet faisait partie de cet objectif d’attractivité et de rayonnement.

Si vous l’aviez proposé en souterrain, vos opposants vous auraient-ils reproché la même chose ?
Oui, tout à fait. Or, en creusant, on est dans le rocher. La loi sur l’eau de 2006 a considérablement modifié les choses, on ne peut plus faire le même type de parking qu’au Palais-de-Justice, le cadre réglementaire a changé. Sur Cassine, où le projet de parking a été beaucoup critiqué, je rappelle qu’il a toujours été prévu à cet endroit. Louis Besson avait demandé une étude pour installer un immeuble de bureaux au-dessus. Ce n’était pas viable «.

Michel Dantin voit en Alexandra Turnar une personnalité au fort potentiel.

« Le 28 juin, vers 17h, les électeurs ont recommencé à se mobiliser et ont fait la différence »

Quelques jours avant le scrutin du second tour, tout semblait rouler pour le candidat : les réunions en livestream remplaçaient les réunions publiques, la présence sur le terrain s’était bien intensifiée et surtout, à la veille du scrutin, les rumeurs allaient bon train. « Un membre du camp d’en face m’avait soufflé qu’ils pensaient avoir perdu, le samedi soir, alors que nous, de notre côté, nous ne sentions rien. On entendait ce que disaient les gens. Il y a toujours un décalage entre la rumeur et les faits ». Victime d’une vague, Michel Dantin conçoit tout de même ne pas avoir tout bien fait : « Si j’avais tout réussi, le résultat aurait forcément été différent, il ne faut pas évacuer votre action de l’équation ». Ce n’était donc pas uniquement de « la faute à pas de chance. »  Quant aux hommes et aux femmes qui ont composé son équipe, tous n’ont pas répondu aux attentes…

Le dimanche 28 juin, dans la journée, comment vous sentiez-vous ?
« Vers 17 heures, j’ai été alerté par beaucoup de présidents de bureaux qui m’indiquaient que les gens se mobilisaient en masse juste avant la clôture. Le matin, vous avez les personnes âgées, plus légitimistes. En fin de journée, tout a basculé avec cette population plus de gauche, elle a fait la différence. Il existe une incompréhension entre l’ex droite-gauche et l’écologie, il me semble, il y a ceux qui veulent la traiter par la technologie et ceux qui ont une approche plus philosophique. Fatalement, on en peut pas se comprendre.

L’écologie serait donc devenue un fourre-tout…
Regardez aux Déserts, la liste citoyenne a été battue, Extinction Rébellion a recommencé à se manifester autour du projet de déviation, notamment. La crise de la Covid a remis en cause le mouvement de mondialisation. Le réchauffement climatique, le bilan carbone, ce sont de vrais sujets. Il reste moins de 2 000 m² de terres agricoles par habitant sur la planète, ça dit bien quelque chose !

Avez-vous le sentiment d’avoir loupé quelque chose, durant vos six années de mandat ?
Le bilan que j’en tire est que ce mandat a été très difficile. Je voulais, du coup, pouvoir en faire un deuxième pour faire bouger les choseset faire rayonner Chambéry : par exemple, le plan de circulation n’était pas fini parce que Ravet n’était pas encore sorti de terre. L’avenue des Ducs, le réseau de bus qui attendait quelques compléments… On a, durant le mandat écoulé, dû serrer les boulons financièrement, nous avons supprimé des postes, coupé des budgets, on n’a peut-être pas assez bien expliqué les choses.

Et parmi votre ancienne équipe, y’a-t-il eu des révélations et des déceptions ?
Les deux mon capitaine ! Des gens ont donné plus que ce qu’ils avaient à faire au préalable et d’autres se sont montrés en-dessous de leur potentiel de départ. Mais rassurez-vous, je ne citerai aucun nom…

Josiane Beaud, qui a beaucoup été critiquée et qui a semblé être par moments votre paratonnerre… ?
Elle possède une extraordinaire puissance de travail, elle a largement apporté.

Elle a les épaules larges…
J’ai entendu les critiques, beaucoup de choses qui ont été dites sur elles étaient injustes. Elle avait des sujets lourds à porter, des sujets qui cristallisent bien plus l’attention que l’administration générale. Parmi les jeunes, certains ont aussi beaucoup apporté.

Et Alexandra Turnar, présentée çà et là comme votre successeur ?
Elle aurait ma première adjointe si j’avais été élu. Elle a un grand potentiel.

Sera-t-elle la figure de proue de la droite chambérienne, désormais ? L’imaginez-vous déjà en 2026 ?
Les choses se mettent en place dans les six derniers mois du mandat. En 2013, personne ne parlait de Michel Dantin. J’avais rencontré Thierry Repentin en juin 2019, il m’avait dit qu’il n’irait jamais. Je vais vous raconter une anecdote : il y a six ans, il fallait trouver quelqu’un pour conduire la liste en vue de 2014. Mes collègues parlementaires m’avait demandé de cibler une liste de personnalités aptes à reprendre le flambeau (jusqu’ici porté par Xavier Dullin, NDLR). Le premier que je reçois, président du centre départemental d’athlétisme, me répond qu’il faut que ce soit moi (il s’agissait de l’actuel maire de Bassens, Alain Thieffenat, NDLR). J’en vois quelques autres, ils me disent la même chose. Je n’étais pas du tout parti pour cela.

Qu’est ce que cela traduit ? Que vous avez besoin de marques de confiance pour vous lancer ?
En 2013, j’étais au parlement européen, je ne voulais pas me disperser. J’ai fait l’inverse l’an dernier,  en choisissant de ne pas me représenter aux Européennes. Le choix du cœur, ce que j’ai dit, ce jour-là, bon… ça ne m’a pas trop réussi, il est vrai. Je pensais faire rayonner cette ville.

Quels sont vos rapports avec Thierry Repentin ?
Je n’ai aucun rapport avec lui. Les générations qui nous ont précédées vivaient de meilleurs rapports entre elles alors que je n’en ai pas eu, que ce soit avec Thierry Repentin qu’avec Bernadette Laclais. J’ai passé 1h30 avec lui pour lui passer les dossiers de la mairie, sitôt son élection actée. En 2014, Bernadette Laclais ne m’avait accordé que 20 minutes… «

* Il avait été battu aux cantonales de 1998 (par… Thierry Repentin) et de 2004.

** Avec 8 513 votes favorables, Bernadette Laclais avait échoué au second tour. Thierry Repentin l’a emporté six ans plus tard avec 6 559 voix.

*** Plus de 1 000 nouveaux cas auraient été recensés en Savoie sur la semaine écoulée. 9 personnes ont été hospitalisées. On a dénombré 73 décès (Préfecture de Savoie).

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