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Cumul de mandats : un plafond pour les indemnités, peut-être revu à la baisse ?

Par Laura Campisano • Publié le 07/08/20

Quand les noms s’égrainent et que les élections s’affichent, passé le temps des félicitations, c’est le temps des critiques qui prend le relais. En cause, non pas le cumul de fonctions et la capacité, ou non, de ceux qui prennent des responsabilités publiques. La question du cumul des indemnités est discutée, remise en cause et même pointée du doigt. Que les journées de certains élus s’étendent au-delà du raisonnable n’inquiète pas les citoyens, mais qu’ils puissent cumuler des indemnités en revanche, pose davantage question. Petit point sur ce que permet la loi, pour recentrer le débat. 
« A peine élus, et déjà ils s’augmentent » , « la soupe est bonne », « combien il va toucher encore celui-là », sont les commentaires les plus lus sous les publications de nominations des femmes et des hommes politiques locaux. En temps de crise, et même en dehors serions-nous tentés de souligner, bien que la période actuelle soit très marquée, que les citoyens deviennent de plus en plus attentifs à ce que perçoivent les élus. Ce n’est pas tant le cumul des mandats – et des fonctions – qui les gêne mais leurs indemnités. Et pour cause, aux plus hautes fonctions de l’Etat, il n’est pas rare d’apprendre – souvent à la faveur de la révélation d’un enrichissement sans cause – que certains élus de la République ont triché, profité, cumulant les fonctions « avec nos impôts », « sur le dos du contribuable ».  A l’heure des économies et des restrictions, plus personne ne veut donc entendre parler de « profiteurs ». Pour les rassurer, le législateur a prévu un plafond, empêché de cumuler certaines fonctions électives, limité les indemnités, imposé la transparence de la vie politique. Mais pour aller encore plus loin, deux députés Aude Bono-Vandorme et François Jolivet, ont déposé une proposition de loi, afin de diminuer le plafond légal, pour que toutes indemnités cumulées, les élus locaux perçoivent la même chose qu’eux. Décryptage.

Principes et plafonnement des indemnités

La règle est la suivante : on ne peut dépasser plus de deux mandats locaux maximum et une seule fonction exécutive, les mandats communautaires n’étant pas pris en compte dans ce quota. Un maire peut donc, légalement aujourd’hui, être également président d’un EPCI et conseiller régional, ainsi que président ou vice-président d’une agglomération.  Dans son étude préalable au dépôt d’une proposition de loi pour baisser le plafond des indemnités des élus locaux, la députée de l’Aisne Aude Bono-Vandorme précise que « seules les fonctions exécutives communales ou intercommunales permettent de bénéficier d’une indemnité. Les indemnités varient, pour un maire, de 661 euros (communes de moins de 500 habitants) à 5 639 euros (communes de plus de 100 000 habitants), l’écart varie de 1 à 8. […] Depuis la loi n°2015-366 du 31 mars 2015 visant à faciliter l’exercice, par les élus locaux, de leurs mandats, elles sont désormais fixées automatiquement au plafond prévu par la loi pour les communes de moins de 1 000 habitants. » Aussi, si certains renoncent à une indemnité liée à un de leur mandat électoral, il faut garder à l’esprit que les différentes indemnités perçues peuvent se cumuler jusqu’à un seuil, prévu par la loi. « L’élu local qui détient d’autres mandats électoraux ou qui représente sa collectivité au sein de divers organismes et établissements publics, ne peut recevoir pour l’ensemble de ses fonctions, un montant total de rémunération et d’indemnités de fonction supérieur, déduction faite des cotisations sociales obligatoires, à une fois et demie l’indemnité parlementaire dite de base, telle qu’elle est définie par l’article 1er de l’ordonnance n° 58-1210 du 13 décembre 1958 portant loi organique relative à l’indemnité des membres du Parlement. Ce montant total est égal, au 1er janvier 2019, à 8 434,85 € mensuels. Lorsque ce plafond est dépassé, les indemnités font l’objet d’un écrêtement. » peut-on lire sur le portail explicatif des services de l’Etat.  Concrètement, un maire, également président d’agglomération et d’un syndicat d’économie mixte, ou même le député, par ailleurs conseiller général ou régional, (ce qui est encore possible) ne peut cumuler d’indemnités au-delà du seuil précisé par la loi. A la lecture du rapport, les disparités sont nettes selon la taille des communes, et les mandats des différents élus : les montants cumulés peuvent varier de 5 300 euros à 8 699 euros (bruts) mensuels, l’excédent étant reversé à la collectivité. L’objectif serait également de rétablir une sorte d’égalité entre les élus nationaux et les élus locaux, afin que tous perçoivent – pour les mandats publics – la même indemnité. Rien n’empêche en revanche, que leurs fonctions se cumulent avec un métier ou des responsabilités d’ordre privé. Bien entendu, ces montants sont imposables et ce depuis 1993, l’élu devant déclarer au comptable public les mandats qu’il détient et les indemnités qu’il perçoit, pour éviter d’exploser les compteurs. Si cela ne signifie pas que l’ensemble des élus perçoivent 8 434,85 euros par mois, cela traduit en revanche une volonté du législateur de poser des garde-fous : tout n’est pas possible avec l’argent public. Les citoyens, de plus en plus regardants quant à l’utilisation minutieuse des budgets, sans pour autant y connaître grand chose, le sont bien moins quant aux fonctions occupées en pratique, par leurs élus.

