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Olivier de Benoist : « Si les gens sortent voir des spectacles, c’est pour qu’on les emmène ailleurs »

Par Jérôme Bois • Publié le 14/09/20

Découvert dans l’émission « On n’demande qu’à en rire » présentée par Laurent Ruquier, grand habitué des plateaux de Patrick Sébastien et du canapé rouge de Michel Drucker, Olivier de Benoist a été très prolifique depuis le début de sa carrière, enchaînant parallèlement les apparitions sur scène. De « Haut débit » au « Petit dernier » qu’il présentera le 15 septembre au théâtre du Casino d’Aix-les-Bains, le parcours de ce « fils de » a été des plus réguliers. Il s’est installé parmi les humoristes les plus populaires de sa génération. Il affichait complet depuis longtemps puisqu’il s’agissait de l’un de ces spectacles reportés en raison de la crise sanitaire. Mais les règles ayant été depuis modifiées et les jauges de capacité augmentées, la billetterie a rouvert, il reste même une poignée de places. Olivier de Benoist sera donc la toute première tête d’affiche de cette exceptionnelle cuvée culturelle, dans laquelle l’humour tiendra une place prépondérante*. Même s’il évoluera dans des conditions particulières, face à un public masqué, l’homme affiche une inébranlable sérénité liée à sa grande expérience de la scène, « j’ai déjà joué, cet été, dans cette configuration, on s’y habitue très vite, bien que nous n’ayons pas les expressions des visages face à nous ». Le rire viendra de lui-même, le masque n’y changera rien. Rencontre avec un stakhanoviste de l’humour, de ceux qui font du bien au rire et au moral. Comment avez-vous vécu, en tant qu’artiste, le confinement ?« J’ai été fauché en plein élan. Le 15 mars, j’étais en pleine tournée de mon nouveau spectacle, » le Petit dernier «. Depuis, je sens qu’il y a une vraie demande de la part des gens, un vrai besoin de se marrer. Aujourd’hui, entre rien et cette configuration un peu particulière, je prends cette dernière. Ce juste milieu, c’est mieux que rien. Et puis cet été, je suis monté sur scène, je me suis rôdé, je suis chaud.Avez-vous eu des difficultés à reprendre le fil de votre spectacle, à vous remettre dedans ?Non, aucune. C’est une musique, une intonation, un rythme de phrase qui fait que le rire arrive. C’est naturel. Si l’on perd le rythme, on perd les rires. J’ai joué quatre à cinq fois cet été, j’ai vite retrouvé mes habitudes. J’ai un rythme de voix très énergétique, qu’il a été plus facile à retrouver que je ne le pensais. Revenir sur scène m’a galvanisé. Je reçois un truc fort de la part du public car quand il n’y a plus d’objet, je ressens une forme d’inutilité, c’est assez compliqué à vivre. C’est bon pour l’humilité, bon pour mon ego surdimensionné (rires).

« Ce spectacle est celui que je préfère, le plus riche, le plus écrit »

Vous êtes prolifique et enchaînez les spectacles. Vous en êtes à votre cinquième alors que « Très très haut débit » a joué les prolongations**…J’adore jouer, c’est mon seul et unique métier. Quand vous avez terminé votre tournée, fait vos 200 dates, vous avez déjà envie d’y retourner. Ce spectacle, « le Petit dernier », est celui que je préfère. Je sens que je deviens plus exigeant et précis dans ce que je veux dire et j’ai hâte de le montrer. De fait, les dernières mesures du gouvernement en faveur des salles de spectacles m’ont fait plaisir.La crise sanitaire vous a-t-elle obligé à modifier votre spectacle, en y incorporant, par exemple, des séquences sur le confinement et la Covid ?Oui, sur quelques moments éparses, on doit nécessairement tenir compte de ce que nous venons de vivre. Mais pas trop ! Si les gens sortent, c’est pour qu’on les emmène ailleurs, il faut donc que les choses soient les plus normales possibles. Sur scène cet été, j’ai même fini par oublier que le public portait un masque.Vous disiez qu’il s’agissait de votre spectacle préféré…Il est le plus mature, en prenant de l’âge (il a 46 ans, NDLR), je suis plus exigeant. C’est mon spectacle le plus écrit, le plus riche.A propos de l’un des sketchs phares de ce « Petit dernier », je dois vous dire que je suis le deuxième de la famille…Ah oui, vous êtes donc le moche et peut-être même…… le pédophile ! (Rires) C’est le sketch que je préfère. Il n’y a pas de sketch sur lequel vous touchez plus de monde que celui-là. La place que vous avez dans une famille a toujours une signification ; comme pour les crêpes, le premier est le prototype le deuxième est toujours raté, le troisième, souvent brillant. Pour le dernier, on doit composer avec ce qu’il reste de pâte. J’ai six frères, il y a des tempéraments bien différents mais moi, je suis le troisième (rires)… Pas de problème !

