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Pierre Lemarchal : « Notre seul but, c’est de faire passer un message universel d’espoir »

Par Laura Campisano • Publié le 07/09/20

Lundi 7 septembre, « Pourquoi je vis », biopic inspiré de la vie de Grégory Lemarchal, sera diffusé sur TF1 à 21h05, près de 13 ans après la disparition du chanteur chambérien. Dans ce téléfilm réalisé par Laurent Tuel, où Mickaël Lumière tient le rôle-titre, les parents de Grégory Lemarchal sont incarnés par Arnaud Ducret et Odile Vuillemin, mais sur le terrain, ce sont bien Pierre et Laurence Lemarchal qui continuent à faire « naître des sourires sur les visages des patients atteints de mucoviscidose ». Pierre Lemarchal nous a livré ses ressentis, son combat mené de front avec son épouse, les bénévoles et les donateurs, afin de poursuivre ce que son fils avait initié avec sa voix. Rencontre.
Discret, pudique et pourtant sur le devant de la scène, voilà tout le paradoxe de Pierre Lemarchal, dont le fils Grégory a, en très peu de temps, laissé une empreinte indélébile dans le paysage musical français. Dès la sortie de la bande-annonce, dès l’annonce de la diffusion du téléfilm, et même bien avant, pendant le tournage, Pierre Lemarchal a répondu à toutes les questions, inlassablement. Et pour cause, ce n’est pas seulement de sa vie ni de celle de son fils qu’il s’agit. C’est aussi et avant tout de sa mission, celle que lui a transmise Grégory avant de partir : faire en sorte que « les gens ne baissent pas les bras ».
Le téléfilm qui s’apprête à sortir est inspiré de votre vie de famille et, même si l’on devine l’émotion que cela a pu provoquer chez vous, pourquoi avoir finalement donné votre accord pour que ce projet voie le jour ?  « Cela reste toujours un domaine très compliqué pour nous. Au départ, nous n’étions pas du tout d’accord avec l’idée même d’un biopic, c’était impensable. D’abord de voir incarner Greg à l’écran, et puis, on se disait  » quel est l’intérêt? Un biopic sur Freddy Mercury ou d’autres, c’est logique, mais Greg… « Je pense que nous n’étions pas prêts. Et puis nous avons réfléchi, et nous avons donné notre accord. Cela a été compliqué de dire oui, mais finalement nous avons été mis en confiance, avons pu voir les choses avec notre œil bienveillant. Grégory avait un message à faire passer, il l’a fait avec sa voix, et depuis 13 ans par l’intermédiaire de l’association, nous poursuivons ce qu’il aurait voulu faire, s’il en avait eu le temps.

Vous avez d’ailleurs été très présents, Laurence et vous-même, sur le scénario et le tournage du film… Il ne s’agissait pas de dire « débrouillez-vous » après avoir donné notre accord. Nous avons beaucoup aidé les scénaristes, il y a des détails connus de nous seuls, comme les soins de Greg, la bouteille d’eau qu’il avait toujours à côté de lui. Cela peut sembler être des détails, mais des gens qui vivent directement ou indirectement avec la maladie vont regarder le téléfilm, et il faut que cela colle à la réalité, le plus possible, il ne faut pas que l’on se trompe sur les images. Il y a une part de fiction dans le téléfilm, bien sûr, mais tout ce qui y est raconté est vrai. C’était aussi leur demande que nous soyons présents sur le tournage.
Après la diffusion des premières minutes du biopic, les téléspectateurs ont d’emblée été frappés par la ressemblance de l’acteur principal, Mickaël Lumière avec votre fils Grégory. Comment avez-vous vécu cette rencontre ? Nous avons beaucoup appréhendé le choix du comédien. Mais une fois que nous avons rencontré Mickaël, paradoxalement ça m’a rassuré, apaisé. Au-delà de la ressemblance physique, nous voyions bien que ce n’était pas Greg, il nous a bluffé par sa personnalité. C’est un garçon exceptionnel, une personne humble et bienveillante, d «une telle simplicité et qui dégage quelque chose qui fait qu’on a envie de le côtoyer, c’est en cela qu’il ressemble à Greg. Il était certainement plus stressé que nous avant de nous rencontrer, il avait dit justement que sans l’approbation des parents et de la sœur de Grégory il n’aurait pas pu continuer. Nous l’avons très vite détendu, mais je souligne qu’avec tout ce qu’il vit en ce moment, toutes ces télés, tous ces plateaux, il reste d’une sérénité enviable alors qu’il n’a jamais connu ça, cet aspect médiatique incroyable. C’est vraiment le genre de personne qu’on aimerait avoir comme fils.

