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Savoie : renouvellement du personnel politique, où sont les femmes ?
Par Laura Campisano • Publié le 30/07/20
Passées les élections municipales et communautaires, nous nous sommes penchés sur les organigrammes du personnel politique savoyard. Stupéfaction, alors que dans de nombreuses communes en France, une forme de parité semblait atteinte, sur nos bassins aixois et chambérien, peu de femmes ont été élues à la tête de communes, parmi tous les candidats en lice. Seules La Biolle, Les Déserts, Challes-les-Eaux, Méry, Jacob-Bellecombette et Chindrieux font figure d’exception, alors que les candidates étaient plus nombreuses à se présenter, notamment dans des communes importantes, comme Chambéry, Aix-les-Bains ou La Ravoire. Comment comprendre ce constat ?
Les conseils communautaires ont tenté de respecter l’alternance : davantage de femmes sont entrées à Grand Lac et à Grand Chambéry. Pour Grand Lac, Marie-Claire Barbier, maire de Chindrieux a été élue à la place de 2e vice-présidente, aux côtés de Nathalie Fontaine, maire de Méry, 4e vice-présidente, Julie Novelli, 6e vice-présidente et maire de La Biolle, Marie-Pierre Montoro-Sadoux, 8e vice-présidente, adjointe à la mairie d’Aix-les-Bains et conseillère régionale. Pour Grand Chambéry, Aurélie Le Meur a été élue 1ère vice-présidente, sur proposition de Philippe Gamen, qui lui disputait la présidence. Suivent Brigitte Bochaton, Maire de Jacob-Bellecombette, Corine Wolff, Maire de Vimines et 8e Vice-Présidente ainsi que Marie Bénévise, conseillère municipale de Chambéry élue 13e vice-présidente. Il y a donc une légère amélioration, bien que la totale parité ne soit pas encore atteinte dans ces instances, ce qu’aucun texte ne prévoit, par ailleurs.
Les conseils communautaires meilleurs élèves que… les électeurs ?
A la tête des communes en revanche, sur les 273 que compte le département, seules 47 femmes ont été élues maires. Aussi, le choix de Renaud Beretti, élu président de l’agglomération Grand Lac, de respecter la parité n’est-elle pas une simple application de la loi. Avant qu’il ne prenne la tête de l’agglo, seule une femme occupait un poste de vice-présidente, la maire du Bourget-du-Lac, Marie-Pierre François. A présent, elles sont 5 à occuper de vrais postes à responsabilités, ce dont se réjouit Evelyne Simon, Présidente de l’association des conseillères municipales et femmes élues de Savoie « Il y a une avancée puisque de nouvelles femmes sont entrées à des postes importants à responsabilité à Grand Lac, a-t-elle estimé, je trouve curieux pour ma part que l’on n’ose pas donner de pouvoir aux femmes, peut-être est-ce parce qu’elles disent ce qu’elle s’apprêtent à faire. En tous les cas, le fait de proposer des postes à des femmes à l’agglo c’est déjà intéressant. » L’Insee se posait déjà la question, alors qu’il se penchait sur le sujet des femmes dans la politique locale, notant que les femmes « étaient bien représentées dans les assemblées locales et minoritaires aux postes-clés. » En Savoie, les femmes élues maires le sont de petites communes, telles que la Biolle et les Deserts. Dans les villes de plus grande importance, ce sont les hommes qui l’ont emporté. Est-ce là une question de compétence ou une question simple de personnel politique ?
Julie Novelli, nouvellement élue à la Biolle, est également vice-présidente représentant l’Albanais à Grand Lac a rencontré cette difficulté au moment de constituer sa liste, devant renoncer à certains colistiers masculins, là où la loi imposait l’alternance « Quand nous cherchions des femmes pour constituer la liste, ce qui revenait le plus souvent c’est la difficulté de tout concilier, vie de famille, vie professionnelle et statut d’élu, se remémore l’édile, pour former une équipe, on recherche des gens qui veulent s’engager, finalement peu importe que ce soit un homme ou une femme, dans ce cas. Mais les femmes osent moins, il faut leur donner les moyens d’assumer une fonction élective, pour être présent aux réunions, aux assemblées, quand le vote électronique n’est pas valide, ce sont de vraies questions pratiques auxquelles il faut répondre pour permettre à tous et toutes de pouvoir s’engager si ils/elles le souhaitent. » Même constat du côté de Marie-Pierre Montoro-Sadoux, conseillère régionale, vice-présidente à Grand Lac et première adjointe de Renaud Beretti à Aix-les-Bains, qui a été élue pour la première fois à 24 ans, à la tête de la commune de St-Oyen : « la situation évolue, mais il importerait qu’il y ait vraiment une évolution dans la mentalité des électeurs, espère-t-elle,
les femmes n’osent pas suffisamment se lancer en politique. Les lois qui se sont succédées* en 2010 et 2014 permettent néanmoins que les choses aillent plus vite, bien qu’il y ait encore du travail. Si l’on regarde les autres pays européens, notamment nordiques, des dispositifs existent pour mieux gérer sa vie au quotidien. J’espère être une source d’inspiration pour d’autres femmes, et c’est le rôle des équipes municipales que de travailler à l’accompagnement, la formation des femmes qui souhaitent s’investir en politique, si elles le souhaitent. «
La Savoie, terre des « hommes » ?
