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Bassin aixois : pourquoi l’abaissement de la vitesse sur l’A41 n’est pas pour demain

Par Jérôme Bois • Publié le 05/10/20

La société gestionnaire des autoroutes – et sa filiale sur Rhône-Alpes, Area – interrogée sur le souhait exprimé par certains maires du bassin aixois d’abaisser de 20km/h la vitesse sur l’A41, s’est montrée dubitative. Elle explique qu’une telle option demeurait du ressort de l’Etat, tout en précisant qu’il lui faudrait des études d’impact poussées sur toute la zone pour parvenir à connaître les sources de nuisances. Il sera de fait difficile de contenter les maires de Grésy, Mouxy, Drumettaz-Clarafond et consorts, rejoints depuis le 29 septembre par celui d’Aix-les-Bains « Mais il ne s’agit pas d’une fin de non-recevoir », nuance le directeur général adjoint d’Area.
Xavier Rigo, directeur général adjoint du groupe Area-APRR, n’aime probablement pas passer pour un rabat-joie. Sa réponse n’a pourtant rien d’engageant pour ces élus dont la mobilisation autour du sujet de l’A41 démontre que cette unité n’est pas opportuniste mais tient du bon sens : ce qui est bon pour Mouxy le sera pour Méry, Aix ou Grésy. Seulement, à Area, filiale d’APRR sur Rhône-Alpes, c’est le réalisme, froid, qui prime, et ce bien que les rapports entre tous soient des plus cordiaux. Et Xavier Rigo en est le premier désolé. « Je suis un peu à sec sur les solutions à apporter » , s’excuse-t-il. Car comme le signalait Renaud Beretti, en séance du conseil, le 29 septembre, il faudrait identifier de réels points noirs sur l’axe Grésy-La Motte long de vingt kilomètres, mis en ligne en 1977, pour qu’Area n’ait plus le choix. « S’il y a point noir, nous serions dans l’obligation de le régler » , rappelle Xavier Rigo. Et pour les identifier, une étude d’impact « sur toute la zone » doit être conduite, à l’initiative du Préfet, donc de l’Etat. Clairement, rien ne pourra se faire sans. En l’état, rien ne permet de contraindre l’opérateur à prendre des mesures visant à réduire le bruit et la pollution générés par l’A41, comme le souhaitent de nombreux élus locaux.

Mouxy, Grésy, Méry, Drumettaz, Aix-les-Bains…

Le premier a avoir ouvert la porte était Florian Maitre, tout début juillet, en séance du conseil municipal. Nous étions le 3 juillet et le conseil était invité à se prononcer sur un vœu, celui de voir la vitesse abaissée de 20km/h sur la portion allant du péage de Grésy-sur-Aix à l’échangeur de la Motte-Servolex. Cette réduction devait avoir pour conséquences de « réduire le risque d’accidents, le bruit d’1,5 db et la pollution de 11% pour les émissions de CO2, de 21% pour les NO2 et de 12% pour les particules » , indiquait le vœu. Ce n’est pas un sujet nouveau, il est même plus d’une fois revenu sur la table à mesure que des riverains se sont plaints du bruit, en particulier. « Nous sommes encerclés, à Grésy, par la colline d’Arbussin, la forêt de Corsuet et les contreforts des Bauges, avec une autoroute qui passe au milieu, provoquant du bruit et de la pollution ; en début de mandat, il était important d’agir » , détaille Florian Maitre. Le 25 août, Nicolas Jacquier, maire de Drumettaz-Clarafond, avait également proposé un tel vœu à ses conseillers, arguant que « la gêne sonore » était « réelle. Baisser la vitesse de 20km/h irait dans le bon sens » , une réduction impactant principalement les voitures. « Nous avons fait remonter nos doléances à Area avec qui nos rapports restent très courtois ». S’il se satisferait d’une réponse favorable, Nicolas Jacquier admet que l’enjeu est avant tout « de se faire entendre » par le gestionnaire. Même si « il y a un an, ils ont taillé des haies aux abords de l’autoroute, les riverains ont perdu leur brise-vue. En étant plusieurs, nous pourrions avoir un poids que seul, je n’aurais pas. Le Préfet est mis dans la boucle ». Des conseillers de la commune s’étaient interrogés sur la possibilité de construire des murs antibruit au plus près des habitations, mais la topographie des lieux, entre creux et montées, ne l’autorise pas « tant ils perdraient en efficacité » rappelait Renaud Beretti.