« Grégory a marqué les esprits parce qu’il est un tout »

Comment expliquez-vous l’attachement que les gens éprouvent, depuis le début et encore 13 ans après le départ de votre fils ? J’ai pris beaucoup de recul par rapport à cela. J’étais tout le temps avec lui, durant cette petite carrière, je me demandais pourquoi les gens s’attachaient à un artiste comme ça. Et en réalité, je pense qu’il a réussi à toucher les gens par sa personnalité, son charisme, sa simplicité, sa façon d’aborder son métier. Cela surprenait tout le monde, à l’époque déjà, les médecins ne se l’expliquaient pas. Comment arrivait-il à chanter comme ça avec sa maladie? Nous avons été abordés par une petite fille de 8 ans, qui nous a dit que sa maman lui avait fait écouter ses disques et que depuis elle n’écoutait que lui. Et nous, nous nous laissons porter par cet amour qu’ont les gens pour Grégory. Il a marqué les esprits parce qu’il est un tout.
Pour les familles des malades aussi, votre histoire a beaucoup d’importance, comment avez-vous souhaité l’exprimer dans vos conseils aux scénaristes ? Il faut imaginer le tsunami que c’est pour un jeune couple, qui a son premier enfant, qui aspire au bonheur, à qui on annonce que son enfant est touché par cette maladie, dont on ne guérit pas. A l’époque, l’espérance de vie c’était 10, 12 ans, pour les enfants porteurs de cette maladie. Nous avons tenu, avancé, nous avons continué à vivre alors que de nombreux couples n’y résistent pas. Ce combat c’est une force pour notre fils et nous pensons aux familles qui vivent la même chose que nous, c’est le message qu’on voulait leur faire passer.
Finalement, votre message s’adresse à tous ceux qui souffrent, atteints de mucoviscidose ou de toute autre épreuve dans leur vie ? Oui, cela s’adresse à tout le monde. Notre vie n’a pas changé en 2007, quand Greg est parti. Elle a changé en 1985 quand on nous a annoncé qu’il était atteint de cette maladie. Depuis 2007, nous diffusons le message d’espoir, pour aider les autres, c’est un message universel d’espoir. Et l’association que nous avons créé, ce n’est pas que nous, j’inclus tous les gens qui se mobilisent : les donateurs qui se sont sensibilisés, les bénévoles, la communauté des gens atteints de mucoviscidose, il ne faut jamais baisser les bras, c’est le message de Greg. Il avait cette force, caractéristique des gens atteints de cette maladie : il avait besoin de rigoler, de faire le con, mais s’exprimait aussi comme un adulte confirmé alors qu’il était tout jeune. Son envie de vivre était très forte. Tout comme notre action, on ne se force pas à faire tout cela. On a le flambeau et on ne le regrette pas du tout. Quand on voit le sourire des gens atteints de la maladie que l’on peut aider, cela nous conforte.

« Ce que nous faisons, c’est aussi pour toutes les associations »

En 2021, ouvrira à Rueil-Malmaison, une maison d’accueil pour accueillir les personnes atteintes de mucoviscidose. C’est un projet qui vous tenait fortement à cœur, pouvez-vous nous en dire quelques mots ? Derrière chaque pierre de cette maison, chaque maçonnerie, il y a un donateur. On aurait pu l’appeler « la maison des donateurs ». Nous voulions leur montrer ce que nous avions réalisé avec leurs dons, et le message qu’il y a derrière cela, c’est qu’on a toujours besoin des gens. Elle sera située près de l’hôpital Foch, où se trouve un important service de pneumologie. Il y a un réel besoin de ce genre de structure, car les personnes atteintes de cette maladie ont besoin de beaucoup d’aide. La maison est très attendue, cela permettra de donner un autre ressort aux gens touchés par la mucoviscidose. Nous avons aussi prévu de faire un « hors les murs », sur des thèmes par visio, pour que tous puissent participer s’ils le souhaitent.
L’action de l’association Grégory Lemarchal en finir avec la mucoviscidose permet de mettre un coup de projecteur sur les combats qu’il reste à mener … Il y a un côté pudique également. Nous ne sommes pas la seule association qui s’occupe de cette maladie, il y en a beaucoup d’autres et pour moi c’est un tout. Ce que nous faisons c’est pour toutes les associations, celles qui n’ont plus les ressources nécessaires pour continuer avec la Covid, les manifestations de terrain annulées, la sensibilisation, etc. Nous aurions préféré que notre famille reste dans l’anonymat, sans se battre, sans perdre un enfant. Il s’avère qu’existe une notoriété autour de notre combat, mais notre seul but, c’est vraiment de passer ce message à tous. En réalité, notre principale mission à l’association, c’est de l’arrêter, le jour où les gens pourront guérir de la maladie. Pas demain, bien sûr, mais nous ne sommes pas loin de pouvoir dire qu’on peut vivre avec et c’est déjà une grande victoire. Et dans quelques années, d’autres thérapies verront le jour. Cela voudra dire que l’on a gagné, qu’on a réussi grâce à tout ce qu’il s’est passé. 
De quelle manière, concrète, la diffusion du téléfilm va-t-elle pouvoir aider votre association ? Toute la journée, il y aura des appels aux dons de Nikos Aliagas (un des parrains de l’association NDLR) de nous, avec Laurence, ainsi qu’un bandeau en bas de l’écran durant la diffusion. Depuis une semaine nous avons déjà commencé l’appel aux dons et juste après le biopic, sera diffusé un documentaire avec beaucoup d’images de Greg dans lequel nous expliquerons ce que nous faisons. Il y aura peut-être un peu moins de monde derrière l’écran, mais c’était important pour nous «. 

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