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Aloïs Chassot : « On ne fera pas de cadeau sur ce que l’équipe de Thierry Repentin a promis aux électeurs »

Par Laura Campisano • Publié le 26/08/20

On n’a pratiquement entendu que lui, depuis que les équipes ont pris place au sein du conseil municipal : d’abord agressif, direct, franc et sans nuance, puis plus apaisé, moins prompt à mordre sinon à montrer que l’opposition veillera et cherchera toutes les failles possibles pour s’y engouffrer. Aloïs Chassot sera celui par qui viendra la controverse, garant du débat contradictoire alors que de grands sujets polémiques ne manqueront pas d’épicer la vie politique chambérienne dans les semaines à venir.
On le voit volontiers aboyeur, sorte de franc-tireur envoyé en première ligne lors des joutes politico-locales, Aloïs Chassot n’en a pas l’intention. Si ses tonnantes prises de paroles, répétées, en direct ou sur réseaux sociaux ont eu le don de provoquer polémiques et débats, il promet qu’en termes d’agressivité, on ne l’y reprendra plus et que son ton sera maîtrisé. Sa plume, aiguisée, sera trempée dans une encre sympathique. Et l’ancien adjoint d’assurer qu’il ne sera pas, durant six ans, le leader d’une nouvelle opposition mais que ce nouveau statut de conseiller de la minorité lui ira comme un gant.

Avec le départ programmé* de Michel Dantin fin septembre, allez-vous devenir le leader de l’opposition et de la droite chambérienne ?
Non, je ne suis pas le successeur désigné de Xavier Dullin et de Michel Dantin. D’ailleurs, doit-on parler de minorité ou d’opposition, c’est un petit jeu qui nous a occupé, lors du dernier mandat, lorsque l’ancienne opposition parlait de minorité quand nous la définissions comme opposante et inversement. Le premier n’est pas très objectif puisque nous ne sommes pas là pour nous opposer de façon systématique, le second est plutôt péjoratif.

Comment vous situez-vous, alors ?
Nous souhaitons pointer du doigt, à des moments précis, des sujets sur lesquels nous aurions agi différemment, sur lesquels nous ne sommes pas d’accord ou qui ne collent pas à nos valeurs. Ça n’empêche pas de dire les choses quand elles sont bien. On peut aussi avoir des points de désaccord avec tout de même des éléments concordants, des éléments que nous jugeons positifs. Ça fait aussi partie du jeu.

Un jeu de déstabilisation, alors…
Ça ne sert à rien car ils ont la majorité, donc le système est comme ça, ils voteront ce qu’ils voudront. Un conseil municipal n’est pas un tribunal, nos prises de parole ne serviront pas au vote mais à l’opinion et à la presse, qui relaiera nos propos. Les points saillants seront entendus par les spectateurs, lus par les lecteurs.

« La précédente minorité a fait le job… »

Vous plantez des graines…
Tout à fait. Et nous nous faisons voir. Si nous ne réagissons pas, la majorité est alors libre de faire ce qu’elle veut. Je n’ai pas une grosse expérience de la politique, je sais néanmoins qu’une opposition, c’est important pour pointer des sujets du doigt et prendre du recul.

… et à envoyer des piqûres de rappel ?
Voilà. Ou l’on poursuit ce travail jusqu’au bout, ou bien on lève le pied et on limite ainsi le débat contradictoire.

Quelles ont été vos relations avec l’ancienne minorité, ces six dernières années ?
Ils ont fait le job, surtout les leaders comme Jean-Benoît Cerino, Guy Fajeau, Henri Dupassieux. Par leurs prises de parole, ils ont montré qu’ils étaient présents, ils nous titillaient quand il le fallait, ils ont su exploiter nos points faibles. Un peu comme en rugby où pour déstabiliser la mêlée, vous appuyez fort sur le pilier. Ils ont fait, je trouve, du bon travail.

Lors de la toute première séance, début juillet, vous y étiez allé fort !** 
C’était prévu, nous avions, en 2014, réduit le nombre d’adjoints pour des contraintes budgétaires. Là, ils placent quatre adjoints supplémentaires, dont ils vont faire grimper la facture, c’était donc l’occasion de marquer le coup, de dire que nous sommes là. La première séance est toujours très formatée, très protocolaire, ça a mis un peu de couleur. Michel Dantin a rappelé, pendant la campagne, quelles étaient les contraintes financières que connaissait la ville, or, on n’a jamais parlé finances, durant cette campagne, on ne peut donc pas ouvrir les robinets comme ça.