Un axe pas accidentogène

C’est à Mouxy que les habitants ont été les plus virulents, Mouxy « où les taux de nuisance restent dans les normes admises, certes, sauf pour quelques riverains où ils sont à la limite » , souligne Laurent Filippi. Le maire moussard s’était ainsi emparé du sujet, durant la campagne, « alors que je faisais du porte-à-porte. Ces nuisances sont dues à la densification de la tâche urbaine autour du réseau, augmentant substantiellement le trafic sur cet axe. Pour les Moussards vivant à proximité, le bruit n’est pas linéaire ». Il avance une augmentation de plus de 2 000 véhicules par jour sur les cinq dernières années pour justifier le caractère urgent de la question. « Et pourtant, les Moussards avaient débuté leurs actions il y a longtemps » … Surplombant la chaussée, ces habitations sont victimes du bruit montant. Le maire avait alors pris attache avec la députée de la première circonscription, Typhanie Degois, qui a pris le dossier en mains. « J’ai reçu plusieurs dizaines de sollicitations d’habitants et d’élus depuis mon élection en 2017, j »ai donc eu plusieurs réunions avec les gens d’Area« , explique-t-elle, » il y a un obstacle au souhait de ces maires de voir la vitesse limitée, c’est qu’il ne s’agit pas d’une zone accidentogène« . Une réalité mise en avant par Area, du reste. Le problème du trafic, du bruit, de la pollution ne se réglera, selon elle, que par une démarche, celle du report modal, » qui ne résoudra rien à court terme, nous sommes d’accord«. 

l’A41 E712 (Google street view)
Tout ce petit monde attendait que Renaud Beretti monte lui aussi au créneau, c’est fait depuis le 29 septembre, en séance du conseil alors que Grand Lac avait auparavant adopté un vœu comparable. « Un sujet complexe » , avait-il soufflé. Ce vœu reprenait tout ou partie des souhaits exprimés par ses collègues maires, insistant au passage sur la nécessité d’un nouvel échangeur, à Saint-Girod, afin de désengorger la sortie de Grésy-sur-Aix, en tension chaque jour aux heures d’affluence. 

« Seul le Préfet… »