« Une journée ne fait que 24 heures »


C’est à cette question qu’Aude Bono-Vandorme a souhaité répondre en réalisant une étude sur le sujet, préalablement au dépôt de deux propositions de loi, visant à baisser le plafond des indemnités de 8 434,85 euros bruts à 7 200 euros bruts, soit 5 600 nets, c’est-à-dire l’indemnité d’un député – hors toute autre fonction. « Une journée ne fait que 24 heures, or la plupart des élus cumulent des postes qui pourraient largement chacun les occuper huit heures par jour », plaide-t-elle,  « j’ai donc déposé un projet de loi (en janvier 2020 NDLR) afin de baisser le plafond des indemnités à celle perçue par un député, qui travaille déjà 10 à 14 heures par jour. »  Pour son collaborateur, Cherif Lahouali qui l’a accompagnée dans la préparation des projets de loi, cela permettra aussi de faire la différence entre ceux qui sont vraiment motivés par la vie publique et la volonté de se mettre au service de la collectivité et ceux qui cumulent des fonctions en déléguant le plus gros du travail à des administratifs. « En baissant les indemnités, le message envoyé est clair : vous pouvez cumuler autant de fonctions et de titres que vous le souhaitez, votre indemnité ne pourra plus être supérieure à celle d’un député. »  A la lecture de l’étude préalable au dépôt du second projet de loi relatif aux indemnités des parlementaires, il apparaît que 72% des députés cumulaient en 2019 une fonction de conseiller municipal ou communautaire, sans indemnité sauf exceptions, 53% d’entre eux ayant un mandat supplémentaire à leur fonction de député. Cette proportion est légèrement supérieure au Sénat, puisque 75 % des sénateurs cumulent avec une fonction non exécutive locale, dont 62 % une fonction de conseiller municipal ou communautaire. Sur la totalité des sénateurs, 28% perçoivent une indemnité supplémentaire. Pour rappel, concernant les conseillers régionaux et départementaux, l’indemnité est plafonnée « selon la taille de la population, et peut varier de 1 555 euros à 2 722 euros. » Baisser ces indemnités, reviendrait donc à limiter « financièrement » le nombre de mandats possibles cumulés. Les deux propositions de loi déposées par Aude Bono-Vandorme, n’ont pour l’heure, reçu aucune réponse ni dans un sens ni dans l’autre. 
Affaire à suivre.

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