Vous êtes attendu, le 31 août…***
Oui, bon, je n’ai pas fait le calcul des indemnités, je sais que le maire en aura une plutôt cohérente, en-dessous du plafond autorisé mais comme tous les maires de France. Par contre, Aurélie Le Meur aura une indemnité supérieure à celle des adjoints qui sera abaissée pour augmenter la sienne. L’indemnité aux adjoints est en baisse par rapport à la période 2014/2020. Ce n’est pas très cohérent avec tout ce qui a été dit pendant la campagne, même si tous les autres conseillers auront une indemnité, y compris les membres de la minorité. C’était le cas avec Bernadette Laclais, nous avions poursuivi en 2014. Je trouve néanmoins intéressant que les indemnités des conseillers délégués baissent s’ils perçoivent une indemnité à l’agglomération. Après, le coût total de tout cela, je ne l’ai pas encore calculé.

« Le 4 juillet, le fond de mon intervention était important, la forme, trop agressive »

Il ne devrait donc pas y avoir scandale, comme votre intervention du 4 juillet le laissait pourtant entendre ?
Non. Peut-être, d’ailleurs, que ma prise de parole a porté. Nous en serons, lundi 31 août, à la quatrième séance, il leur a fallu deux mois pour faire les calculs et présenter enfin les indemnités de chacun. Ma prise de parole a-t-elle eu un impact, je ne sais pas. Mais ce qui est surprenant, c’est qu’en se disant être des citoyens lambda ne voulant pas faire de la politique, on voit une première adjointe mieux rémunérée que les autres, en plus de sa rémunération de vice-présidente à Grand Chambéry. Ce sont finalement des méthodes très « politiques ».

Ne craignez-vous pas de passer pour celui qui aboie sans arrêt ?
Lorsqu’on prend la parole, on ne se rend pas forcément compte du ton utilisé. Je n’ai jamais fait de coaching sur la prise de parole en public, les retours que j’ai eu ont mis en avant le fait que j’avais été trop agressif. Le fond était important, la forme trop agressive, je vais donc le corriger. En évoquant les vœux autour du Lyon-Turin et de l’Eurostar (présentés lors de la séance du 31 juillet mais reportés à la prochaine, NDLR), j’étais déjà plus calme.

Vous donniez l’impression d’être celui qu’on envoyait au front…
Non, je peux le faire sur des sujets, j’aime donner mon avis mais lorsque j’étais adjoint, j’entendais déjà des « Aloïs donne son avis sur tout, même sur ce qui ne concerne pas sa délégation ».

Votre post sur les véhicules stationnés devant la mairie, du 5 août (voir capture d’écran), a provoqué de nombreuses réactions, dont certaines épidermiques…
C’était du détail, elles y étaient avant les élections, j’ai trouvé cela vraiment étrange et je voulais mettre cette majorité face à des enjeux même anecdotiques. Le quotidien d’un élu, et je l’ai vécu, c’est aussi ces petits problèmes. J’ai remarqué, vous aussi peut-être, que l’équipe de Thierry Repentin aime prendre le temps de la réflexion, est très analytique. Or, le rôle d’un élu, ce n’est pas que ça, c’est aussi les poubelles, les trous sur la chaussée. Prenez six mois pour vous emparer des sujets, ça ne fonctionnera pas ! Après, le côté écolo mis en avant et le fait de voir ces véhicules garés sur une place piétonne, c’était paradoxal et exagéré.

