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Municipales 2020 : à Pugny-Chatenod, le résultat du scrutin attaqué par un recours et entaché par la recherche d’un « corbeau »
Par Laura Campisano • Publié le 06/07/20
C’est une issue que nous pensions réservée aux romans policiers et pourtant, cela existe encore en 2020, au décours d’une élection municipale, qui plus est dans une petite commune de 995 habitants. Quelques jours avant et encore quelques jours après le scrutin du second tour de cette élection municipale, certains habitants ont reçu – par la poste – un courrier anonyme et manuscrit dénonçant directement un des candidats de la liste « Pugny’cipales 2020 » à base d’accusations graves pour lesquelles une plainte a été déposée. Une enquête est en cours pour retrouver le mystérieux « corbeau ». En parallèle, un recours a également été déposé quant à l’insincérité du scrutin par la tête de liste, Valérie Thuillier.
De nombreux rebondissements ont émaillé cette campagne municipale 2020, et alors que nous étions déjà fort occupés avec la situation Chambérienne, dans le bassin aixois également, des soubresauts ont fait vaciller l’exercice démocratique. D’abord un changement de tête de liste pour « Au cœur de vos projets », Jean-Louis Thouminot décidant au lendemain du premier tour de céder sa place à Bruno Crouzevialle, élu maire de cette petite commune savoyarde, lors du conseil d’installation du 3 juillet 2020, suivi d’une fusion de listes entre celle de Karine Crevatin, «Pugny notre village », avec « Au cœur de vos projets » arrivée en tête au soir du premier tour. Mais le résultat n’a pas convaincu Valérie Thuillier, tête de liste « Pugny’cipales 2020 », dont le résultat du premier tour la plaçait à une poignée de voix de ses prédécesseurs, n’a finalement pas été élue au soir du second. Elle a décidé de déposer un recours devant le tribunal administratif de Grenoble pour faire état d’éléments qui lui ont semblé « troublants. » Décryptage.
Un « corbeau » bien renseigné actuellement recherché par les enquêteurs
Le procédé est suffisamment surprenant pour être souligné : « Il s’agit d’une feuille A4 en format paysage, écrite à la main, dans une enveloppe également manuscrite, que les gens ont reçu par la poste, quatre jours avant le scrutin, quelquefois même quelques jours après », précise Valérie Thuillier, encore saisie d’avoir assisté à ce genre de choses, sur sa commune. Concernée, puisque c’est l’un des membres de sa liste qui a été visé par cette lettre anonyme, elle a lancé sur sa page Facebook une collecte de ces missives, que nombre de Pugnerains ont reçu durant la seconde semaine de campagne municipale de ce second tour des municipales. « Il ne fait aucun doute pour nous qu’il s’agisse de quelqu’un de Pugny, l’enquête déterminera de qui il s’agit », précise-t-elle, ne se départissant pas de son calme, « les gendarmes sont en possession de ces documents, la recherche d’empreintes devrait remonter la piste. » Qui peut bien user de ce genre de méthodes, à l’heure du numérique ? Les adresses, manuscrites, les envois postaux, les frais engendrés, tout ceci pose question. D’autant que le contenu de ces lettres, couvertes par le secret de l’enquête actuellement, semble entacher de manière assez grave la réputation d’une personne, à quelques jours d’une élection, laquelle a déposé plainte, et ne compte pas en rester là. Une mesure de déstabilisation, pour la candidate. « Le Préfet est informé de la situation », précise Valérie Thuillier, « il est évident que l’objectif de ce stratagème est de nous déstabiliser, mais cela n’a pas fonctionné et n’a même fait que renforcer notre cohésion de groupe. J’ai bien entendu immédiatement apporté mon soutien à la personne visée par ce courrier anonyme. Les habitants nous ont contactés, pour expliquer leur écœurement face à cette lettre. Nous ne savons pas d’où elle provient, de qui elle émane, mais ce genre de choses contribue à créer un climat anxiogène dans Pugny, tout le contraire de ce que je souhaitais en me présentant. »
« J’aurais préféré ne pas faire de recours, mais je ne le fais pas pour moi, je le fais pour les habitants »