Au soir du second tour, sur le plateau de nos confrères de France 3 Rhône-Alpes Florent Gougou, politologue et maître de conférences à l’Université de Grenoble, attirait d’ailleurs l’attention à propos de la place des femmes dans ces élections :« On a, dans les plus grandes villes des départements alpins – les villes de plus de 9 000 habitants -, 32 maires hommes et deux maires femmes. La situation est même un peu détériorée par rapport à ce qu’elle était en 2014. On avait eu 29 hommes et cinq femmes » Pour étayer le propos, dans un premier temps, l’institut de recherche avait noté qu’en Auvergne Rhône-Alpes, en 2015 « tous les départements sont, à l’image de la région, présidés par des hommes. Les statistiques nationales ne sont que légèrement plus favorables. Seules trois des treize régions de France métropolitaine ont porté une femme à leur tête (Île-de-France, Occitanie et Bourgogne-Franche-Comté). De même, seuls 10 % des conseils départementaux sont présidés par des femmes. Le jeu des appareils politiques et les logiques partisanes freinent encore l’accession des femmes aux plus hautes responsabilités. Une minorité d’entre elles sont désignées têtes de liste, leur laissant de fait, moins de chances d’être élues. » La Savoie, terre plus « masculine »? Les avis sont partagés. Pour Evelyne Simon « un homme représente mieux la Savoie, les femmes travaillent énormément et pourtant ce sont très souvent les hommes qui l’emportent. » tandis que pour Julie Novelli, c’est plus nuancé « Ce n’est pas différent ici qu’ailleurs. La fonction politique reste un boulot d’hommes, même dans les communes rurales, la mentalité évolue. La femme est souvent » maman « dans l’esprit des gens, il y a de ça dans l’esprit. » A Grand Lac, aucune femme n’a présenté sa candidature pour succéder à Dominique Dord, et à Grand Chambéry, les élus ont certainement privilégié l’expérience à l’énergie des primo-entrants en préférant, de quelques voix seulement, Philippe Gamen – qui a proposé lui-même la candidature d’Aurélie Le Meur au poste de première vice-présidente – à sa concurrente, fraîchement élue première adjointe de Thierry Repentin. C’est donc une question bien plus complexe que celle de la simple représentativité. Les femmes qui souhaitent s’engager sont bien présentes sur nos territoires savoyards, on l’a vu dans les candidatures. Elles parviennent à remporter quelques mairies, dans de petites communes, et gravissent doucement mais sûrement, les marches des intercommunalités. S’il y a encore du chemin à parcourir pour que ces questions ne se posent plus du tout, si elles ne sont pas si nombreuses que le public le souhaite, peut-être faudrait-il commencer par… voter ?
* Réforme constitutionnelle du 5 juillet 1999 : principe d’égal accès des femmes et des hommes aux mandats électoraux et aux fonctions électives.
La loi du 6 juin 2000 (dite 1ère « loi parité ») oblige les partis politiques à présenter un nombre égal de femmes et d’hommes pour les scrutins de liste : parité par tranche de six pour les élections régionales et municipales (communes de 3 500 habitants et plus), alternance stricte pour les européennes et les sénatoriales dans les circonscriptions à la proportionnelle. Retenues financières pour les partis qui ne respectent pas le principe de parité lors de la désignation des candidats aux élections législatives.
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2 commentaires
Sebelbello
31/07/2020 à 13:37
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Julie ECALARD Grand_Lac
11/08/2020 à 11:48
Bonjour,
Petite rectification, au précédent mandat à Grand Lac, il y avait 3 vice-présidentes et non une seule comme vous l'écrivez. En plus de Marie-Pierre FRANCOIS il y avait en effet Marie-CLaire BARBIER et Corinne CASANOVA.
Cordialement.
Il serait dommageable de voter pour l'âge, le sexe ou les origines d'une personne. On vote pour ceux qu'on pense être les meilleurs...il faut juste que les meilleurs candidatent...