Cette unité aura le don de poser les bases d’une vraie réflexion sur cet axe, à défaut d’obtenir satisfaction dans l’immédiat. « Il ne s’agit pas d’une fin de non-recevoir » , concède Xavier Rigo, mais rien ne devrait se faire. « C’est effectivement un secteur où l’on a eu quelques plaintes de bruit car les maisons sont venues se construire aux abords de l’A41 ». En effet, en cas de préexistence d’une habitation sur l’autoroute, la réglementation oblige le gestionnaire à agir en faveur du riverain subissant le préjudice en « réduisant le bruit par la pose de murs antibruit ou en procédant à l’insonorisation des maisons concernées » , détaille-t-il. Ici, de nombreuses maisons sont venues se greffer au bord de l’axe, « on ne peut pas intervenir ». Merci la densification !De façon générale, Area essaie de « voir comment réduire des problèmes » , n’étant pas sourde aux problématiques exprimées çà et là. Seulement, « seul le Préfet est habilité à y répondre et à abaisser la vitesse ». Baisser la vitesse à 110 km/h n’aurait aucune incidence sur les poids-lourds, dont la vitesse est limitée à 90 ou 100km/h**, « or, ce sont eux les plus bruyants et les plus polluants. C’est le chauffage des habitations qui crée la vraie pollution » , ajoute-il. Autre frein, pointé du doigt par Laurent Filippi, une baisse de la vitesse risquerait de détourner des usagers de l’A41 au profit des axes secondaires, traversant villes et villages. C’est pourquoi le Moussard et d’autres élus comme Dominique Fié à Aix-les-Bains ont exprimé le souhait d’adapter les tarifs à cette baisse de la vitesse « voire d’obtenir une gratuité en fonction du nombre de personnes transportées » , suggérait l’élu aixois. Diverses réductions de la vitesse à 110 km/h ont été appliquées, sur l’A6, autour de Châlons-sur-Saône, ou près d’Annecy, pour des résultats mitigés : « Les limitations sont assez peu respectées. Est-ce à dire que ces baisses ne sont pas comprises par les usagers ? » , s’interroge Xavier Rigo « Peut-être que la pose d’un radar… » proposait le maire de Mouxy, avec ce que cela implique en termes de mauvais comportements, « on lève le pied avant puis on accélère » , abonde Xavier Rigo. Typhanie Degois avait bien avancé l’option d’un enrobé réduisant l’impact du frottement des pneumatiques sur le sol. « Il existe de nouveaux matériaux d’enrobage réduisant le bruit, cela peut être une solution » , avait-elle supputé. Mais là encore, le directeur général adjoint se devait de nuancer : « Les techniques ne sont pas au point. Elles permettront peut-être d’y parvenir, mais pas dans l’immédiat ».Dans un secteur où la pollution varie selon les pics saisonniers, où l’on ne constate que peu de bouchons, excepté aux abords de Grésy, et d’accidents, il sera donc difficile pour Area d’intervenir, complexe pour l’Etat de l’y contraindre. Et même si la mobilisation est forte. « On voulait surtout marquer le coup » , concédait Laurent Filippi. C’est en effet un premier pas…

* Le riverain peut être indemnisé s’il parvient à prouver qu’il subit au fil des ans une évolution du niveau sonore anormale par rapport à la situation d’origine (augmentation du trafic par exemple). Il faudra prouver devant le tribunal administratif que le préjudice subi a un « caractère anormal et spécial », qui dépasse donc les inconvénients normaux liés à la route incriminée. Les motifs les plus fréquents qui donnent suite lieu à des indemnisations sont les troubles de jouissance et la dépréciation du logement. Il est aussi possible de jouer sur le critère de la situation antérieure de l’habitation. Ainsi, plus vous viviez dans un environnement calme et tranquille avant que les nuisances dues à l’infrastructure ne s’aggravent, plus vous aurez de facilités à être indemnisé. Si le riverain s’est installé à proximité de la route incriminée en toute connaissance de cause, la procédure auprès du tribunal administratif aura moins de chance d’aboutir. Plus d’infos ici.
** Le comité interministériel de la sécurité routière du 6 juillet 2006 a fixé, sur autoroute, la vitesse maximale autorisée des véhicules de transport de marchandises d’un PTAC de plus de 3,5 tonnes et jusqu’à 12 tonnes, à 90 km/h au lieu de 110, celle des véhicules de transport en commun d’un PTAC de plus de 3,5 tonnes et jusqu’à 10 tonnes à 100 km/h au lieu de 110 et celle des véhicules de transport en commun jusqu’à 3,5 tonnes à 100 km/h au lieu de 130.

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1 commentaire

gerard Blanc

05/10/2020 à 12:20

Ainsi donc la limitation de 10% des gaz à effet de serre responsable des bouleversements climatiques ne serait pas une raison d'intérêt public suffisante - en plus des autres - pour que le représentant de l'Etat (et des engagements gouvernementaux), intervienne auprès des sociétés d'autoroute, déjà grassement bénéficiaires depuis la scandaleuse privatisation ? Pour rappel la réduction généralisée de la vitesse sur autoroute était une mesure efficace et peu coûteuse issue de la Convention citoyenne pour le Climat... "Joker" avait dégainé notre monarque présidentiel !

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