Aussi, perdante de l’élection du 28 juin que Bruno Crouzevialle a remporté, avant d’être élu maire vendredi 3 juillet et de succéder à Jean-Guy Massonnat, Valérie Thuillier s’est-elle sondée sur la régularité du scrutin. « Certaines choses interrogent », explique-t-elle, « au-delà des lettres anonymes, des attaques répétées durant la campagne émanant de la liste adverse : le fait qu’au premier tour j’arrive deuxième*, avec 3 voix d’écart sur la candidate de tête, alors que nous étions toujours sur le terrain, que nous avons vu les habitants qui eux-mêmes, ont été nombreux à n’avoir pas compris le résultat… J’en ai parlé avec Bruno Crouzevialle, ce n’est pas son élection qui pose question, c’est simplement que la façon dont cela s’est passé n’est pas positive pour la démocratie, ce n’est pas le reflet du terrain. »
Au vu des résultats communiqués par la Préfecture, 64 % des électeurs inscrits se sont rendus aux urnes le 28 juin, soit deux points de plus que le 15 mars. Pourtant, Valérie Thuillier obtenait aux deux tours le même nombre de voix, 209, mais aucun siège : les listes de ses concurrents ayant fusionné, les candidats de ces listes ont obtenu la totalité des suffrages nécessaires pour occuper l’intégralité des sièges à pourvoir dans la commune. Pour la candidate, il y a manifestement un écart trop important entre les résultats des deux tours, ce que Bruno Crouzevialle, fraîchement élu, explique par la fusion des listes et le report de voix des soutiens de Karine Crevatin : « Dès le lendemain du premier tour, je prônais déjà le fait que l’outsider, Valérie Thuillier, avait fait le plein de voix avec 43.72%. Entre les deux tours, le changement de notre tête de liste et une fusion avec celle de Karine Crevatin ont eu lieu. Deux événements qui ont permis d’obtenir un report des voix de la liste de Karine Crevatin sur la nôtre, pour finalement atteindre une moyenne de 54.93 % contre 41,12 % pour Valérie Thuillier, sachant que le nombre de votants est sensiblement le même. »
C’est toutefois au juge de l’élection du Tribunal administratif de Grenoble que reviendra la tâche de répondre au recours déposé par Valérie Thuillier, qu’elle a accompagné de « neuf pièces jointes, des éléments concrets, qui démontrent qu’il y a un fossé entre le premier et le second tour. Nous nous attendions à un panachage, mais pas à ce point-là ! Je ne sais pas si l’élection sera annulée, mais au moins, j’aurais fait ce qu’il faut pour que la justice soit faite dans ce scrutin où quelque chose n’est pas clair. »
Quant à l’enquête en cours et au recours en lui-même contre la sincérité du vote, Bruno Crouzevialle s’est gardé de tout commentaire, n’ayant pas plus d’éléments, s’étonnant toutefois des attaques de son adversaire politique sur les réseaux sociaux « pouvant être considérés comme de la diffamation. »
Dans l’intervalle, vendredi 3 juillet 2020, le conseil municipal de Pugny-Chatenod a été élu et Bruno Crouzevialle est officiellement entré en fonction avant, dans son discours. Il a ainsi voulu « remercier tous les candidats qui se sont présentés à cette élection municipale, marquant leur envie d’engagement auprès des Pugnerains et de faire ainsi vivre la démocratie. » Cette volonté d’apaisement affichée va-t-elle suffire à changer la donne ?
Quoi qu’il en soit, au cours de cette campagne au sens large, nous avions à plusieurs reprises évoqué les « boules puantes » qui l’avaient émaillé via les réseaux sociaux. Force est de constater, au vu de cet épisode pugnerain, que ce n’est pas l’apanage des grandes villes métropolitaines ni des moyens les plus sophistiqués… L’enquête suit son cours.
* Dans les communes de moins de 1 000 habitants, le scrutin est majoritaire plurinominal, à deux tours. La déclaration de candidature est obligatoire depuis les élections de 2014. Les candidats se présentent seuls ou par candidatures groupées. Les électeurs peuvent barrer certains noms ou en ajouter d’autres (panachage). Le nombre de voix est ensuite calculé par candidat. Au premier tour, sont élus au conseil municipal les candidats qui ont obtenu à la fois les voix d’au moins 25% des inscrits et la majorité absolue des suffrages exprimés. Au second tour, sont élus, dans la limite des sièges restant à pourvoir, les candidats qui obtiennent le plus de voix.
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