« Je n’ai pas un humour très courageux »

Est-il facile de faire de l’humour, aujourd’hui ? Il n’y a jamais eu autant d’humoristes sur le marché et malgré tout, on ne peut plus rire de tout… 

Cet été après l’une de ses représentations devant un public masqué…
Ce qui est difficile, c’est que l’on perd la notion de second degré. Le risque est là. A force d’aller dans les extrêmes, on finit par tuer le second degré. Avec Coluche, qui touchait à tout et ciblait tout le monde, il n’y avait jamais d’ambiguïté dans son discours. Pensait-il ce qu’il disait sur scène ? Non. J’espère qu’on ne finira pas par tout interdire.Je me repassais les réquisitoires de Pierre Desproges, dont beaucoup que je ne connaissais pas, certaines saillies, magnifiques, étaient pourtant extrêmes et lui vaudraient le bagne…Son sketch, « On me dit que des juifs se sont glissés dans la salle » , ne passerait plus. Et pourtant, il faut songer à tout le second degré qu’il y a derrière… Sinon il nous reste quoi ? L’humour visuel, tarte à la crème. Moi, je ne suis pas très courageux, je ne suis pas allé sur des thèmes trop compliqués ou polémiques : la famille, les belles-mères, les femmes, c’est toujours très populaire. Je n’ai pas l’humour le plus courageux, j’avoue (rires). Mais on doit pouvoir rire de tout. Qui peut dire aujourd’hui « ça, non, on ne peut pas le faire » ? Moi, j’ai envie de rire de tout.L’humour plus sensible, plus politique ou sur les communautés, notamment, vous pourriez y aller ?L’humour sur les juifs, les arabes, ça ne me fait pas vraiment rire donc je n’y vais pas. Mais ceux qui y vont, c’est très bien, même si c’est devenu plus dangereux de s’y aventurer aujourd’hui qu’hier. On vit dans une société qui gagne en libertés ; de la presse, sur internet, grâce au CSA et pourtant, avant, il y avait plus de liberté dans les thèmes à aborder. Moi, je cherche à faire rire le plus grand nombre.  

« Chaque vanne doit être une frappe chirurgicale »

J’ai été frappé par votre voix, sur scène. Vous parlez fort, vous donnez de votre personne…Un one man show est comme un combat de boxe, j’ai besoin de mettre KO. Je travaille énormément le texte en amont, chaque vanne doit être comme une frappe chirurgicale. A chaque fin de phrase, je dois faire rire. C’est pourquoi je fais en sorte d’avoir un texte ciselé. … avec un timbre de voix assez précieux. Du fait de vos origines socialement élevées*** ?Oui, j’aime bien ce ton. Laurent Gerra avait aussi ce côté-là, on disait de lui qu’il était un sale gosse en costume. Oui, ça vient de mes origines, je peux dire des horreurs d’autant plus facilement. Avec « le Petit dernier », vous évoquez la paternité…Oui, je trouvais cela pas mal, de parler de ça. Un one man show fonctionne quand il y a une sincérité. Ce spectacle sent le vécu, j’ai quatre enfants et d’ailleurs, à chaque nouvel enfant, j’en fais un nouveau. Quand je parle de ma femme, les gens savent que c’est du vécu. Idem pour ma belle-mère. Dans « 0/40 », je parlais plus de moi (il évoquait notamment son arrivée chez les quadragénaires, NDLR). J’avais envie de sortir du thème de la femme et de la belle-mère. J’adore, en fait, que l’on me dise « quel con ! » en sortant de l’un de mes spectacles.Rassurez-moi, 40 ans, ce serait donc le bel âge ?Honnêtement, je pense que c’est un âge sympa où tout est encore possible. Plus qu’à 30 ans. Vous avez plus de recul sur la vie «.Olivier de Benoist sera sur la scène du théâtre du Casino, mardi 15 septembre, à partir de 20h30.* Lire notre article du 4 septembre sur la saison culturelle aixoise.**  » Très très haut débit » a été joué plus de 600 fois, de la fin 2008 à 2013.*** Il est né Olivier Marie Emmanuel de Benoist de Gentissart, à Reims. Âgé de 46 ans, il est fils d’une famille de nobles, d’origine belge. 

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