Ce sont certaines réactions à votre post qui ont posé des problèmes : la critique écolo était grossie, la symbolique un peu exagérée…
On est tout de suite dans la violence, les insultes, on est alors obligé de calmer le jeu. Nous en avions parlé ensemble durant la campagne****. Il existe des spécialistes, sur la place publique, de ce genre de propos. Après, pour en revenir à nous, finalement, quelle tribune avons-nous, hormis les réseaux sociaux, pour nous exprimer au titre de la minorité ? Attendre le prochain conseil ? Des gens ont profité des bornes pour venir garer leur véhicule à cet endroit, des profiteurs, qui nuisent à l’image que les touristes peuvent se faire de la ville… Ils prennent le bâtiment en photo, sont gênés par des voitures devant…

« Le coût d’un arrêt du chantier Ravet, c’est de l’argent public, l’argent des impôts »

Vos deux vœux, sur l’Eurostar et le Lyon-Turin que vous présenterez lundi 31 août, quels seront leurs objets respectifs ?
Nous voulons pointer du doigt la suppression des Eurostars vers les stations. Chambéry est aussi liée à l’économie de la montagne et ça nous semble important. Sur le Lyon-Turin, nous souhaitons réagir suite aux prises de positions de Grenoble et de Lyon pour rappeler que nous, Chambériens, y sommes plus que jamais favorables.

Le gros sujet de rentrée, au-delà de tout cela, reste le parking Ravet. La concertation, le coût d’un arrêt des travaux, etc.
De plusieurs milliers d’euros, oui*****. Ce coût, c’est de l’argent public, ce sont les impôts qui vont financer cette pénalité, on doit être précautionneux avec cet argent. Une équipe lance un projet, on peut ne pas être d’accord, j’espère seulement qu’ils mesurent le gap entre la poursuite du chantier et les conséquences de son arrêt.

Envisager un arrêt pourrait-il être perçu comme un symbole ?
Thierry Repentin n’est pas opposé à un parking à cet endroit, peut-être différemment, peut-être enterré, mais il n’est pas opposé. Pour Aurélie Le Meur, par contre, parking = voiture = mal. C’est son logiciel. Pendant la campagne, nous avions insisté sur le fait que nous ne voulions pas opposer les modes. Nous mettions tout à disposition pour les cyclistes, les automobilistes, les usagers des transports en commun. Je me considère comme écolo mais la voiture, je la prends. Le type qui va se garer à Ravet peut faire tout ce qu’il faut en matière d’écologie mais on va lui dire qu’il n’est pas vertueux. Il faut arrêter avec l’écologie punitive !

Les Chambériens semblent en outre favorables à ce parking…
C’est une vue d’architecte, j’ai l’habitude de leur faire confiance. On peut trouver cela beau ou moche mais ce qui est sûr, c’est que dans six mois, ce ne sera plus un sujet. Entre un parking enterré et un silo, le prix est multiplié par trois ou quatre. C’est la roche du Clos Savoiroux qui vient empêcher le creusement. Pour ce qui est des gens des collectifs anti-Ravet, peu finalement habitent autour.

Avec Philippe Bard, ancien adjoint au commerce.
Ils sont pourtant virulents et efficaces…
Oui, c’est sûr. Du reste, Marielle Thievenaz est présente au conseil, elle a été désignée pour discuter avec les opérateurs des parkings Q Park et Effia au sein de la commission qui s’y réfère. C’est tout de même un sacré signal envoyé à Q Park puisqu’elle, avec son collectif, a participé à tous ces recours contre le chantier ! (en tant que membre du collectif du faubourg Nezin, NDLR) Oui, Ravet, ils en ont fait un symbole, on va donc s’atteler à ce que ce symbole coûte le moins cher possible.
Sur ce point, on sait que la concertation envisagée par la majorité va être très courte, c’est assez étonnant ! Comme si tout avait été analysé en amont et qu’elle n’allait être qu’une formalité. Va-t-on réellement laisser le choix aux habitants ? Vaut-il mieux mettre des millions d’euros dans l’arrêt d’un chantier plutôt que dans une école ? Elle n’y sera pas cette question… Parking = bagnoles = mal… mais ces gens qui décident ont tous des voitures !

« Pas sûr que nos erreurs aient été aussi prononcées que ce qu’ils ont prétendu »

Le mandat attaque fort, finalement…
Il y a un autre sujet, le stade. Walter (Sartori, NDLR) a posé la question lors de la dernière séance, je suis inquiet pour ce stade. Les crédits fléchés, Thierry Repentin risque de vouloir les mettre ailleurs alors qu’à mon avis, le sport, c’est son truc. Si les marchés sont signés avant le 31 août, ça ira mais le stade peut vraiment être remis en cause. Nous voulions accompagner le club de rugby, là, on nous dit que le stade n’est pas finançable, qu’il manque plusieurs millions d’euros. Va-t-il se contenter de 3 000 places au lieu de 5 000 ? Y’aura-t-il un autre concours d’architecte ?
Je pourrai parler de Vétrotex, aussi, car je n’ai aucune visibilité sur ce qu’il veut faire… J’attends de voir. On ne fera pas de cadeaux sur ce qu’ils ont promis, on ne peut pas prétendre que « tout va changer ». Ils ont fait passer Michel Dantin pour un anti-écolo. On peut tout promettre, en campagne, c’est robinet ouvert. Michel Dantin a toujours eu un discours de vérité, si ce n’est pas possible, on ne le fait pas. Point. S’il fallait le dire à des administrés qui venaient en rendez-vous face à lui, il le disait.

Vous estimez que cette équipe veut marquer une rupture avec les six années passées ?
Je ne suis pas sûr que nos erreurs aient été aussi prononcées que ce qu’ils disent. Nous verrons donc la différence entre ce qu’ils font et ce que l’on a fait. En matière d’écologie et de participation citoyenne, notre programme 2020 était plus précis, plus ambitieux, allait plus loin, j’ai la prétention de le penser.

Qu’est-ce qui a donc orienté les gens à ne pas voter pour vous ? La vague ?
Nous perdons 4 500 voix, eux 2 000 par rapport à 2014. Il faut analyser pourquoi les gens ne se sont pas déplacés, mon analyse, ce sont beaucoup de petits facteurs. En 2014, le sujet majeur était le pont Gambetta. Là, ces facteurs plus la vague nationale ont fait le résultat. On ne ressentait pas de volonté de dégagisme, chez eux, mais la fusion entre Chambéry en commun et Chambéry Citoyenne rendait les choses plus compliquées. Cet attelage était une sorte de marketing. Ils ont voulu créer une gouvernance en binôme, se mettant ainsi à l’opposé de la prise de décision verticale. Nous avions essayé de dénoncer cela, nous aussi, mais les institutions françaises ne le permettent pas, il n’y a que le maire qui signe, qui s’adresse au préfet…

Vous connaissez Thierry Repentin ?
Je ne connais pas sa façon de travailler. Au bout de quatre conseils, je ressens quelqu’un qui s’agace vite, il semble peu apprécier la contestation. On va voir à l’usage comment il réagit, comment son équipe réagit, aussi, peut-être que d’autres têtes s’élèveront. Il faudra aussi qu’Aurélie Le Meur se mouille, dans l’histoire, j’espère qu’elle prendra la parole sur mon vœu autour du Lyon-Turin. J’ai toutefois une impression de détestation visant notre équipe.

Michel Dantin la ressent-il ?
Moi je la ressens. L’affiche appelant au boycott des commerçants soutenant Ravet était du même style que celles qui disaient « Dullin et Dantin = béton ». On le sent sur tous les sujets, de façon insidieuse, parfois.

La défaite est-elle digérée ?
Globalement oui. Je me suis lancé dans autre chose, mon logiciel m’indique que devant, moi s’annoncent six années d’opposition. J’ai fait de la compétition, du vélo, on ne gagne pas toujours, je suis tombé sur bien plus fort que moi, j’y allais quand même. Je serai sans doute celui qui prendra le plus la parole. Je me plonge dans les dossiers, je cherche les failles, matière à titiller, je suis prêt à cela.

* Michel Dantin nous avait expliqué qu’un maire défait, selon lui, ne devait pas siéger. Il quittera donc le conseil fin septembre.

** Le 4 juillet, lors de la séance d’intronisation, Aloïs Chassot s’était ému devant le nombre inhabituel d’adjoints désignés (19). « Votre première délibération va à l’encontre de ce qui avait été fait sur le dernier mandat, vous revenez à 19 adjoints, comme c’était le cas jusqu’en 2014. Nous en avions réduit le nombre, vous l’augmentez, ce qui va faire grimper les frais de fonctionnement. Comment allez-vous trouver une somme de près de 750 000 euros ? »
*** Le deuxième point à l’ordre du jour portera sur le vote des indemnités, justement.

**** Lire notre article du 4 juin sur la campagne du second tour « virulente et agressive ».

***** Les pénalités en cas d’arrêt du chantier Ravet pourraient de 3,9 à 9 millions d’euros.

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